Document public
Titre : | Arrêt relatif à la non-violation du droit au respect de la vie familiale d'une mère dont le fils, enlevé par son ex-époux en Grèce, refuse de retourner vivre en France auprès d’elle : M.K. c. Grèce |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 01/02/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 51312/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Grèce [Mots-clés] Justice familiale [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Garde de l'enfant [Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Décision de justice [Mots-clés] Inexécution de décision [Mots-clés] Discernement [Mots-clés] Enfant |
Résumé : |
La requérante, mère de deux enfants nés respectivement en juillet 2000 et février 2003, vivait en Grèce avec son époux. Suite au divorce prononcé en 2008 par le juge grec, la garde des enfants lui a été confiée et le père bénéficiait d’un droit de visite.
En octobre 2011 la requérante, partie en France pour des raisons professionnelles, a confié provisoirement ses enfants à sa mère résidant en Grèce. A la fin du premier week-end après le départ de la requérante pour la France, le père n’a pas rendu les enfants à leur grand-mère après avoir exercé son droit de visite. Le juge grec a rejeté la demande du père visant à transférer la résidence des enfants à son domicile et a précisé que les enfants devaient suivre leur mère en France. En janvier 2012, la requérante a réussi à emmener en France son fils cadet, alors âgé de 9 ans, mais son fils aîné de 12 ans, a continué à vivre chez son père. En septembre 2012, le juge grec a accordé au père la garde provisoire de l’aîné, au motif que l’enfant refusait de suivre sa mère en France. En juillet 2013, le juge français a fixé la résidence du cadet au domicile de la mère en France et a accordé au père un droit de visite qu’il devait exercer en Grèce. Après les vacances passées en Grèce en mai 2015, le père a refusé de rendre son fils cadet à la requérante qui a déposé plainte pour enlèvement d’enfant. Par la suite, le juge grec a attribué provisoirement la garde du cadet au père en considérant qu’à chaque fois qu’il se rendait en Grèce dans le cadre de l’exercice du droit de visite de son père, l’enfant refusait de retourner en France et avait du mal à se séparer de son frère et de son entourage familial. Il a considéré que le retour de l’enfant en France risquait de constituer une épreuve qui aggraverait l’état psychologique de l’enfant, fragilisé par la séparation de ses parents et par leurs conflits. En septembre 2015, le tribunal grec, saisi par la mère, a ordonné le retour de l’enfant en France auprès de sa mère sur le fondement de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Ce jugement est devenu définitif. Un mois plus tard, le juge français a rappelé que la résidence du cadet était en France et accordé au père un droit de visite et d’hébergement. Ce jugement ne mentionnait pas que l’enfant avait un frère ayant sa résidence habituelle en Grèce. Le juge grec a révoqué sa décision par laquelle il avait provisoirement confié la garde de l’enfant au père et l’a confié à la requérante. Cependant, celle-ci n’a pas réussi à récupérer son fils cadet. En mars 2016, le juge grec, saisi par le père a interdit provisoirement et jusqu’à la fin de l’année scolaire la déscolarisation de l’enfant en Grèce. Dans le cadre d’une plainte déposée par la requérante contre son ex-époux pour enlèvement, les enfants, alors âgés de 13 et 16 ans, ont été entendus par différentes autorités grecques. Le cadet avait déclaré vouloir rester avec son frère et son père car il se sentait plus en sécurité avec eux, ne faisait pas l’objet de pressions psychologiques. Il avait précisé se sentir seul en France et avait fait état d’un sentiment de fatigue et de tristesse concernant le conflit entre ses parents, mais aussi de colère contre sa mère qui insistait pour le faire revenir en France contre sa volonté. En décembre 2016, le tribunal grec, saisi par le père, s’est déclaré incompétent pour se prononcer sur la garde de l’enfant avant qu’il soit établi par les tribunaux français si l’enfant devait retourner en France. Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), la mère se plaignait que les autorités grecques n’avaient pas respectés les jugements grecs et français rendus en sa faveur concernant la garde son fils cadet, qu’elles avaient refusé de faciliter le retour de l’enfant en France. Enfin, elle leur reprochait qu’elles n’avaient donné aucune suite à ses plaintes contre son ex-mari pour enlèvement d’enfant. Actuellement, le cadet vit chez son père, en Grèce, auprès de son frère et sa grand-mère paternelle. La CEDH juge à la majorité (cinq voix contre deux) qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 8. Elle considère qu’en particulier que les autorités grecques ont pris les mesures qu’on pouvait raisonnablement exiger d’elles pour se conformer à leurs obligations positives découlant de l’article 8 de la Convention. Elles ont notamment pris en compte l’ensemble de la situation familiale, l’évolution de celle-ci dans le temps et l’intérêt supérieur des deux frères, et notamment du cadet. Ce dernier, âgé de 13 ans à l’époque, avait clairement exprimé, devant les autorités grecques, sa volonté de rester avec son frère et son père en Grèce. La Cour note que le jugement français rendu en 2015 n’a pas pris en considération le fait que l’enfant avait un frère en Grèce et que les liens très étroits les unissaient. Selon la Cour, ce jugement ne tenait pas compte de la situation familiale dans son ensemble qui avait par ailleurs radicalement évoluée au fil des années, au point que l’enfant ne voulait plus suivre sa mère en France. Pour la Cour, la volonté exprimée par un enfant ayant un discernement suffisant est un élément clé à prendre en considération dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant. Le droit d’un enfant d’être entendu et de participer à la prise de décision dans une procédure familiale qui l’affecte en premier lieu est d’ailleurs garanti par plusieurs instruments juridiques internationaux. La Cour considère que l’intérêt supérieur de l’enfant s’oppose en règle générale à ce que des mesures coercitives soient prises à son encontre et que l’article 13 de la Convention de la Haye prévoit que les autorités peuvent refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elles constatent que celui-ci s’y oppose et que, eu égard à son âge et à sa maturité, il est approprié de tenir compte de cette opinion. Enfin, la Cour considère qu’aucune décision juridictionnelle française n’ayant formellement ordonné le retour de l’enfant, l’article 11§8 du règlement Bruxelles II bis ne s’appliquait pas. Cet article donne l’opportunité aux autorités de l’État d’origine de s’opposer à une décision de non-retour qui aurait été rendue par les autorités de l’État de refuge. Par ailleurs, la Cour considère que le règlement laisse à l’État requis la possibilité de prendre en considération les intérêts de l’enfant, ce que les autorités grecques ont fait en l’espèce. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-180489 |