Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité de la requête portant sur le refus de délivrer un visa pour un enfant étranger en raison de l'irrégularité de la procédure d’adoption internationale : O.L.G. c. France |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/06/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 47022/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Adoption [Mots-clés] Adoption internationale [Mots-clés] Visa [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Service central d'état civil (Nantes) [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice civile [Mots-clés] Justice judiciaire [Mots-clés] Procédure de référé [Géographie] France [Géographie] Côte d'Ivoire |
Résumé : |
L'affaire concerne le refus de visa pour un enfant étranger adopté par un ressortissant français sans respecter la procédure en matière d'adoption internationale.
Actuellement, l'enfant, né en octobre 2014, est placé en "famille d'accueil" en Côte d'Ivoire et le requérant indique prendre en charge les frais de ce placement. Il ajoute qu'il se rend régulièrement en Côte d'Ivoire pour voir l'enfant. En 2012, le requérant a obtenu d'un Conseil général un agrément aux fin d'adoption. En octobre 2014, un ami ivoirien l'a informé qu'une de ses connaissances avait accouché d'un enfant, né de père inconnu, qu'elle n'entendait pas garder. Le requérant s'est alors rendu en Côte d'Ivoire pour rencontrer l'enfant alors âgé de 10 jours que son ami avait recueilli. Le requérant a initié les démarches nécessaires à son adoption. En juillet 2015, le tribunal ivoirien a accueilli sa demande d'adoption en estimant que toutes les conditions légales requises étaient réunies. La mère de l'enfant a donné son consentement au projet d'adoption et le juge a estimé, après investigation, que le requérant était moralement prêt à accueillir et à élever l'enfant avec toute son affection et à lui offrir une vie familiale propice à son développement et à son épanouissement. Les autorités françaises ont toutefois refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant au motif que le requérant n'avait pas respecté la procédure en matière d'adoption, le ministère de la famille ivoirien n'ayant pas pu contrôler l'adoptabilité juridique de l'enfant, de vérifier que le consentement à adoption a été donné librement et sans aucune contrepartie, de s’assurer que l’adoption était conforme à son intérêt et de choisir la famille adoptive la plus à même de l’adopter, notamment dans son pays d’origine, en violation de la Convention de La Haye de 1993 relative à l'adoption internationale. Par ailleurs, en avril 2016, le ministre ivoirien a décidé de retirer l’autorisation de sortie de la Côte d’Ivoire accordée à l’enfant. A plusieurs reprises le juge des référés du tribunal administratif a suspendu les décisions de refus de visa et a enjoint au ministre des affaires étrangères de réexaminer la demande du requérant. Le ministre a réaffirmé le refus de délivrance de visa pour l'enfant. Par la suite, en juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la demande du requérant et approuvé le refus de visa opposé par le ministre. Le juge a considéré qu'alors qu'il n’apparaît pas en l'état de l'instruction que le jugement ivoirien, rendu avant la ratification par la Côte d'Ivoire de la Convention de La Haye, serait entaché d'une méconnaissance de la législation ivoirienne alors en vigueur, il ressort en revanche, des pièces du dossier que l'adoption est intervenu en méconnaissance des principes de vérification préalable de l'adoptabilité de l'enfant et de subsidiarité de l'adoption internationale sous réserve de l’intérêt supérieur de l’enfant énoncé à l’article 4 de la Convention de La Haye précitée. Il a considéré que l'adoption de l'enfant est intervenue dans des conditions contraires à l'ordre public international français. Dans ces conditions, le ministre ne pouvait être regardé comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt de l’enfant ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, qui constituent l’une et l’autre des libertés fondamentales. Le juge des référés du Conseil d’État a également rejeté la demande du requérant en se fondant sur la méconnaissance de la conception française de l'ordre public international. Par ailleurs, le procureur de la République a informé le requérant que le jugement ivoirien était inopposable en France et ne pouvait faire l'objet d'une transcription sur le registres de l'état civil. Le requérant a contesté cette décision par le biais d'une demande de mainlevée du refus de transcription. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint du refus opposé à sa demande tendant à l’obtention d’un visa pour faire venir en France l’enfant qu’il a adopté en Côte d’Ivoire. Il dénonce une violation de son droit et de celui de l’enfant au respect de leur vie privée et familiale. Introduite devant la CEDH le 14 novembre 2016, la requête a été communiquée le 10 mars 2017. La CEDH déclare à l'unanimité la requête irrecevable pour non épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35§1 de la Convention. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement, elle considère que la procédure en référé-liberté initiée le 14 décembre 2016 était de nature à mettre le juge interne en position de redresser la violation de la Convention dont le requérant se plaint maintenant devant la Cour. Le fait que la saisine du juge des référés est postérieure à l’introduction de la présente requête n’est par ailleurs pas déterminent ; ce qui importe dans ce contexte c’est que la décision interne définitive clôturant la voie de recours interne dont il est question ait été rendue avant que la Cour statue sur la recevabilité. La Cour estime toutefois que pour que l’exercice de cette procédure ait pleinement épuisé les voies de recours internes, il aurait fallu que le requérant interjette appel devant le Conseil d’État de l’ordonnance de rejet du 16 décembre 2016, ce qu’il n’indique pas avoir fait. Certes, le juge des référés du Conseil d’État s’était déjà prononcé défavorablement au requérant dans le cadre de la procédure en référé-suspension initiée le 24 juin 2016, par une ordonnance du 12 juillet 2016, dont l’ordonnance du 16 décembre 2016 reprend les motifs. Cependant, les critères de mise en œuvre du référé-liberté et du référé-suspension ne sont pas les mêmes. Le Conseil d’État n’aurait par ailleurs pas été lié par les motifs de son ordonnance du 12 juillet 2016. Ainsi, on ne saurait retenir qu’un tel appel aurait été « de toute évidence voué à l’échec » . La Cour constate ensuite que les autres recours en référés-libertés exercés par les requérants, dont l’un a abouti à la saisine du Conseil d’État et à l’ordonnance du 12 juillet 2016 susmentionnée, ne visaient pas l’obtention d’un document de voyage mais la suspension de l’exécution du refus de visa et le réexamen de la demande, ce qui ne suffit pas pour redresser la violation alléguée. Le requérant lui-même souligne cette différence entre l’objet des différents recours dont il est question, même s’il n’en tire pas les mêmes conséquences juridiques. Cela vaut aussi pour le recours en référé-suspension dont le requérant a usé deux fois à cette même fin. De surcroit, un tel recours ne peut être utilisé indépendamment d’un recours au fond, dont il est l’accessoire : il ne peut viser que la suspension de l’exécution de la décision administrative que l’on conteste par ailleurs au fond, dans l’attente du jugement sur le fond. Adoptée par la Cour le 5 juin, cette décision a été rendue publique le 28 juin. |
ECLI : | CE:ECHR:2018:0605DEC004702216 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-184527 |