
Document public
Titre : | Arrêt relatif à la négligence des autorités françaises pour prévenir le décès d'un homme âgé et en état d'ébriété peu de temps après son interpellation par la police : Semache c. France |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 21/06/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 36083/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Entrave [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Négligence [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Ivresse publique et manifeste [Géographie] France |
Résumé : |
L'affaire concerne le décès en juin 2009 d'un homme, âgé de 69 ans et père de la requérante, interpellé avec un autre homme en état d’ébriété par des fonctionnaires de police. Les deux hommes ont été emmenés au commissariat puis à l'hôpital où le père de la requérante est décédé quelques heures plus tard d'un arrêt cardiaque.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a rendu un avis en mai 2010 en demandant notamment l'engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires de police qui ont usé de la force de façon disproportionnée et précipitée pour extraire le père de la requérante du véhicule de police à son arrivée au commissariat, et contre ceux qui ont laissé les deux hommes, âgés respectivement de 60 et 69 ans, menottés dans le dos, allongés au sol du commissariat, le visage dans leurs vomissures, pendant environ une heure, sans réagir, ce qui constitue un traitement inhumain et dégradant de deux hommes. En février 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la requérante en estimant que les policiers n'ont fait usage que de la force strictement nécessaire et que l'examen des pièces de la procédure a révélé que l'enquête a été complète. La CEDH juge que l'immobilisation forcée du père de la requérante par la technique dite du " pliage ", alors qu'il se trouvait dans un véhicule de police à destination du commissariat, était justifiée et strictement proportionnée au but poursuivi. En revanche, la Cour considère que la situation de l'intéressé au commissariat de police a été traitée avec négligence par les autorités, comme cela ressort aussi de l'avis de la CNDS. Dès lors qu’il y a eu négligence, la Cour ne peut que retenir que les autorités n’ont pas fait ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour prévenir la réalisation du risque de décès auquel il était exposé. Elle conclut que vu l’âge du père de la requérante, l’état d’ébriété dans lequel il se trouvait, le fait qu’il avait été rudoyé lors de son arrestation, de son transport et de son extraction du véhicule et qu’il avait subi pendant plusieurs minutes une technique d’immobilisation comportant un risque potentiel pour la vie, vu l’état général dans lequel il se trouvait lorsqu’il est arrivé au commissariat, et vu le fait qu’il est resté au commissariat sans assistance médicale dans des conditions lamentables durant une heure et quinze minutes, la Cour estime que les modalités de sa prise en charge dans ce commissariat caractérisent un manquement par la France à l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie. C’est donc la conjonction de ces différents facteurs, et non l’un ou l’autre pris isolément, qui conduit la Cour à conclure qu’il y a eu violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention dans son volet matériel. Ensuite, tout en relevant quelques lacunes ponctuelles (l'absence de reconstitution des faits ou la durée totale de la procédure), la Cour considère qu'au vu des mesures prises et en particulier des expertises médicales, il n'est pas possible de remettre en cause l'effectivité de l'enquête réalisée par les autorités nationales. Il n'y a donc pas eu violation de l'article 2 de la Convention dans son aspect procédural. Enfin, ayant conclu à une violation de l'article 2 dans son volet matériel, la Cour estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner s'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention (interdiction des traitements inhumain et dégradants). |
ECLI : | CE:ECHR:2018:0621JUD003608316 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-183818 |
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