Document public
Titre : | Arrêt relatif au harcèlement moral et à la discrimination subie par une salariée à la suite de la dénonciation des faits de harcèlement sexuel dont elle s’estimait victime |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 02/05/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16/15715 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Harcèlement sexuel [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Mesures de rétorsion |
Résumé : |
La requérante, conductrice de bus, soutient avoir subi des agissements constitutifs de harcèlement sexuel de la part de son collègue chargé de la planification des activités des conducteurs de bus. Elle a ensuite cherché à l’éviter en sollicitant plusieurs changements de service. Elle a dénoncé ces faits à la direction qui aurait tardé à réagir. Enfin, elle se plaint des mesures de rétorsion dont elle aurait été victime de la part de son employeur suite à la dénonciation de faits de harcèlement.
La plainte de la salariée a été classée sans suite par le parquet au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée. L’intéressée a été en placée en arrêt de travail pendant neuf mois. La caisse primaire d’assurance maladie a refusé de reconnaître un caractère professionnel à l’accident ou à la maladie professionnelle déclarés par la salariée pour harcèlement sexuel. Saisi par l’intermédiaire d’une association, le Défenseur des droits a considéré que les faits dénoncés étaient susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel, que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne prenant pas les mesures nécessaires afin de prévenir la survenance de ces faits et de mettre fin aux agissements dénoncés, et que les décisions prises par l’employeur, postérieurement à la dénonciation des faits par l’intéressée, étaient assimilables à des mesures de rétorsion. Statuant en formation de départage, le conseil des prud’hommes a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes. La cour d’appel infirme partiellement le jugement prud’homal. Elle confirme le jugement en ce qu’il n’a pas retenu l’existence de harcèlement sexuel. La cour considère que les certificats médicaux et les quelques compliments, ou propos non contextualisés, le salut par une bise, le comportement et les paroles parfaitement anodins et sans connotation sexuelle que l’intéressé reconnaît avoir tenus, ne permettent pas, pris dans leur ensemble, de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel. En revanche, la cour reconnaît l’existence, d’une part, d’une discrimination en lien avec la dénonciation de faits de harcèlement sexuel et, d’autre part, de harcèlement moral. Elle considère que l'employeur justifie avoir pris les mesures qui s'imposaient dès lors que la dénonciation des faits par la requérante est parvenue à la direction de l'entreprise. L'entreprise justifie également sa décision de ne pas réaffecter la salariée sur un poste de conduite puisque celle-ci avait une conduite dangereuse. La décision finale de l'employeur de reclasser la salariée sur un poste d'animatrice agent mobile des gares, pour préserver son emploi, était légitime et étrangère à toute discrimination, l'entreprise avait une obligation de sécurité également envers les passagers et les tiers usagers des voies de circulation. Toutefois, il n'en est pas de même pour les premières décisions prises par les services de ressources humaines de l'entreprise. La cour souligne notamment qu’à trois reprises une mutation a été fortement suggérée à la salariée sans que pour autant l’employeur ne juge utile de saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de lancer une enquête ou de saisir le médecin du travail. La cour estime que cette volonté réitérée d’éloigner la salariée paraît davantage répondre à un souci d’étouffement de l’affaire qu’à la recherche de la protection de la salariée et de la vérité. Alors qu’elle était en arrêt maladie, la salariée a fini par signer un document acceptant sa mutation dans un autre centre de bus alors que l’employeur ne justifie pas ce changement par des raisons objectives. La cour estime que cette décision et ses préalables caractérisent une mesure discriminatoire en lien avec la dénonciation des faits de harcèlement sexuel par la salariée. Par ailleurs, l’employeur ne justifie pas par des éléments objectifs les tentatives de mutations géographiques répétées et la stratégie de dénigrement de la salariée par l’équipe de ressources humaines, alors que ces faits, pris dans leur ensemble, laissent présumer le harcèlement moral. L’employeur est condamné à payer à la salariée la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et 8 000 € pour discrimination. |
Dommages-intérêts alloués en raison de la discrimination (en euros) : | 8000 |
Somme allouée hors discrimination (en euros) : | 4000 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
Est accompagné de : |
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