Document public
Titre : | Jugement relatif à la démission d'une enseignante dans un contexte de pressions liées à son homosexualité |
Auteurs : | Conseil de prud'hommes de Caen, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/02/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16/00933 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Etablissement privé d'enseignement [Mots-clés] Établissement d'enseignement [Mots-clés] Démission [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Cessation d'activité [Mots-clés] Orientation sexuelle |
Résumé : |
Enseignante du premier degré, la requérante assurait la mission de chef d’établissement dans une école privée catholique depuis la rentrée de septembre 2012. En qualité de chef d’établissement, elle est sous contrat de droit privé avec un organisme de gestion mais c’est l’autorité de tutelle diocésaine qui décide de lui confier cette mission particulière, de l’y accompagner et, le cas échéant, d’y mettre fin si elle ne satisfait pas à ses obligations. Les relations de travail se déroulent de façon satisfaisante jusqu’à ce que la requérante débute une relation homosexuelle avec une professeure au sein du même établissement. La requérante soutient qu’à la suite d’un courrier émanant des parents d’élèves à ce sujet adressé au directeur diocésain, elle a subi des pressions et a été contrainte à démissionner en juillet 2013.
Elle a saisi le conseil de prud’hommes en vue de requalifier la rupture de son contrat de travail en licenciement nul car fondé sur un critère de discrimination. Saisi par l’intéressée, le Défenseur des droits a procédé à des auditions et a adressé une note récapitulative à l'employeur et au directeur diocésain. Il a conclu qu’au vu des éléments du dossier, il apparaît que les mis en cause ne justifient pas du trouble objectif causé par la relation homosexuelle entretenue par la requérante et que sa décision de démissionner apparaît liée aux diverses pressions qu’elle a subies en raison de son orientation sexuelle. Il y a donc lieu de considérer que la rupture de son contrat de travail doit s’analyser en licenciement nul. Le conseil de prud’hommes suit les observations du Défenseur des droits. Il considère qu’il y a eu volonté de retirer la mission de chef d’établissement à la requérante suite au courrier adressé au directeur diocésain. Ce dernier conteste avoir contraint la requérante à démissionner mais ne conteste pas que la relation homosexuelle entretenue par la requérante avec une autre enseignante créait un trouble difficile à gérer. Le juge note que face aux observations formulées sur le trouble au sein de l’école, le Défenseur des droits montre que le directeur diocésain évoque aussi d’autres chefs d’établissement qui se sont vus retirer leurs lettres de mission pour des faits de leur vie personnelle (adultère, divorce) car leur situation était incompatible avec les préceptes de l’église. Le directeur diocésain précisait également qu’au moment des recrutements, il vérifiait la carte d’identité des postulants, et qu’il recrutait difficilement des personnes divorcées. Le conseil de prud’hommes note que face à ces déclarations, le Défenseur des droits fait observer que la dénomination d’entreprise de tendance visant à respecter certains préceptes ou une doctrine particulière ne figure expressément ni dans le code du travail, ni dans la loi de 2008 portant diverse dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de lutte contre les discriminations, ni dans les décisions judiciaires françaises ou communautaires et n'a donc, pour l’heure, aucune assise légale en droit français. Le conseil estime que l’ensemble de ces éléments établit ainsi l’existence d’une discrimination à l’égard de la requérante en raison de son orientation sexuelle. La remise de la lettre de démission est donc la résultante de la discrimination pour orientation sexuelle qui a eu pour effet de lui extorquer ce courrier. Cet acte se trouve donc frappé de nullité et nul d'effet. Vu la situation et l'état de santé trop dégradé de la réclamante, cette dernière ne demande pas la réintégration à laquelle elle pourrait prétendre avec paiement de l'intégralité des sommes au titre de l’exécution de contrat de travail mais à percevoir la rémunération au titre de chef d'établissement dont elle a été privée. Les parties doivent donc être replacées dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant que la décision pour discrimination pour orientation sexuelle soit rendue. Il est donc alloué à Madame X la somme de 45 780.70 euros au titre des rappels de salaire et 4 578.07 euros au titre des congés payés depuis la remise du courrier de "démission" jusqu'au prononcé de la décision. En outre, la somme de 6 000 euros est allouée au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul. Compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et de ses conséquences, le préjudice en résultant est 15 000 euros. Enfin, il est équitable d'allouer 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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