
Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'expulsion vers l'Algérie d'un individu condamné en France pour son implication dans une organisation terroriste : M.A. c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 01/02/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 9373/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Algérie [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Mesure d'éloignement [Mots-clés] Interdiction du territoire [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Torture |
Résumé : |
Impliqué dans des mouvements islamistes en Algérie dans les années 1990, le requérant a quitté son pays d’origine en 1999 pour l’Espagne puis la France où il a été condamné en 2006 à sept ans d’emprisonnement ainsi qu’une interdiction définitive du territoire français pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme. Le requérant était impliqué dans un réseau de recrutement de combattants islamistes qui avait préparé un attentat à Paris.
En 2010, les autorités françaises ont cherché à mettre à exécution l’interdiction définitive du territoire français. Saisie par le requérant d’une demande de mesure provisoire, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a indiqué au gouvernement français en avril 2010 de ne pas procéder au renvoi du requérant vers l’Algérie pour la durée de la procédure. L’intéressé a été remis en liberté et assigné à résidence. Par une décision du 1er juillet 2014, la CEDH a déclaré la requête du requérant irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et la mesure provisoire a pris fin. La demande d’asile déposée par le requérant en décembre 2014 a été rejetée par l’OFPRA le 17 février 2015. La décision de refus lui a été notifiée trois jours plus tard dans le commissariat où il s’était rendu dans le cadre des obligations de son assignation à résidence. La mesure d’éloignement a été mise immédiatement à exécution et le requérant a été conduit à l’aéroport. Saisie le jour même d’une nouvelle demande de mesure provisoire par l’avocat du requérant, informé de l’éloignement en cours, la CEDH a immédiatement indiqué au gouvernement français de ne pas procéder au renvoi du requérant vers l’Algérie avant le 25 février. Or, lorsque les services de police ont reçu les instructions nécessaires, les portes de l’avion à bord duquel se trouvait le requérant étaient déjà closes. A son arrivée en Algérie, le requérant a été arrêté, placé en garde à vue puis mis en examen et placé en détention provisoire. D’après les informations communiquées par les parties à la CEDH, il serait toujours détenu au centre pénitentiaire. Le requérant soutient que son renvoi en Algérie l’exposait à un risque sérieux de traitements contraires à l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants), le gouvernement algérien étant informé de sa condamnation en France pour des faits liés au terrorisme. Il soutient avoir subi de tels traitements depuis son arrivée en Algérie et rester exposé à des risques futurs. Il allègue qu’en le remettant aux autorités algériennes, en violation de la mesure provisoire indiquée par la Cour, le gouvernement français a manqué à ses obligations au titre de l’article 34 (droit de requête individuelle). Enfin, le requérant invoque également l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), ainsi que l’article 3 au titre de son épouse et de ses enfants. La CEDH juge, à la majorité, qu’il y a eu violation des articles 3 et 34 de la Convention européenne des droits de l’homme. Concernant l’épouse et les enfants du requérant qui seraient également victime de la violation de l’article 3, la Cour constate qu’ils ne sont pas eux-mêmes requérants. Quant à l’article 8, le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes. La Cour réaffirme qu’elle a une conscience aigüe de l’ampleur du danger que représente le terrorisme pour la collectivité et qu’il est légitime que les États contractants fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à des actes de terrorisme. En l’espèce, elle considère que le renvoi du requérant, dont la condamnation pour des faits de terrorisme était connue des autorités algériennes, l’exposait à un risque réel et sérieux de traitements contraires à l’article 3. Ce risque est détaillé dans des rapports du Comité des Nations Unies contre la torture et de plusieurs ONG, qui décrivent une situation préoccupante en Algérie. La Cour observe que les autorités françaises ont préparé le renvoi du requérant en Algérie de telle sorte que celui-ci a eu lieu sept heures seulement après que le requérant en a été informé. Ce faisant, elles ont délibérément créé une situation dans laquelle le requérant ne pouvait que très difficilement saisir la CEDH d’une demande de mesure provisoire et ont affaibli le niveau de protection de l’article 3 de la Convention. Les autorités françaises ont manqué à leur obligation découlant de l’article 34 de la Convention. Elle considère que le dommage moral causé au requérant se trouve suffisamment réparé par les constats de violation de la Convention. Enfin, vu la situation extrêmement vulnérable du requérant après son transfert en Algérie, la CEDH indique au gouvernement français qu’il lui incombe d’entreprendre toutes les démarches possibles pour obtenir des autorités algériennes l’assurance concrète et précise que le requérant n’a pas été et ne sera pas soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2018:0201JUD000937315 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-180488 |