Document public
Titre : | Arrêt relatif à la non-violation du droit au respect de la vie privée d'un père dont la demande de désaveu de paternité a été rejetée et au refus de l'enfant de se soumettre au test ADN : Bagniewski c. Pologne |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 31/05/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 28475/14 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice familiale [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Paternité [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Géographie] Pologne |
Mots-clés: | test ADN |
Résumé : |
L'affaire concerne le rejet de l'action en désaveu de paternité d'un homme.
Étant marié avec la mère de l'enfant né en 1997, le requérant a été inscrit en tant que père au registre de l'état civil. Ayant des doutes sur sa paternité, il a commandé, quelques années plus tard, un test ADN (identification par empreintes génétiques) extrajudiciaire en fournissant, selon lui, ses propres échantillons biologiques ainsi que ceux de l'enfant. Les résultats de ce test ont établi l'absence de lien de filiation biologique entre les donneurs d'échantillons. Ensuite, le requérant a demandé au procureur d'introduire, en son nom, une action en désaveu de paternité. Au cours de la procédure, le tribunal a ordonné un test ADN. Cependant, la mère et l'enfant ont refusé de s'y soumettre. En se basant sur le test extrajudiciaire commandé par le requérant, le tribunal a déclaré que ce dernier n'était pas le père de l'enfant. Sur recours de la mère de l'enfant, la cour d'appel a rejeté l'action en désaveu de paternité en estimant que le test ADN extrajudiciaire contesté par la mère de l'enfant ne pouvait pas être considéré comme la preuve décisive dans le cadre de la procédure civile et que le requérant ne pouvait pas tirer du refus de l'enfant de se soumettre au test ADN des conclusions contraires à l'intérêt supérieur de celui-ci. Invoquant en particulier l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le requérant se plaignait notamment du rejet de l'action en désaveu de paternité. Par ailleurs, le requérant allègue avoir été victime de discrimination lors de la procédure civile devant les juridictions nationales. La CEDH note que la demande du requérant visant la contestation de la présomption de paternité légitime reposait essentiellement sur sa propre conviction qu’il n’était pas le père biologique de l’enfant né pendant son mariage, et non pas sur des preuves raisonnables et suffisantes, que, au demeurant, il aurait dû soumettre aux juridictions nationales. La Cour note de surcroît que la juridiction d’appel a motivé son jugement de manière détaillée et convaincante, en prenant en considération toutes les circonstances et en mettant en balance les intérêts divergents en jeu, à savoir ceux du requérant et ceux de l’enfant. Par conséquent, elle considère que celle-ci a convenablement exercé ses compétences lors de son appréciation des faits pertinents. Elle observe en outre que le droit interne ne prévoit aucune mesure qui permettrait de contraindre l’enfant à subir des tests ADN. Pour la Cour, cet élément a une importance décisive dans la mise en balance des intérêts en cause. La Cour se dit consciente que l’apparition des tests ADN et la possibilité pour tout justiciable de s’y soumettre constituent une évolution sur le plan judiciaire, en ce que ces tests permettent d’établir avec certitude l’existence ou l’absence de liens biologiques entre différentes personnes. Cela étant, la Cour rappelle avoir déjà jugé que la nécessité de protéger les tiers pouvait exclure la possibilité de les contraindre à se soumettre à quelque analyse médicale que ce fût, notamment à des tests ADN. Une telle conclusion s’impose d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, le tiers en question est un enfant, bénéficiant d’une filiation légitime de longue date. La Cour ne voit rien d’arbitraire ou de disproportionné dans la décision de la juridiction nationale, qui a donné plus de poids à l’intérêt de l’enfant qu’à l’éventuel intérêt du requérant à obtenir la vérification d’une donnée biologique. En outre, elle estime que l’âge de l’enfant, qui était mineur à l’époque des faits, a joué en faveur de la prise en compte de son intérêt. En l'espèce, l'absence d'une quelconque manifestation de la part de l’enfant du souhait de voir vérifier sa filiation, combinée avec le temps depuis lequel celui-ci bénéficiait de son état civil d’une manière stable ainsi qu’avec les conséquences patrimoniales susceptibles de découler pour lui de l’accueil d’une action en désaveu de paternité, a joué en l’espèce en faveur de son intérêt à ne pas être privé de son lien de filiation établi au motif d’une éventuelle discordance avec la réalité biologique. Par conséquent, le fait de contraindre l’enfant à se soumettre à un test ADN aurait en l’espèce pu porter atteinte au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale et affecter son équilibre émotionnel. Par ailleurs, la Cour observe que le juge d'appel n’a pas pour autant perdu de vue l’intérêt du requérant, puisqu’il a indiqué dans la motivation de son jugement que malgré le refus de l’enfant de se soumettre à un test ADN, dicté par la crainte de voir son identité sociale ébranlée, il était possible de renverser la présomption de paternité si d’autres éléments de preuve, susceptibles de montrer que la paternité d’un autre homme était davantage plausible, avaient été proposés. La Cour note que la juridiction nationale a pris en considération la situation du requérant dans les procès, résultant du refus de l’enfant de se soumettre à un test ADN, dans le cadre de l’appréciation des preuves. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour estime que le rejet de l’action en désaveu de paternité – découlant du refus du tribunal de s’appuyer sur le test médical extrajudiciaire réalisé sur la base des échantillons biologiques prélevés par le requérant lui-même et de tirer de l’absence de consentement de l’enfant à un test ADN des conséquences contraires à l’intérêt supérieur de celui-ci – n’a pas rompu le juste équilibre entre les intérêts en présence. Partant, la Cour conclut, à l'unanimité, à la non-violation de l’article 8 de la Convention. Enfin, la Cour rejette les allégations de la violation de l'article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l'article 8 de la Convention comme étant manifestement mal fondées. En effet, elle juge, à la lumière de l'ensemble des éléments en sa possession, que les faits dénoncés ne révèlent aucune apparence de violation des dispositions en cause. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-183220 |