Document public
Titre : | Décision 2018-197 du 24 juillet 2018 relative à la situation d'une enfant de deux ans et demi décédée sous les coups de ses parents un mois après la levée d'une mesure de placement |
est cité par : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Défense des enfants, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 24/07/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2018-197 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Position suivie d’effet [Documents internes] Maîtrise accrue sur les processus administratifs ou judiciaires [Documents internes] Rappel à la loi [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Violence physique [Mots-clés] Maltraitance [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Placement [Mots-clés] Département [Mots-clés] Aide sociale à l'enfance (ASE) [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Mesure et sanction éducative |
Résumé : |
En avril 2015, le Défenseur des droits a pris connaissance par voie de presse de la situation de la jeune A, décédée à l’âge de deux ans et demi, à l’hôpital de B à la suite de traumatismes.
Il apparaissait que l’enfant avait fait l’objet d’une mesure de placement judiciaire, levée moins d’un mois et demi avant le décès. Lorsque la mère a contacté le SAMU, inquiète de voir sa fille dormir depuis deux jours, l’enfant était dans le coma et en hypothermie. Elle portait des traces de coups sur le visage, mais également des traces de brûlures anciennes et importantes, notamment sur les fesses. Elle souffrait également de malnutrition. Le pronostic vital était engagé. L’autopsie a révélé que la mort de l’enfant provenait d’un acte d’origine volontaire et confirmé que son corps portait les stigmates de violences antérieures. Le parquet de B a ouvert une information judiciaire pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur mineure de 15 ans par ascendants ». Agés respectivement de 27 et 19 ans, les parents, C et D, ont été mis en examen et placés en détention provisoire. Leur deuxième enfant, E, âgé de quelques mois au moment des faits, a été confié aux services sociaux. Le Défenseur des droits s’est saisi d’office de la situation. Le Défenseur des droits conclut à une atteinte au droit de l’enfant à être protégé du danger et à l’intérêt supérieur de l’enfant ; Recommande l’instauration d’une possibilité de cumul, sur une courte période, sous l’autorité du juge d’une mesure de placement à l’aide sociale à l’enfance et d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, afin de favoriser les transitions et le relai entre les services. Pour ce faire, il recommande à la Garde des Sceaux, ministre de la justice, d’engager une réforme en vue de modifier l’article 375-4 du code civil ; Recommande au président du conseil départemental de F de : - de s’assurer de la mise en place du projet pour l’enfant pour tous les enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance sur son territoire ; - rappeler à ses services les objectifs du projet pour l’enfant et de veiller à ce que les éléments quant au développement et au suivi médical y figurent de manière systématique et approfondie ; Dans le prolongement de sa décision n°2017-235 relative à la prise en charge de la santé des enfants confiés au dispositif de la protection de l’enfance, il rappelle la nécessité de garantir la prise en compte de la santé des enfants tout au long de leur parcours en protection de l’enfance, de leur entrée dans le dispositif à leur sortie ; Recommande au président du conseil départemental de F d’intégrer la présente décision dans le cadre de l’actuelle refonte du schéma départemental de la protection de l’enfance, notamment quant à la nécessité de mieux coordonner les actions des différents acteurs concourant à la protection de l’enfance sur le département de F et d’assurer une meilleure communication entre ces derniers ; En application de l’article L 221-2 du code de l’action sociale et des familles, recommande au président du conseil départemental de F de s’assurer que le service ASE de son département intègre dans son projet de service la coordination avec les partenaires locaux (PMI, hôpital etc.) ; Dans l’attente, d’une réforme de l’article 375-4 du code civil, dans le cadre d’une mainlevée de placement accompagnée de la mise en œuvre d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, recommande au directeur de la Sauvegarde G de veiller à ce que ses services prennent contact systématiquement avec le ou la référent(e) de l’aide sociale à l’enfance dès la notification de la décision du juge des enfants à ses services ; Le Défenseur des droits prend acte du changement de procédure opéré par l’hôpital de B pour obtenir l’adresse des parents dont l’enfant est hospitalisé dans leur structure et recommande à la direction de l’hôpital de continuer à être vigilante quant à un recueil d’adresse qui soit le plus complet et actualisé possible. |
NOR : | DFDK1800197S |
Collège Défenseur des droits : | Défense et promotion des droits de l’enfant |
Nombre de mesures : | 7 |
Suivi de la décision : |
1- Le conseil départemental : Le président du conseil départemental a pris en compte l’ensemble de nos recommandations. Il indique que ses services : - concernant le projet pour l’enfant, ont élaboré un nouveau document prenant en compte l’ensemble des champs nécessaires au développement harmonieux de l’enfant et à son bien être ; par ailleurs, ils mettent en place une méthodologie d’élaboration favorisant les articulations entre les différents services intervenant dans la situation de l’enfant pour « combler les interstices » des interventions ; - mettent en place une instance de démarrage des mesures organisées par le service ayant en charge la mesure (dont les services AEMO) pour travailler les passages de relais ; - finalisent un guide pratique de l’AEMO comprenant la question des articulations avec les services sociaux du département (ASE et PMI) et rappelant la nécessité de maintenir ses articulations pendant la durée de la mesure ; Ainsi les services d'AEMO, dès lors qu'ils seront saisis d'une nouvelle situation, devront convier les services départementaux à l'origine de la demande à participer à une réunion de passation et d'articulation dans le mois qui suit la décision relative à cette mesure de protection De la même façon, lorsqu'un service d'AEMO sera à 'initiative d'une mesure de protection mise en œuvre par les services du département (placement, placement à domicile, aide éducative à domicile, accueil en centre maternel, accueil de jour) la Maison Des Solidarités compétente devra convier les services d'AEMO à une réunion de passation et d'articulation dans le mois suivant la décision de l'autorité judiciaire ou administrative. A l'issue de ces réunions de passation et d'articulation si cela s'avère opportun, des rendez-vous communs pourront être organisés avec les services départementaux, les services d'AEMO, l'enfant et sa famille. Il est à cette occasion, rappelé à chacun, services départementaux et services AEMO, la nécessité de maintenir les articulations entre services pendant le suivi de la mesure et notamment de participer aux instances dédiées à cet effet. La place des équipes de PMI est réaffirmée dans la continuité du parcours de l'enfant quelle que soit la mesure de protection dont il bénéficie. Elles devront être conviées aux instances de passation et de suivi dès lors que la situation leur sera connue ou que leur présence sera explicitement requise, notamment dans les situations où il y a plusieurs enfants dont certains âgés de moins de 6 ans. Le projet pour l'enfant (PPE) est pensé, dans ce cadre, comme un véritable fil rouge du parcours de l'enfant, le suivant de la première mesure à sa sortie de l'Aide sociale à l'enfance. Il sera complété au fur et à meure par des avenants qui permettront de conserver un historique et une connaissance fine de la situation. Un rendez-vous de signature du PPE sera organisé pour toutes les mesures de protection en présence du Responsable de l'Aide Sociale à l'Enfance, représentant de l'autorité territoriale, des parents, du mineur capable de discernement, et de l'ensemble des intervenants, autour de la situation pour recueillir les engagements de chacun et « faire équipe » autour de la situation Concernant le contenu du PPE au-delà de l'identité, d statut et des conditions de vie matérielles et financières de l'enfant, le document « projet pour l'enfant » permettra de retracer l'historique des mesures de protection concernant le mineur, les motifs de la décision administrative ou les attendus du jugement en assistance éducative. Il prendra en considération le point de vue d s parents et de l'enfant sur la situation actuelle, la mesure et s'appliquera à recueil' r leurs avis. Seront ensuite déclinés les lieux et modalités de mise en œuvre d la mesure. Une attention particulière sera donnée à l'organisation du suivi médical de l'enfant ainsi qu'à l'organisation des relations de l'enfant avec sa famille et es tiers. Sur le plan médical le document devra faire mention des coordonnées du médecin traitant de l'enfant, et des différents médecins intervenants auprès de lui et susceptibles de devoir se coordonner dans son intérêt et avec l'accord de ses parents. Il sera fait mention du bilan de santé global de l'enfant, somatique et psychique, au regard des démarches et soins à mettre en œuvre en conséquence. Il mentionnera l'identité et les coordonnées des interlocuteurs de l'enfant et de sa famille dans le cadre de cet accompagnement. Enfin, il déclinera le projet d'accompagnement global de l'enfant en identifiant ses difficultés, ses besoins et en s'appuyant sur les ressources du mineur, de ses parents et de son environnement. A partir de l'élaboration de ce projet seront définis les objectifs, les actions à mener ainsi que leurs délais de mise en œuvre. Le bilan de ces objectifs sera effectué dans les 2 mois précédents l'échéance de la mesure en cours . Enfin, une commission enfance sera organisée en fin de mesure. Cette instance d'évaluation du projet pour l'enfant aura pour objet de faire le bilan et d'élaborer des propositions quant à l'évolution de la mesure et aux ajustements du projet de ces objectifs et des actions à mener. L'ensemble des intervenants dans la prise en charge de l'enfant et de son environnement sera convié à cette commission. II s’agira pour eux de s'accorder sur la compréhension de la situation, de définir les articulations de travail, et de coordonner les différentes interventions de chacun. Le Responsable de l'Aide Sociale à l'Enfance sera en charge de l'animation de cette instance, au terme de laquelle il sera amené à formuler une position de principe quant à la décision qui lui parait nécessaire de prendre et qu'il confirmera à l'appui du rapport élaboré à l'issue de ces échanges. Au-delà des instances, sont également en cours d’élaboration : - un guide à l'attention des familles de type livret d'accueil pour l'ASE de la Haute-Garonne ; - un référentiel du PPE pour les professionnels - un plan de formation sur le PPE 2 – Les services de la Sauvegarde 31 : La direction a mis en place un dispositif permettant de renforcer le recueil des informations utiles. Désormais, dès réception des décisions du Juge des enfants, ils avisent systématiquement les services de l'ASE en la personne du responsable de l'Aide Sociale à l'enfance. Ceci permet de renforcer la connaissance par l'autorité départementale de notre désignation. C'est un point de départ essentiel pour permettre au département de nous transmettre toute information qu'il jugerait utile. Ils répondent systématiquement à toutes sollicitations émanant des travailleurs sociaux de l’ASE (propositions de rencontres ou d'échange téléphonique). Ainsi même en l’absence de travailleur social désigné c'est un cadre de Sauvegarde 31, chef de service ou directeur, qui assure l’organisation des premiers échanges. Dans les situations où l'AEMO arrive après une autre intervention, ils organisent une rencontre avec le ou les services précédemment intervenus. Avec les services de l'ASE, ils se rapprochent de la maison des solidarités compétente pour entrer en relation avec le référent ASE ayant exercé l’accompagnement précédent. Une veille est assurée quant à la mise en œuvre effective de ces premiers échanges. Sur les premiers temps de l’exercice des mesures AEMO ils ont renforcé leur temporalité et leurs modes dinterventions, plus particulièrement dans les situations où les mineurs peuvent être confrontés à une plus grande vulnérabilité. L’âge des enfants ou les moments de transitions peuvent ainsi être des facteurs de fragilité comme le Défenseur des droits le soulignait. 3 – L’hôpital : Outre la modification de la procédure d’obtention de l’adresse des patients dont elle nous avait déjà fait part, la direction de l’hôpital indique que la coordination entre les différents services reste un point de vigilance et qu’elle participe au groupe de travail dans le cadre de la refonte du schéma départemental à des réunions visant à l’amélioration des interactions entre les différents acteurs de la protection de l’enfance. La direction rappelle également que ses équipes participent régulièrement à des actions de formation et de communication consacrées au thème des maltraitances intrafamiliales. 4- La ministre de la Justice : La ministre de la justice précise qu’il existe actuellement une expérimentation visant à permettre, dans le prolongement de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017, de permettre sur réquisition écrites du ministère public de prononcer une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert à l’égard des enfants placé à l’aide sociale à l’enfance, en dérogation aux disposition de l’article 275-4 du code civil. L’expérimentation doit durer 3 ans. A l’issue un bilan sera dressé pour envisager ou non de pérenniser cette procédure. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Enfants en difficulté |
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