Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que le bénéfice de la protection renforcée contre l’éloignement du territoire est subordonné à la condition que l’intéressé dispose d’un droit de séjour permanent : B c. Land Baden-Württemberg (Allemagne) et Secretary of State for the Home Department c. Vomero (Royaume-Uni) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur ; Grande chambre, Cour de justice de l'Union européenne, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/04/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-316/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Royaume-Uni [Géographie] Allemagne [Mots-clés] Sécurité publique [Mots-clés] Peine de prison [Mots-clés] Ressortissant UE [Mots-clés] Mesure d'éloignement [Mots-clés] Droit des étrangers |
Résumé : |
Les deux affaires jointes (C-424/16 Vomero et C-316/16 B.) concernent la question de la protection renforcée contre l'éloignement du territoire de deux citoyens européens condamnés à une peine d'emprisonnement dans un État membre d'accueil.
En vertu de la directive 2004/38/CE sur le droit de libre circulation et de séjour, les citoyens de l'Union qui ont séjourné légalement dans un État membre autre que le leur (État membre d'accueil) pendant une période ininterrompue de 5 ans acquièrent un droit de séjour permanent dans cet État. Dans ce contexte, l’État membre d'accueil ne peut pas prendre une décision d'éloignement à l'encontre d'un citoyen de l'Union qui a acquis un droit de séjour permanent sur son territoire, à moins qu'il n'existe des "motifs graves d'ordre public ou de sécurité publique ". En outre, un citoyen de l'UE qui a séjourné dans l’État membre d'accueil pendant " les dix années précédentes " bénéficie d'un niveau de protection encore plus renforcé, une décision d'éloignement ne pouvant être prise à son encontre que pour autant que des " raisons impérieuses de sécurité publique " le justifient. Dans son arrêt de Grande chambre, la CJUE rappelle que la directive prévoit un renforcement graduel de la protection contre l’éloignement lié au degré d’intégration atteint par le citoyen de l’Union concerné dans l’État membre d’accueil. Ainsi, alors que le citoyen bénéficiant d’un droit de séjour permanent peut être éloigné pour des « motifs graves d’ordre public ou de sécurité publique », le citoyen pouvant justifier d’un séjour durant les dix années précédentes ne peut, pour sa part, être éloigné que pour des « raisons impérieuses de sécurité publique ». Partant, la Cour conclut qu’un citoyen de l’Union ne bénéficie de ce niveau de protection renforcé lié à un séjour de dix années dans l’État membre d’accueil que pour autant qu’il satisfasse, au préalable, à la condition d’octroi du bénéfice de la protection de niveau inférieur, à savoir disposer d’un droit de séjour permanent au terme d’une période de séjour légal ininterrompue de cinq ans dans cet État membre. Ainsi, un citoyen de l’Union qui, faute de disposer d’un droit de séjour permanent, est susceptible de faire l’objet de mesures d’éloignement dans le cas où il devient une charge déraisonnable ne peut pas être, dans le même temps, bénéficiaire de la protection considérablement renforcée prévue par la directive, en vertu de laquelle son éloignement ne serait autorisé que pour des « raisons impérieuses » de sécurité publique. Ensuite, la Cour considère que la période de séjour de dix années doit être calculée à rebours et qu’une telle période doit, en principe, être continue. Elle relève toutefois que la directive est muette quant aux circonstances pouvant entraîner l’interruption de la période de séjour de dix ans aux fins de l’acquisition du droit à la protection renforcée. La Cour juge donc, en rappelant sa jurisprudence, qu’il y a lieu d’effectuer systématiquement une appréciation globale de la situation de l’intéressé au moment précis où se pose la question de l’éloignement. Pour effectuer cette appréciation globale, les autorités nationales sont tenues de prendre en considération la totalité des aspects pertinents du cas d’espèce et doivent vérifier si les périodes d’absence de l’État membre d’accueil impliquent le déplacement du centre de ses intérêts personnels, familiaux ou professionnels vers un autre État. S’agissant des périodes d’emprisonnement, la Cour juge qu’afin d’établir si de telles périodes ont entraîné une rupture des liens d’intégration précédemment tissés avec l’État membre d’accueil, il convient de procéder à une appréciation globale de la situation de la personne concernée au moment précis auquel se pose la question de l’éloignement. Ainsi, la Cour estime que la mise en détention de la personne concernée dans l’État membre d’accueil ne rompt pas automatiquement les liens d’intégration que la personne a tissés avec cet État et, partant, qu’elle ne la prive pas non plus automatiquement de la protection renforcée. En outre, la Cour précise que l’appréciation globale de la situation de l’intéressé doit prendre en compte la force des liens d’intégration tissés avec l’État membre d’accueil avant la mise en détention ainsi que la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles cette infraction a été commise et la conduite de la personne durant la période d’incarcération. À cet égard, la Cour relève que la réinsertion sociale du citoyen de l’Union dans l’État où il est véritablement intégré va non seulement dans son intérêt, mais également dans l’intérêt de l’Union. Enfin, la Cour juge que la question de savoir si une personne satisfait à la condition d’avoir « séjourné dans l’État membre d’accueil pendant les dix années précédentes » doit être appréciée à la date à laquelle la décision d’éloignement initiale est adoptée. La Cour relève toutefois que, lorsqu’une mesure d’éloignement du territoire est adoptée mais que son exécution est différée pendant un certain laps de temps, il peut, le cas échéant, s’avérer nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation aux fins de vérifier l’actualité et la réalité de la menace pour la sécurité publique que représente la personne concernée. |
ECLI : | EU:C:2018:256 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=201147&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=533198 |