
Document public
Titre : | Arrêt relatif à la définition du harcèlement moral : Michela Curto c.Parlement européen |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/07/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | T-275/17 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Droit européen [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Durée de la procédure [Géographie] Union européenne (UE) |
Résumé : |
Une ancienne eurodéputée a engagé une assistante parlementaire pour la durée restante de son mandat expirant en mai 2014. L’eurodéputée a demandé au Parlement européen de résilier le contrat au motif, notamment, que son assistante aurait décidé, sans en demander la permission, de ne pas venir travailler pendant une semaine entière. Suite à la résiliation du contrat par le Parlement en décembre 2013, l’assistante a introduit une demande d’assistance, telle que prévue par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, au motif qu’elle aurait fait l’objet de la part de l’eurodéputée d’un harcèlement moral.
Le Parlement a rejeté cette demande en considérant que les événements litigieux s’étaient déroulés dans un contexte de forte tension entre les deux femmes. Pour le Parlement, si l’usage d’un langage dur était en soi déplorable, il aurait en même temps été parfois difficile, dans le contexte de travail stressant inhérent aux travaux parlementaires, de s’abstenir d’utiliser un tel langage. Le Tribunal rappelle tout d’abord que la notion de « harcèlement moral » recouvre une conduite abusive qui se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés de façon durable, répétitive ou systématique, ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont intentionnels, par opposition à accidentels. En outre, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. Le Tribunal précise à cet égard qu’il n’entend pas se limiter dans ce domaine à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation des faits. Il estime au contraire qu’il lui appartient de porter un contrôle entier sur les faits au regard des deux conditions précitées. Après avoir retenu que, malgré leur statut de membre d’une institution, les eurodéputés sont tenus de respecter la dignité et la santé de leurs collaborateurs, le Tribunal relève que les faits allégués par l’assistante parlementaire ont été corroborés par des témoins et, en définitive, n’ont été contestés dans leur véracité ni par le Parlement ni par l’eurodéputée. Le Tribunal constate ensuite que la teneur et, notamment, le niveau singulier de vulgarité des propos tenus par l’eurodéputée à l’encontre de son assistante constituent un dénigrement tant de la personne même de l’assistante que de son travail. Le comportement de l’eurodéputée apparaît ainsi comme étant abusif et ne peut en aucune manière être considéré comme une attitude digne d’un membre d’une institution de l’Union. Par ailleurs, le Tribunal estime que le caractère abusif des comportements litigieux de l’eurodéputée n’est pas susceptible d’être tempéré par la proximité de la relation entre celle-ci et son assistante ou encore par le climat de tensions qui aurait régné au sein de l’équipe des assistants parlementaires au service de l’eurodéputée. Il s’ensuit qu’en considérant que le comportement de l’eurodéputée n’était pas abusif, le Parlement a commis une erreur d’appréciation des faits, de surcroît manifeste, au regard de la définition du harcèlement moral. Sur le terrain indemnitaire, le Tribunal rappelle que la victime d’un harcèlement moral au sein d’une institution de l’Union doit rechercher une indemnisation contre son harceleur devant une juridiction nationale, action judiciaire qui peut être, le cas échéant, supportée financièrement par l’institution employeur au titre de son devoir d’assistance. Le Tribunal reconnaît que l'assistante a fait l’objet d’un harcèlement moral et, en raison du délai déraisonnable dans le traitement de la demande d’assistance (y compris la conduite de l’enquête administrative), le Tribunal octroie 10 000 euros de dommages-intérêts à l’assistante parlementaire. |
ECLI : | EU:T:2018:479 |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=204009&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=728921 |