
Document public
Titre : | Arrêt relatif à la condamnation injustifiée pour des commentaires insultants envers la police : Terentyev c. Russie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/08/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 10692/09 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Russie [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Convention européenne des droits de l'homme [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Violence sur agent |
Résumé : |
Les bureaux d’un journal avaient été perquisitionnés par la police en 2007. A la suite de cela, le directeur d’une organisation non-gouvernementale avait publié un communiqué de presse, critiquant ces faits et faisant le lien avec une campagne électorale en cours. Ce communiqué de presse avait provoqué trois commentaires, dont l’un qualifiait les policiers de « chiens fidèles du régime », termes repris par un blogueur.
Le requérant, blogueur et journaliste russe né en 1985 et habitant en Autriche, après avoir lu ces matériaux, posta un commentaire en réponse sur ce blog. Sous l’intitulé « Je déteste les flics, putain de merde », il écrivit que les policiers n’étaient « que des flics (...) voyous et décérébrés » et « les représentants les plus cons et les moins éduqués de la gent animale ». Il ajoutait que chaque ville russe devrait avoir un four « comme à Auschwitz » pour brûler les « flics infidèles » avant de « nettoyer la société de ces pourritures de flics-voyous ». A la suite, une enquête a été ouverte en raison d'incitation à la haine et, malgré l’explication du blogueur et la présentation des excuses, le tribunal de première instance jugea le prévenu coupable d’incitation à la haine et à des actes de violence contre des policiers, et le condamna à un an de prison avec sursis. Son pourvoi a été rejeté par la Cour suprême de la République des Komis, en estimant que les propos tenus par lui constituaient non pas en une critique des forces de l’ordre mais un appel public à la violence contre les policiers. Elle estime que les paroles protégées par l’article 10 de la Convention doivent être distinguées des propos qui ne peuvent être tolérés, et doivent être examinés dans leur contexte et peuvent légitimement passer pour une apologie de la violence, de la haine ou de l’intolérance. La Cour européenne, saisie de l’affaire, relève la particulière hostilité et agressivité de la comparaison faite avec le camp d’extermination d’Auschwitz, mais considère, contrairement aux juges du fond que ces propos ne s’analysaient pas en un appel à l’« extermination physique » des policiers. Ces paroles visaient plutôt la police en tant qu’institution publique et ils n’ont pas été tenus dans le contexte de questions sociales ou politiques sensibles ni de problèmes de sécurités généraux dans la région, qui auraient pu être à l’origine de menaces réelles de violences physiques contre des policiers. La police doit faire preuve d’une tolérance particulière vis-à-vis des critiques, sauf propos provocateurs susceptibles d’être à l’origine de violences immédiates contre elle. La Cour s’intéresse également au contexte restreint des propos et estime que c’est l’inculpation du blogueur qui a davantage attiré l’attention du public. Ainsi, les juridictions russes n’avaient pas recherché à replacer les paroles dans le contexte global et n’ont pas suffisamment motivé en quoi elles voyaient dans ces paroles un danger pour la sécurité nationale. Par conséquent, la Cour considère qu’il y a eu violation de l’article 10, car la condamnation de l’intéressé ne répondait pas à un besoin social impérieux de protection de la sécurité nationale. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-185307 |