Document public
Titre : | Requête relative à la suspension temporaire du permis de visite en prison : V.J. c. France |
Titre suivant : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/06/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 48070/14 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Liens familiaux [Mots-clés] Droit de visite [Mots-clés] Parloir [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Surveillant pénitentiaire [Mots-clés] Incident pénitentiaire |
Résumé : |
L’affaire concerne la suspension pour une durée de deux mois du permis de visite octroyé à la requérante pour aller voir son compagnon à la maison d’arrêt.
Cette suspension est intervenue suite aux incidents ayant eu lieu à la maison d’arrêt lors des visites de la requérante au dernier trimestre de l’année 2013. Deux fois elle avait déclenché la sonnerie du portique de sécurité en raison des vêtements qu’elle portait. Une fois elle portait un jean avec des plaques métalliques. Un agent a alors découpé, sans demander l’avis à la requérante, une plaque métallique qui était cousue sur une des poches arrières de son jean. Le vêtement, comportant d’autres plaques métalliques, a continué à déclencher la sonnerie du portique mais la requérante a été autorisée malgré tout à rentrer pour exercer son droit de visite. Un mois plus tard, le 29 novembre, la requérante a déclenché à nouveau la sonnerie du portique en raison de ses vêtements. On lui a fait enlever ses bottes, son manteau, ses bijoux, son soutien-gorge et sa robe. Vêtue uniquement d’une culotte, d’un collant et d’un gilet, la requérante, qui se sentait gênée et humiliée, n’a pas été autorisée à récupérer sa robe et dû se rendre en parloir collectif dans cette tenue. Choqué par l’humiliation subie par sa compagne, le détenu s’est énervé provoquant l’intervention de plusieurs surveillants pour le calmer. Trois semaines plus tard, le 18 décembre, la requérante a apporté un jeu d’échec qui, en raison des charnières en métal, n’a pas été porté à son compagnon. La requérante a alors demandé si elle pouvait ramener le jeu une fois les charnières retirées. Le ton est monté avec un surveillant qui l’a menacé d’une suppression de son droit de visite. Quatre jours plus tard, la requérante a reçu un courrier du directeur de la maison d’arrêt, daté du 2 décembre, lui reprochant d’avoir occasionné « un trouble » dans la zone des parloirs faisant référence à l’incident du 29 novembre et l’informant qu’il solliciterait la suspension de son permis de visite en cas de nouvel incident. Le lendemain, elle a reçu un appel téléphonique de la maison d’arrêt lui annonçant que la visite, programmée pour le lendemain, était annulée, son permis de visite ayant été suspendu. Concomitamment, le compagnon de la requérante a été poursuivi disciplinairement pour avoir proféré des insultes, des menaces ou outrages à l’encontre du membre du personnel, à l’issue de la visite de la requérante le 18 décembre. Il a été sanctionné de cinq jours de quartier disciplinaire avec sursis, ainsi qu’un changement du régime des visites, celles-ci devant se dérouler pendant un mois dans un parloir avec un dispositif de séparation. Alors que les procédures d’instruction à l’encontre de son compagnon avaient été clôturées mais que celui-ci n’avait pas encore été jugé, la requérante a reçu, le 5 janvier 2014, un courrier du procureur général près de la cour d’appel, daté du 26 décembre 2013, l’informant de la suspension du permis de visite pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 28 février 2014, en raison des incidents dont elle se serait rendue responsable dans la zone des parloirs de la maison d’arrêt. La plainte portée par la requérante contre l’administration pénitentiaire a été classée sans suite. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été alerté et la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF) a réclamé au directeur de la prison des informations complémentaires sur les évènements des 29 novembre et 18 décembre 2013, considérant qu’ils « ne sauraient être suffisants, pour justifier la suspension du droit de visite » de la requérante et qu’ils portaient « une grave atteinte à (sa) dignité ». Le Défenseur des droits a été également saisi par l’OIP-SF. Le 28 mars 2014, le directeur interrégional de l’administration pénitentiaire a répondu à l’OIP que la décision de suspension du permis de visite de la requérante avait été prise par les autorités judiciaires sur demande motivée du chef d’établissement et qu’il avait par ailleurs apporté « tout éclairage » au Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur cette situation. Le 27 mai 2014, le compagnon de la requérante a été transféré dans une autre maison d’arrêt. Introduite devant la Cour le 25 juin 2014, la requête a été communiquée le 20 avril 2018. Griefs : Invoquant l’article 8 de la Convention, la requérante se plaint de ce que la suspension de son permis de visiter son compagnon a constitué une ingérence dans l’exercice de son droit au respect de sa vie familiale qui n’est pas prévue par la loi. Elle dénonce l’absence, en droit interne, tant de dispositions législatives ou règlementaires définissant et encadrant l’étendue des pouvoirs du procureur de la République en matière de permis de visite de personnes détenues une fois l’instruction terminée dans l’attente d’un jugement définitif, que de définition des critères de refus, de retrait ou de suspension du permis de visite. Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, elle fait également valoir l’absence de recours pour contester la décision du procureur général suspendant, pour une durée de deux mois, le permis de visite dont elle bénéficiait pour rencontrer son compagnon détenu. Questions aux parties : 1. La suspension du permis de visite de la requérante pendant deux mois, entre le 26 décembre 2013 et le 28 février 2014, constitue-t-elle une ingérence dans son droit au respect dû à sa vie familiale, au sens de l’article 8 de la Convention ? Dans l’affirmative, cette ingérence était-elle prévue par la loi, poursuivait-elle un but légitime et était-elle nécessaire dans une société démocratique ? 2. La requérante disposait-elle d’un recours effectif, au sens de l’article 13 de la Convention, pour contester la suspension de son permis de visite décidée par le procureur général près la cour d’appel de Bourges ? |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Privation de liberté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-182886 |