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Titre : | Jugement relatif au fait que les ressortissants étrangers ne peuvent pas se voir opposer la condition d'antériorité de séjour, qui revêt de caractère discriminatoire, pour bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées |
Titre suivant : | |
Auteurs : | Tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 15/06/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 21700337 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Nationalité [Mots-clés] Ressortissant pays tiers [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Titre de séjour [Géographie] Tunisie |
Résumé : |
Le requérant, ressortissant tunisien, a travaillé en France de 1971 à 1987 et perçoit depuis 2012 une pension de retraite liquidée et versée par deux organismes français. Il réside en France de manière continue depuis l’année 2014. En 2015, il a sollicité l’attribution de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). La caisse a rejeté sa demande au motif qu’il n’était pas titulaire depuis au moins dix ans d’un titre de séjour l’autorisant à travailler. Cette condition dite de « stage préalable » est posée par l’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale.
Saisi par l’intéressé, le Défenseur des droits a présenté ses observations devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Invoquant notamment l’accord euro-méditerranéen entre l’UE et la Tunisie qui pose un principe d’égalité entre les travailleurs en matière de sécurité sociale quelle que soit la nationalité, le Défenseur des droits considère que l’application de l’article L. 816-1 précité doit être écartée. Le tribunal fait droit à la demande du requérant et écarte l’application de l’article L. 816-1 pour deux motifs. D’une part, le juge considère que à la date de la demande d’attribution d’ASPA, l’intéressé disposait d’une résidence stable et régulière en France mais qu’il ne justifiait pas de la condition de résidence depuis au moins 10 ans. Il considère que le refus de la caisse est donc justifié. Cependant, le tribunal note que la caisse a admis le principe de faire prévaloir les textes internationaux sur les textes nationaux s’agissant des ressortissants algériens. Il considère que l’applicabilité de l’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale qui exige d’un assuré de nationalité étrangère (de pays tiers) de justifier d’un titre de séjour d’une durée minimale l’autorisant à travailler, doit être analysé au regard de l’article 65 de l’accord euro-méditerranéen qui prévaut sur les textes nationaux. Il estime que contrairement à ce que soutient la caisse, cet accord s’applique à toutes les prestations de vieillesse et non aux seules prestations contributives. Il ajoute que les dispositions de cet accord ont un effet direct et peuvent donc être invoqués par le requérant devant le tribunal. Le tribunal juge incompatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination prévu par cet accord l’application de conditions telles que celle imposant une certaine durée de résidence sur le territoire de l’État membre, lorsque cette durée est plus longue que celle exigée pour les nationaux. Il en résulte que dès lors qu’un ressortissant tunisien est en situation régulière au regard du séjour, qu’il justifie d’une résidence stable et régulière en France, et qu’il remplit les autres conditions d’attribution de l’ASPA, il doit bénéficier de cette allocation sans qu’aucune condition tenant à la détention antérieure d’un titre de séjour ne puisse lui être opposée. Le requérant est donc fondé à voir écarter l’application de la condition d’antériorité de résidence posée par l’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale et à bénéficier de l’allocation sollicitée. D’autre part, en se fondant sur les articles 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et 1er du protocole additionnel à cette Convention, le tribunal considère que la condition d’antériorité du séjour de cinq ou dix ans opposé aux seuls ressortissants étrangers constitue une condition très restrictive à la jouissance de l’ASPA par les étrangers. Selon la caisse, cette exigence est justifiée par un but légitime de se prémunir du risque de mobilité, de mesurer la participation volontaire des étrangers à l’effort de la solidarité nationale et leur volonté de fixer leur résidence en France. Or, le tribunal considère que la liberté d’aller et venir est un droit fondamental qui ne saurait être limité et que l’ASPA est une prestation non contribution et peut être versée à une personne, ayant atteint un certain âge et dont les ressources sont inférieures à un plafond, qui n’a jamais travaillé ni cotisé en France. Selon le juge, la condition d’antériorité du séjour à laquelle sont soumis les seuls ressortissants non communautaires n’est pas de nature à garantir l’objectif tel qu’énoncé par la caisse ni l’objet de cette allocation qui est l’aide aux plus démunis et que les moyens utilisés pour y parvenir sont disproportionnés au but poursuivi. |
Est accompagné de : |
Documents numériques (1)
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