
Document public
Titre : | Décision 2018-003 du 19 janvier 2018 relative à une tierce intervention devant la Cour européenne des droits de l'homme portant sur la question du respect des obligations de l’Etat en matière de protection, d’accueil et de prise en charge des mineurs non accompagnés migrants, Khan c. France |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Défenseur des Droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 19/01/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2018-003 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Rapport annuel 2019 [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Ressortissant pays tiers [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Prise en charge [Géographie] Union européenne (UE) [Géographie] Calais |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été autorisé par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à intervenir en qualité de tiers-intervenant dans l’affaire Khan c. France (requête n° 12267/16).
Cette affaire porte sur la question du respect des obligations de l’État en matière de protection, d’accueil et de prise en charge des mineurs migrants non accompagnés au regard des exigences de la Convention européenne des droits de l’homme, interprétée à la lumière de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Après avoir appelé l’attention de la Cour sur les conditions de vie alarmantes des mineurs non accompagnés présents dans la Lande de Calais, le Défenseur des droits a souligné la nécessité de rappeler aux États leurs obligations en matière d’accueil et de prise en charge des mineurs. Ces obligations, inscrites en droit interne mais également dans la jurisprudence de la Cour et dans la CIDE, imposent de prendre des mesures spécifiques à leur égard, notamment : opérer un recensement des enfants et leur offrir une protection adaptée, mettre en place un dispositif de mise à l’abri et de prise en charge qui doit être adaptée à leurs besoins spécifiques, les accompagner dans leurs démarches et assurer une mise en œuvre effective de la procédure de réunification familiale lorsqu’elle est possible. S’appuyant sur les rapports et les décisions qu’il a rendus entre octobre 2015 et mai 2016, le Défenseur des droits a fait état à la Cour des constats qu’il a dressés dans la Lande de Calais, des carences des autorités dans l’accueil et la prise en charge des mineurs, et des recommandations qu’il a adressées aux autorités. Enfin, la Lande de Calais ayant été démantèlée en février 2016, le Défenseur des droits a rappelé les obligations de l’État lorsque les personnes occupant le terrain sont vulnérables et risquent de se trouver sans abri en cas d’expulsion. Dans ces circonstances, l’État doit accompagner ces personnes et leur trouver une solution alternative d’hébergement. Ces obligations sont inscrites dans la jurisprudence de la Cour et dans la Charte sociale européenne. |
NOR : | DFDI1800003S |
ELI : | https://juridique.defenseurdesdroits.fr/eli/decision/2018/01/19/00003/aa/texte |
Suivi de la décision : |
Le 28 février 2019, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu un arrêt aux termes duquel elle a constaté une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit de manière absolue tout traitement inhumain ou dégradant. C’est la première fois que la Cour se prononce sur la situation d’un mineur non accompagné migrant qui a vécu plusieurs mois dans la lande de Calais. Elle conclut à un manquement des autorités à leurs obligations de protection et de prise en charge résultant de l’article 3 précité. Le Défenseur des droits est intervenu en qualité de tiers-intervenant dans la procédure (décision n° 2018-003). Dans un premier temps, la CEDH a rappelé les obligations de protection de l’État à l’égard des mineurs : « L’article 3 combiné avec l’article 1 doit permettre une protection efficace, notamment des enfants (…) et inclure des mesures raisonnables pour empêcher des mauvais traitements dont les autorités avaient ou auraient dû avoir connaissance (…) [d]ans les affaires relatives à l’accueil d’étrangers mineurs, accompagnés ou non accompagnés, il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal (…) la Cour a ainsi souligné dans l’arrêt Rahimi (…) qu’en tant que mineur étranger non accompagné en situation irrégulière, le requérant relevait de la « catégorie des personnes les plus vulnérables de la société », et qu’il appartenait à l’État (…) de le protéger et de le prendre en charge par l’adoption de mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3. » La Cour se réfère notamment aux conclusions du Défenseur des droits issues de son rapport d’octobre 2015, pour évaluer les conditions de vie dans la lande de Calais. Ainsi, outre le constat qu’elle fait sur ces conditions de vie, elle relève que les mineurs isolés étrangers livrés à eux-mêmes se trouvaient exposés à divers dangers, dont celui de subir des violences physiques, y compris sexuelles. A défaut de prise en charge par les autorités, le requérant a ainsi vécu durant six mois « dans un environnement manifestement inadapté à sa condition d’enfant, caractérisé notamment par l’insalubrité, la précarité et l’insécurité ». La Cour retient qu’il a fallu attendre que le juge des enfants ordonne le placement du requérant pour que son cas soit effectivement considéré par les autorités compétentes. Elle en conclut que jusque-là, les autorités n’avaient pas identifié le requérant et que dès lors, elles n’avaient pas respecté leurs obligations de protection et de prise en charge des mineurs isolés étrangers, imposée par l’article 3. A cet égard, la Cour relève également le manque de moyens affectés au recensement des mineurs non accompagnés. Sur l’argument du Gouvernement invoquant l’absence d’adhésion des mineurs aux mesures de prise en charge proposées, la Cour l’écarte en se référant aux observations du Défenseur des droits, selon lesquelles les réticences des mineurs s’expliquent par le caractère inadapté à leur situation des structures d’accueil. Elle ajoute que le mineur en l’espèce qui n’avait vraisemblablement qu’une connaissance limitée de la langue française, n’avait pas à faire les démarches nécessaires à la mise en œuvre de sa prise en charge. Écartant également les critiques émises à l’égard des ONGS, de l’avocat et de l’administrateur ad hoc, la Cour estime que les autorités étaient en l’espèce les seules responsables de la mise en œuvre des mesures de protection à l’égard du mineur. Dès lors, la Cour considère que les autorités n’ont pas fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à leur obligation de prise en charge et de protection. Ces manquements ont placé le requérant dans une situation contraire à l’article 3, constitutive d’un traitement dégradant. Faisant référence à plusieurs reprises aux travaux du Défenseur des droits, la Cour sanctionne, par cet arrêt, les carences des autorités françaises dans le déploiement de moyens suffisants et adaptés pour l’identification et la protection des mineurs. |
Documents numériques (1)
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