Document public
Titre : | Arrêt relatif au placement d'un mineur de treize ans en détention provisoire pour avoir participé à une manifestation : Agit Demir c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/02/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 36475/10 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Manifestation [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Mineur auteur d'infraction pénale [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Détention provisoire [Mots-clés] Infraction [Mots-clés] Liberté d'association et de réunion [Mots-clés] Droit à la liberté et à la sûreté [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice des mineurs [Géographie] Turquie |
Résumé : |
En janvier 2010, le requérant, âgé de 13 ans à l'époque des faits, a été placé en détention provisoire pour avoir participé à une manifestation organisée pour protester contre les conditions de détention du dirigeant d’une organisation armée illégale et pour avoir jeté des pierres contre les forces de sécurité lors de cette manifestation. Le requérant a été remis en liberté le 13 avril 2010.
Une procédure pénale a été engagée à son encontre pour propagande d'une organisation terroriste et participation à une manifestation violente. Il a été condamné, avec un sursis, à une peine d'emprisonnement d'un an et 15 jours. Devant la Cour européenne, le requérant se plaignait d’avoir été placé en détention provisoire, de la durée de sa détention et de ne pas avoir disposé d’un recours effectif. Il se plaignait également d’avoir été condamné pour avoir participé à une manifestation de soutien au chef d'une organisation illégale armée. En dernier lieu, le requérant se plaignait d’avoir été placé, en tant que mineur, dans un établissement pénitentiaire conçu pour les adultes ; d’avoir, de ce fait, enduré une grave souffrance morale ; et du fait que sa scolarité avait été interrompue. La Cour examine les griefs sur le terrain des articles 5 et 11. En premier lieu, la Cour constate que les motivations avancées par le juge de paix dans sa décision de placement en détention provisoire ne permettent pas de penser que la mesure de détention n’a été utilisée – au regard de l’âge du requérant – qu’en dernier recours et que le juge ait d’abord envisagé des mesures autres que la détention provisoire. Compte tenu de ce que les mesures alternatives prévues par le droit interne n’ont pas été envisagées en l’espèce, la Cour considère qu'il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention. Elle estime, ensuite, qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité et le bien-fondé du grief portant sur la durée de la procédure (article 5 § 3). En deuxième lieu, la Cour rappelle que la loi sur la procédure pénale, entrée en vigueur le 1er juin 2005, donne la possibilité au représentant ou défenseur d’un détenu d’être entendu par l’autorité judiciaire lors de l’examen d’une demande d’opposition. Or, la Cour relève que le requérant n’a pas formé opposition contre les décisions de placement et de maintien en détention provisoire devant le tribunal. Elle juge donc le grief portant sur l'absence de recours effectif manifestement mal fondé. En troisième lieu, la Cour estime que le placement et le maintien en détention provisoire du requérant ainsi que sa condamnation avec un sursis au prononcé du jugement s’analysent en une "ingérence" dans l’exercice du droit de l’intéressé à la liberté de réunion, prévue par la loi et poursuivant un but légitime qui est la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public. La Cour considère ensuite que le lancement des pierres et le fait d’avoir résisté aux forces de l’ordre lors de la manifestation constituent d’actes outrepassant les limites du débat public et politique. Elle estime que la prise d’une mesure à l’encontre du requérant pouvait raisonnablement répondre à un « besoin social impérieux ». Or, s’agissant de la proportionnalité des mesures, la Cour souligne que les juridictions internes n’ont pas suffisamment pris en compte le jeune âge du requérant, et les juges n’ont pas ordonné son placement en détention en dernier ressort. La Cour précise également que la condamnation avec sursis n’amoindrit pas l’importance de ce jugement. Faute d'éléments justifiant l’ingérence en cause et faute de rapport raisonnable de proportionnalité entre les mesures prises et les buts légitimes poursuivis, la Cour conclut à la violation de la liberté de réunion et d'association du requérant (l'article 11 de la Convention). |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Enfants en difficulté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-181366 |
Cite : |