Document public
Titel: | Requête relative à l'usage de la force et l'intervention du GIPN lors d'une interpellation : Castellani c. France |
Next Title : | |
Autor: | Cour européenne des droits de l'homme, Author |
Materialart: | musical score - printed |
Publikationsdatum: | 19/07/2016 |
ISBN (oder anderen Code): | 43207/16 |
Langues: | French |
Deskriptoren: |
[Géographie] France [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Torture [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Défaut d'attention à l'état de santé [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Garde à vue [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Abstrakt: |
L'affaire concerne les violences subies par le requérant lors de son interpellation à son domicile par la police, l'usage de la force et l'intervention du groupement d'intervention de la police nationale (GIPN).
Le 6 mai 2002, une information judiciaire fut ouverte contre X pour subornation de témoin et menaces de mort réitérées à la suite de la plainte déposée par un avocat. Ce dernier avait témoigné dans une affaire de violences à l’égard de la force publique, dans laquelle trois membres d'une famille avaient été condamnés. Il déclara avoir été menacé par une personne impliquée par son témoignage, laquelle était assistée d’autres individus. Quinze jours plus tard, le juge d’instruction délivra une commission rogatoire aux enquêteurs avec pour mission de préciser les circonstances et d’identifier l’auteur des faits et, à ces fins, de procéder à toutes auditions, perquisitions et saisies utiles à la manifestation de la vérité. Les principaux suspects étaient les trois membres de la famille condamnés, famille amie et voisine du requérant. C’est dans le cadre de cette mission que, le 18 juin 2002, à six heures du matin, le groupement d’intervention de la police nationale (GIPN), est intervenu au domicile du requérant pour l’interpeller, en vue d’une audition. Le requérant indique qu’il fut réveillé à l’aube par les aboiements de ses chiens, puis par deux coups sourds sur le portail. Avant même qu’il ait eu le temps de descendre au rez-de-chaussée, il aperçut en bas de l’escalier un homme cagoulé de noir, le bras droit tendu vers l’avant d’où jaillit une flamme sans détonation. Il pensa être agressé à son domicile par des malfaiteurs, rejoignit sa femme pour lui demander de se cacher, puis revint dans le couloir à l’étage. Ayant la sensation qu’un homme montait l’escalier, il s’empara d’une barre de fer (dont la présence s’expliquait par des travaux en cours), frappa à deux reprises celui qu’il prenait pour un malfaiteur, le désarmant et le faisant tomber dans l’escalier. Il entendit alors crier « police, police ! » par plusieurs hommes en même temps. Réalisant qu’il s’agissait des forces de l’ordre, il déposa la barre, leva les mains en criant « ... ça va je vous ai pris pour un cambrioleur... », puis laissa monter les forces de l’ordre sans opposer la moindre résistance aux policiers qui le saisirent. Après avoir confirmé son identité, il reçut un coup de tête du policier casqué qu’il avait touché avec la barre de fer avant d’être emmené dans une pièce vide et en travaux, où il fut frappé à coups de poings et de pieds. L’un des policiers le maintint plusieurs minutes au sol, en appuyant son pied sur sa tête et la femme qui les commandait le menaça en ses termes : « chaque fois que tu menaceras un témoin, on reviendra, ordure... ». Selon le requérant, ce n’est qu’à ce moment que les forces de l’ordre l’informèrent de ce qu’ils intervenaient en exécution d’une commission rogatoire, à la suite d’une plainte déposée pour subornation de témoins. Il fut de nouveau frappé pour lui faire dire où se trouvaient les armes dont il pouvait être en possession. Une carabine 22 LR non déclarée (alors que la détention de ce type d’arme était soumise à autorisation) fut saisie lors de la perquisition. Il fut alors emmené au poste de police après avoir, toujours selon ses dires, été jeté dans le coffre d’une voiture banalisée où il subit de nouvelles violences, un policier appuyant un genou sur son thorax. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des décisions des juridictions internes, que les policiers n’ont pas la même version de cette interpellation que le requérant qui soutient avoir été victime de violences policières. Selon eux, bien que le requérant n’ait pu se méprendre sur leur identité, il se rebella violemment, les contraignant à faire usage de la force. La garde à vue du requérant lui fut notifiée à 6 heures 35. Au poste de police, il fut examiné à 7 heures 45 par un médecin, qui constata que son état était compatible avec une mesure de garde à vue, « sous réserve de radiographie ». À 8 heures 10, un ordre de transfert de deux personnes gardées à vue, dont le requérant, fut donné par l’officier de police judiciaire, mais seule l’autre personne gardée à vue fut transférée. À 10 heures 40, le requérant fit l’objet d’un nouvel examen médical par un deuxième médecin, lequel constata de nombreuses ecchymoses et fractures et conclut à un état de santé compatible avec le maintien en garde à vue sous réserve, dans « l’attente d’un scanner + chirurgien ORL pour sortie ou intervention », que « la thérapeutique soit effectuée en milieu hospitalier ». Toutefois, le requérant resta sans soins et ne fut emmené à l’hôpital que vers 15 heures 30, soit neuf heures après son arrivée au poste de police. Il fut entendu le lendemain, le 19 juin 2002 vers 12 heures. La fin de sa garde à vue lui fut notifiée le même jour vers 17 heures. Les certificats médicaux constatèrent un traumatisme facial, un hématome péri-orbital droit, un hématome à l’oreille avec déchirure, une fracture de l’os malaire droit et plancher de l’orbite droite, une fracture de la 9e côte gauche, ainsi que de nombreux hématomes sur tout le corps. Le requérant fut opéré le 28 juin 2002 pour réduction de la fracture et pose d’une plaque sous l’œil droit. Ces blessures justifièrent une incapacité totale de travail (ITT) de dix-neuf jours et ne furent consolidées qu’un an plus tard, avec une incapacité permanente partielle de 3% en raison des troubles esthétiques, une gêne douloureuse et un stress post traumatique. Le 13 novembre 2002, le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu sur les faits de subornation de témoins et de menaces de mort à l’origine de l’interpellation du requérant. Le 13 janvier 2009, le tribunal correctionnel le reconnut coupable de détention d’arme sans autorisation et le condamna à une amende délictuelle avec sursis, mais le relaxa des chefs de violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique. Le tribunal retint la légitime défense, en considérant que le requérant avait pu légitimement se croire agressé à son domicile. Le tribunal correctionnel releva également que la compagne et la fille du requérant, entendues comme témoins lors de l’audience, avaient démenti les déclarations des policiers, en affirmant qu’aucune sommation n’avait été effectuée lors de l’entrée des policiers dans leur domicile. Le même jour, il prononça la relaxe des deux fonctionnaires de police renvoyés devant lui des chefs d’omission de porter secours. Il considéra que, s’il ne faisait pas de doute que l’organisation générale du service des gardes à vue avait manqué d’efficacité, rien ne permettait d’affirmer que ces deux fonctionnaires avaient omis volontairement de porter assistance au requérant, alors qu’ils avaient sollicité à plusieurs reprises de leur salle de commandement qu’un véhicule vienne le prendre en charge pour le conduire à l’hôpital. Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel considéra que la faute lourde engageant la responsabilité de l’État n’était pas démontrée s’agissant des conditions d’intervention du GIPN pour procéder à l’interpellation du requérant. Elle considéra qu’il ne pouvait être conclu à l’inutilité ou au caractère disproportionné de cette intervention en raison des actes accomplis par le requérant pour se défendre, mais aussi de sa persistance à se rebeller. En revanche, la cour d’appel jugea que l’État avait commis une faute lourde à raison du défaut de soins durant la garde à vue dont le requérant avait fait l’objet. L’État fut condamné au paiement de la somme de 5 000 EUR en réparation du préjudice lié à ce défaut de soins et à la somme de 2 000 EUR conformément à l’article 700 du CPC. Par un arrêt du 10 février 2016, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant. Introduite devant la CEDH le 19 juillet 2016, la requête a été communiquée par la Cour le 7 février 2018. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint d’avoir été victime de violences lors de son interpellation par la police, alors que l’intervention même du GIPN, comme l’usage de la force, n’étaient ni nécessaires ni proportionnés. Questions aux parties : Le requérant a-t-il été, lors de son interpellation, soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention ? En particulier : - le choix des moyens pour l’interpeller, en l’espèce la décision de faire appel au GIPN, était-il proportionné et nécessaire au regard de la dangerosité supposée du requérant ? - le recours à la force des policiers était-il proportionné et strictement nécessaire au regard du comportement du requérant et des circonstances de l’espèce ? Les parties sont en outre invitées à produire copie des documents suivants : - le dossier de la procédure d’instruction ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile du requérant pour omission de porter secours, violences volontaires et actes de barbarie. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
Link e-copy: | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-181331 |