Document public
Titre : | Requête relative au respect des droits de la défense et du contradictoire dans le cadre d'une procédure visant deux hommes retenus à Guantanamo et poursuivis pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes terroristes : Sassi c. France |
Titre suivant : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/02/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 10917/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Etats-Unis [Mots-clés] Conditions matérielles indignes [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Torture [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Preuve [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Audition |
Résumé : |
Les deux requérants (Sassi, requête n° 10917/15 et Benchellali requête n° 10941/15) , ressortissants français, ont été détenus au camp de Guantanamo entre janvier 2002 et juillet 2004. Ils affirment que durant leur détention, ils ont reçu la visite, à trois reprises et à des fins d'interrogatoires, de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) dans le cadre d'une mission tripartite sans être informés de la procédure pénale engagée contre eux en France notamment pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes terroristes.
Par un jugement du 19 décembre 2007, le tribunal correctionnel a condamné les deux hommes à quatre ans d’emprisonnement, dont trois ans avec sursis, prenant en compte la durée de leur détention provisoire en France et le syndrome psycho-traumatique dont ils souffraient du fait de leur détention à Guantanamo. Sur la nullité de la procédure, le tribunal a considéré que les diligences accomplies par les fonctionnaires de la DST sur la base de Guantanamo étaient connues des avocats des prévenus et qu’elles étaient accomplies à l’initiative exclusive et sous le contrôle du ministère des Affaires étrangères avec un objectif d’identification et de renseignement, répondant à une mission à caractère exclusivement administratif. Il a ajouté que « ces diligences constituent d’autant moins un acte de déloyauté dans l’administration de la preuve que les renseignements étaient déjà connus par la DST dont les fonctionnaires agissant dans le cadre judiciaire ont fait le recollement dans un certain nombre de procès-verbaux ». Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel a confirmé la condamnation des requérants. Elle a conclu que les activités menées par la DST n'avaient pas constitué une atteinte aux droits de la défense pour déloyauté, ni entaché d'iniquité le procès. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi des requérants au motif que les éléments de preuve avaient été contradictoirement débattus et que les énonciations de l’arrêt attaqué la mettait en mesure de s’assurer que les déclarations de culpabilité des prévenus n’étaient fondées ni exclusivement, ni même essentiellement, sur les déclarations faites par eux aux agents de la DST à Guantanamo. En parallèle, les requérants se sont constitués parties civiles devant le juge d'instruction des chefs d’acte attentatoire à la liberté individuelle consistant en une détention de plus de sept jours, abstention volontaire de mettre fin à une privation illégale de liberté et séquestration de personne. Les intéressés se plaignaient des conditions de détention à Guantanamo et des traitements inhumains et dégradants dont ils ont fait l'objet. Le 13 avril 2017, le magistrat a notifié l'avis de fin d'information aux parties, sans que quiconque ait pu être mis en examen. Quelques mois plus tard, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu en invoquant l'immunité de juridiction des États étrangers, y compris les agents accomplissant des actes dans l'autorité souveraine de l’État. Les requérants ont fait appel de cette ordonnance. La procédure est actuellement pendante devant la cour d'appel. Introduites par les requérants le 27 février 2015, les requêtes ont été communiquées par la Cour le 4 avril 2018. Grief : Invoquant l’article 6 de la Convention, les requérants dénoncent plusieurs atteintes au droit à un procès équitable et aux droits de la défense. Ils se plaignent de ne pas avoir été informés du cadre juridique dans lequel les agents de la DST ont procédé à leur audition à Guantanamo. Ils considèrent que ces agents, sous couvert d’une prétendue mission humanitaire, ont agi de manière déloyale dans l’administration de la preuve, ce qui a vicié la procédure. Ils indiquent qu’ils n’ont pas pu bénéficier de l’accès à leur conseil, pourtant désigné, durant toute la période où ils ont été détenus. Ils expliquent qu’il importe peu que la culpabilité n’ait pas été fondée exclusivement ou même essentiellement sur leurs déclarations car la procédure était viciée dans son ensemble et dès son origine. Ils se plaignent en particulier : a) d’avoir été condamnés sur le fondement de déclarations recueillies illicitement et allèguent que leur droit de ne pas s’auto-incriminer a été violé ; b) de la violation du principe du contradictoire, les interrogatoires de la DST n’ayant pas fait l’objet de procès-verbaux versés au dossier, en violation des droits de la défense. Ils soulignent à cet égard que, jusqu’au premier pourvoi en cassation, le ministère public soutenait que les auditions à Guantanamo n’étaient pas établies ; c) de l’illicéité du versement au procès de déclarations recueillies par le biais de traitements inhumains ou dégradants. Se référant aux arrêts Gäfgen c. Allemagne ([GC], n° 22978/05, CEDH 2010) et Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, n° 8139/09, ils soutiennent que l’utilisation des éléments de preuve obtenus par la DST, en violation de l’article 3 de la Convention, a privé d’équité la procédure dans son ensemble. Si les agents de la DST n’ont pas eux-mêmes recourus à des traitements inhumains, ils expliquent qu’ils ont profité de leur état de vulnérabilité et de détresse psychologique engendré par les conditions de détention à Guantanamo. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etat d'urgence - Terrorisme - Radicalisation |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-182692 |