Document public
Titre : | Arrêt relatif à la définition du harcèlement moral : SQ c. Banque européenne d'investissement (BEI) |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/07/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | T‑377/17 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Droit européen [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Fonctionnaire [Géographie] Union européenne (UE) |
Résumé : |
La Banque européenne d’investissement (BEI) a engagé une attachée le 1er avril 2008. Cette dernière a introduit devant la BEI une plainte tendant à dénoncer comme étant constitutifs de harcèlement moral les comportements du nouveau directeur, arrivé en 2014, à son égard.
La BEI n’a reconnu que partiellement que l’attachée avait fait l’objet d’un harcèlement moral en lien avec certains des faits allégués. La Banque a indiqué à l’attachée que la procédure devait rester strictement confidentielle, y compris dans son enceinte. Insatisfaite de la décision de la BEI, l'attachée a saisi le Tribunal de l’Union européenne pour en obtenir l’annulation et pour réclamer des dommages-intérêts. Le Tribunal rappelle tout d’abord que la notion de « harcèlement moral » recouvre une conduite abusive qui se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés de façon durable, répétitive ou systématique, ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont intentionnels, par opposition à accidentels. En outre, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. Le Tribunal précise à cet égard qu’il n’entend pas se limiter dans ce domaine à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation des faits. Il estime au contraire qu’il lui appartient de porter un contrôle entier sur les faits au regard des deux conditions précitées. Le Tribunal considère tout d’abord que la BEI a commis une erreur de droit en exigeant que, pour pouvoir relever de la notion de « harcèlement moral », un comportement doit être répété à l’identique, indépendamment de l’effet cumulé des autres comportements allégués sur l’atteinte à l’estime de soi et à la confiance en soi de leur destinataire. En effet, la BEI s’est abstenue d’examiner si chaque comportement reproché au nouveau directeur avait pu, conjointement avec les autres, entraîner objectivement une atteinte à l’estime de soi et à l’assurance de l’attachée. Ainsi, s’agissant des comportements que la BEI n’a pas reconnus comme étant constitutifs de harcèlement moral, le Tribunal conclut qu’elle devra procéder à un nouvel examen des différents comportements du nouveau directeur afin de déterminer si, pris ensemble, ceux-ci sont constitutifs de harcèlement moral. Le Tribunal déclare ensuite qu’en considérant que des poursuites disciplinaires ne seraient engagées contre le nouveau directeur qu’en cas de récidive dans un délai de trois ans, la BEI a adopté des mesures insuffisantes et inappropriées par rapport à la gravité du cas, à tout le moins en ce qui concerne les suites immédiates à donner aux comportements identifiés par elle comme étant constitutifs de harcèlement moral. En effet, d’une part, une telle sanction d’un comportement de harcèlement moral avéré serait tributaire de la constatation d’un nouveau comportement répréhensible, alors même que cette constatation dépendrait, le cas échéant, de la décision aléatoire de la nouvelle victime de présenter ou non une plainte au titre de la politique de dignité au travail. D’autre part, eu égard à la gravité intrinsèque de tout comportement de harcèlement moral, cette sanction ne serait pas en ligne avec les objectifs des textes applicables à la BEI en matière de dignité au travail. Enfin, le Tribunal estime que la BEI ne pouvait pas assortir sa décision et la lettre d’excuses du nouveau directeur d’un niveau de confidentialité conduisant à interdire à l’attachée de révéler à des tiers l’existence de ces documents ainsi que leur contenu : en effet, imposer à une victime de harcèlement moral de se taire sur l’existence de tels faits aurait pour conséquence que l’intéressé ne pourrait pas faire fruit des constats opérés par l’institution concernée, notamment dans le cadre d’une éventuelle action introduite devant une juridiction nationale à l’encontre de la personne l’ayant harcelé. En outre, une telle interprétation entrerait en conflit avec l’objectif de prévenir et de sanctionner tout harcèlement moral au sein des institutions de l’Union, alors même que le harcèlement moral constitue une méconnaissance des droits fondamentaux du travailleur. Le Tribunal reconnaît que l'agent a fait l’objet d’un harcèlement moral et, en raison de ce silence indument imposé à la victime par la BEI, il octroie 10 000 euros de dommages et intérêts à l’attachée. |
ECLI : | EU:T:2018:478 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=204011&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=726310 |