
Document public
Titre : | Jugement relatif à la responsabilité de l'Etat pour défaut de prise en charge pluridisciplinaire adaptée d’un enfant autiste |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Tribunal administratif de Versailles, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/03/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 1508418 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Éducation [Mots-clés] Droit à l'éducation [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Autisme [Mots-clés] Établissement médico-social [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Preuve [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) |
Résumé : |
L’affaire concerne l’absence de prise en charge pluridisciplinaire adaptée d’un enfant autiste pendant près de quatre ans.
Les requérants sont parents de trois enfants. Leur fils, né en décembre 2007, souffre de troubles autistiques qui ont été diagnostiqués au terme d'une prise en charge effectuée entre aout 2009 et juin 2012. L'enfant a été scolarisé en milieu ordinaire en bénéficiant de l'accompagnement d'une auxiliaire de vie scolaire individuelle pour les années scolaires 2010-2011 à 2013-2014. Par une décision du 18 février 2014, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a prononcé l’orientation de l’enfant en établissement médico-social dans le cadre d'un semi-internat et a désigné des établissements à cet effet. L’enfant n’a pas pu être prise en charge. Les parents de l'enfant ont demandé au ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment subir à raison de la carence de l’État dans la mise en place d'une prise en charge de leur fils conforme à l'orientation de la CDAPH. Ils se plaignaient d'une décision implicite de rejet. Les parents demandent au tribunal administratif de condamner l’État à réparer les préjudices subis tant par eux-mêmes que par leurs trois enfants en raison de la carence de l’État dans la mise en place d’une prise en charge adaptée de leur fils depuis le 18 février 2014. Sollicité par le tribunal administratif dans le cadre de ce recours, le Défenseur des droits a présenté ses observations. Il considère que la responsabilité de l’État est engagée dès lors que l’absence de prise en charge de l’enfant traduit une carence de l’État et dès lors que cette carence a conduit les parents à organiser et financer des solutions alternatives de prise en charge jugées adaptées à son autisme. Il appartient par conséquent au juge administratif d’apprécier l’étendue du préjudice de l’enfant et de ses parents. Le tribunal administratif rappelle que le droit à l’éducation est garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et que l’obligation scolaire s’applique à tous. Il considère que les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de du droit à l’éducation, ni de faire obstacle au respect de l’obligation scolaire. Par ailleurs, le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Le juge ajoute que si, compte tenu de la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que la prise en charge, afin d’être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l’accueil dans un établissement spécialisé ou par l’intervention d’un service à domicile, c’est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l’état et à l’âge de la personne atteinte de ce syndrome. Le tribunal précise qu’en vertu de l’article L. 241-6 du code de l’action sociale et des familles, il incombe à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), à la demande des parents, de se prononcer sur l’orientation des enfants atteints du syndrome autistique et de désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de ceux-ci et étant en mesure de les accueillir, ces structures étant tenues de se conformer à la décision de la commission. Ainsi, lorsqu’un enfant autiste ne peut être prise en charge par l’une des structures désignées par la CDAPH en raison d’un manque de place disponible, l’absence de prise en charge pluridisciplinaire qui en résulte est, en principe, de nature à révéler une carence de l’État dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d’une telle prise en charge dans une structure adaptée. Il précise qu’en revanche, lorsque les établissements désignés refusent d’admettre l’enfant pour un autre motif, ou lorsque les parents estiment que la prise en charge effectivement assurée par un établissement désigné par la CDAPH n’est pas adaptée aux troubles de leur enfant, l’État ne saurait, en principe, être tenu pour responsable de l’absence ou du caractère insuffisant de la prise en charge, lesquelles ne révèlent pas nécessairement, alors, l’absence de mise en œuvre par l’Etat des moyens nécessaires. Le juge ajoute qu’en l’absence de toute démarche engagée par les parents auprès de la CDAPH, la responsabilité de l’État ne saurait être engagée du fait de l’absence ou du caractère insatisfaisant de la prise en charge de leur enfant. Ensuite, le tribunal aménage la charge de la preuve des carences de l’État. Il considère que, compte tenu des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine, s’il appartient aux parents de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une carence de l’État dans la mise en œuvre des décisions de la CDAPH, il incombe à l’État de renverser cette présomption en produisant les éléments permettant d’établir que l’absence de prise en charge ne lui est pas imputable. En l'espèce, le juge considère que les circonstances que les requérants ne produisent que neuf courriers de refus et que quatre de ces neuf refus aient été exclusivement motivés à raison de l'éloignement géographique et, pour l'un d'entre eux, de l'absence de moyens permettant une prise en charge adaptée, ne sont pas de nature à exonérer l’État de sa responsabilité en raison de sa carence dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour garantir l'effectivité de l'orientation décidée par la CDAPH. Le juge conclut que l'absence de prise en charge spécifiquement adaptée aux troubles du fils des requérants, selon les orientations successives de la CDAPH, révèle, à compter du 18 février 2014, une carence de l’État dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que le fils des requérants bénéficie effectivement d'une prise en charge pluridisciplinaire et constitue une faute de nature à s'engager sa responsabilité. L’État doit verser aux requérants la somme totale de 101.340,56 € en réparation des préjudices subis du fait des carences de l’État dans la prise en charge de leur enfant à compter du 18 février 2014. NB : Le même jour le tribunal administratif s'est prononcé dans trois autres affaires similaires (n° 1507496; 1508421; 1508420) et a condamné l’État à indemniser les parents et les enfants. |
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