Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait qu'un demandeur d'asile ne peut pas être soumis à un test psychologique afin de déterminer son orientation sexuelle : F c. Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Hongrie) |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/01/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-473/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Orientation sexuelle [Mots-clés] Examen médical [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Géographie] Hongrie |
Résumé : |
En avril 2015, le requérant, un ressortissant nigérien, a déposé une demande en vue d’obtenir le statut de réfugié devant l’Office hongrois de l’immigration et de l’asile. Dès le premier entretien, il a exprimé des craintes de faire l’objet de persécutions en raison de son homosexualité s’il devait retourner dans son pays d’origine.
Dans le cadre de la procédure d’asile qui s’en est suivie, l’Office a examiné la crédibilité du demandeur au moyen de plusieurs entretiens. L’Office a ensuite également désigné un psychologue pour procéder à un examen de la personnalité de l’intéressé dont pourrait être déduite son orientation sexuelle. Le psychologue, après avoir procédé à un examen exploratoire et à un examen de la personnalité, et avoir fait passer au requérant le test du dessin d’une personne sous la pluie et les tests de Rorschach et de Szondi (ci-après, collectivement, les « tests en cause »), est arrivé à la conclusion que les résultats de l’examen ne confirmaient pas l’affirmation du requérant selon laquelle il serait homosexuel. La demande d’asile du requérant a été rejetée. Devant le tribunal hongrois, le requérant fait valoir que les tests en cause enfreignaient ses droits fondamentaux et que, en tout état de cause, lesdits tests n’étaient pas adaptés s’agissant de démontrer son orientation sexuelle. Dans le cadre de la procédure qui s’en est suivie, le tribunal a demandé à l’Institut des experts et chercheurs judiciaires d’établir un rapport d’expertise sur ces questions. Le rapport d’expertise établi par ledit institut indique que, contrairement à ce qu’a fait valoir le requérant, les tests en cause étaient adaptés s’agissant de déterminer avec un degré de certitude suffisant l’orientation sexuelle d’un individu. Le rapport indiquait également que lesdits tests n’étaient pas de nature à enfreindre la dignité humaine du requérant. Le tribunal a estimé que dès lors qu’il ne disposait pas des connaissances scientifiques et techniques nécessaires pour contrôler les conclusions des experts, il ne pouvait s’écarter de ces conclusions. Il a également considéré que les tests en cause n’étaient pas des tests à caractère médical, parce que la psychologie relevait des sciences humaines, et que lesdits tests n’étaient pas semblables à ceux jugés par la CJUE comme incompatibles avec le droit de l’Union dans son arrêt du 2 décembre 2014. C’est dans ce contexte que le juge de renvoi, ayant des doutes quant à l’interprétation correcte du droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour plusieurs questions préjudicielles. Il s’agit de savoir si, et dans l’affirmative, dans quelles conditions, les autorités nationales peuvent avoir recours à l’expertise d’un psychologue lorsqu’elles examinent des demandes de protection internationale fondées sur l’orientation sexuelle. Tout d'abord, la CJUE constate que la directive 2011/95/UE permet aux autorités nationales d'ordonner une expertise dans le cadre de l'examen d'une demande d'asile afin de mieux déterminer les besoins de protection internationale réels du demandeur. Cependant, les modalités d'un éventuel recours à une expertise doivent être conforme aux droits fondamentaux. Elle considère qu'il ne peut être exclu que, lors de l'appréciation des déclarations d'un demandeur d'asile relatives à son orientation sexuelle, certaines formes d’expertise se révèlent utiles à son évaluation des faits et des circonstances présentés dans la demande et puissent être réalisées sans porter atteinte aux droits fondamentaux du demandeur. A cet égard, la CJUE souligne néanmoins que, dans le cadre de l'appréciation des déclarations d'un demandeur relatives à son orientation sexuelle, les autorités et juridictions nationales ne peuvent pas fonder leur décision sur les seules conclusions d'un rapport d'expertise et ne doivent pas être liées par ces conclusions. La Cour considère que même si la réalisation d'une expertise psychologique visant à apprécier la réalité de l'orientation sexuelle est formellement subordonnée au consentement de la personne concernée, ce consentement n'est pas nécessairement libre puisqu'il est imposé sous pression des circonstances dans lesquelles un demandeur d'asile se trouve. Or, dans ces conditions, le recours à une expertise psychologique pour déterminer l’orientation sexuelle du demandeur constitue une ingérence dans le droit de cette personne au respect de sa vie privée. La CJUE considère que l'incidence d'une telle expertise sur la vie privée et disproportionnée par rapport à cet objectif. Sur ce point, la Cour observe notamment qu'une telle ingérence présente une gravité particulière, car elle est destinée à établir un aperçu des aspects les plus intimes de la vie du demandeur. Ensuite, la Cour relève que la réalisation d'une expertise psychologique visant à déterminer l'orientation sexuelle d'une demandeur n'est pas indispensable pour évaluer la crédibilité des déclarations du demandeur relatives à son orientation sexuelle. En effet, conformément à la directive, face à une situation où l'orientation sexuelle du demandeur n'est pas étayée par des preuves documentaires, les autorités nationales, qui doivent disposer d'un personnel compétent, peuvent se fonder, entre autres, sur la cohérence et la plausibilité des déclarations de la personne concernée. La Cour conclut donc que le recours à une expertise psychologique en vue d'apprécier la réalité de l'orientation sexuelle d'une demandeur d'asile n'est pas conforme à la directive lue à la lumière de la Charte européenne des droits fondamentaux. |
ECLI : | EU:C:2018:36 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=198766&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=226217 |
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