Document public
Titre : | Décision 2017-313 du 21 décembre 2017 relative au détournement de la procédure de perquisition administrative prévue par l’article 11-I de la loi du 20 novembre 2015 relative à l’état d’urgence par un préfet de département ayant ordonné la perquisition du domicile d’une employée travaillant sur un site sensible et, à l’issue de la mesure qui n’a établi aucun élément infractionnel ni d’élément de dangerosité, a demandé à son employeur de considérer le lien de confiance comme rompu, ce qui a pu être analysé comme une injonction discriminatoire et illégale de la licencier, fondée uniquement sur des « soupçons » de dangerosité et portant une atteinte disproportionnée aux droits de l’intéressée |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Déontologie de la sécurité, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 21/12/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2017-313 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Rappel des textes [Mots-clés] État d'urgence [Mots-clés] Préfecture [Mots-clés] Perquisition [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Religion - Croyances |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative au licenciement d’une salariée de droit privé prononcé par son employeur, opérateur de site sensible, à la suite d’un message électronique reçu de la part du préfet de département. Celui-ci considère qu’à l’issue de la perquisition administrative de son domicile et en raison de ses fréquentations, le lien de confiance avec son employeur est rompu, étant considéré l’urgence à protéger les « sites d’importance vitale » peu après les attentats du 13 novembre 2015 et l’instauration de l’état d’urgence.
A l’issue de ses investigations, le Défenseur des droits a pu constater l’annulation par le juge administratif de l’arrêté préfectoral ordonnant la perquisition administrative en raison d’une motivation insuffisante, ainsi que la transaction financière intervenue entre l’opérateur et son employée dès lors que son licenciement prononcé pour faute lourde est intervenu en dehors de toute cause légale. De même, il relève la confusion des actes de procédure à rédiger par les forces de l’ordre au titre de la perquisition administrative ainsi qu’un détournement de la procédure dès lors que le procès-verbal de perquisition aurait été transmis en priorité à l’autorité préfectorale et non, comme le prévoit l’article 11-I de la loi du 20 novembre 2015 relative à l’état d’urgence, à l’autorité judiciaire. Il ressort également de ses investigations que si la perquisition administrative n’a pu établir aucun élément de dangerosité particulier ni d’élément infractionnel à transmettre aux autorités judiciaires, le préfet de département a néanmoins demandé le licenciement de l’employée en raison de ses fréquentations dans le cadre de l’association cultuelle à laquelle elle appartient, eu égard à la nécessité de protéger le site sensible. Cette demande qui a pu être analysée comme une injonction du préfet, ne saurait donc être assimilée à un avis émis à l’issue d’une enquête administrative et ne saurait non plus outrepasser les prérogatives légales et réglementaires détenues par le préfet de département au titre de l’état d’urgence. En tout état de cause, à considérer qu’une telle demande pourrait être enjointe au titre de « circonstances exceptionnelles » en dehors de toute légalité, elle ne saurait être discriminatoire en raison de la religion de la réclamante, ni porter une atteinte disproportionnée à ses droits dès lors qu’elle se retrouve privée d’emploi, quand bien même l’état d’urgence déroge à la Convention européenne des droits de l’homme. En conséquence, le Défenseur des droits est amené à rappeler que les obligations déontologiques, auxquelles les forces de l’ordre comme les autorités préfectorales sont soumises, continuent à s’imposer dans le contexte de l’état d’urgence. * S’agissant des actes rédigés au titre de la perquisition administrative, il rappelle ses recommandations MSP-MDS-2016-153 du 26 mai 2016 sur la nécessité de rédiger deux actes distincts : un procès-verbal de perquisition administrative circonstancié à remettre à l’intéressé et un compte-rendu des opérations à transmettre prioritairement aux autorités judiciaires, et recommande au ministre de l’Intérieur de rappeler aux forces de l’ordre de rédiger ces documents avec fidélité et précision. Il l’invite à faire respecter l’ensemble de ces exigences dans la mise en œuvre du nouveau dispositif de « visite » créé par la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017. * S’agissant du dispositif de perquisition administrative, il recommande au ministre de l’Intérieur de rappeler aux préfets qu’il ne leur appartient pas d’être les premiers destinataires des informations obtenues au cours d’une perquisition administrative comme d’une « visite » administrative, dans la mesure où ces dispositifs ne visent pas au premier chef à alimenter les services de renseignement, mais à informer l’autorité judiciaire d’éléments permettant de soupçonner la préparation ou la commission d’une infraction ; * S’agissant du préfet de département, il recommande au ministre de l’Intérieur de lui rappeler que ses prérogatives étaient légalement définies par la loi du 20 novembre 2015 et par l’instruction interministérielle du 7 janvier 2014 s’agissant de la sécurité des « opérateurs d’importance vitale » ; * S’agissant de l’avis donné par une autorité préfectorale à un employeur privé, le Défenseur des droits rappelle que les avis désormais formulés par le service national des enquêtes administratives de sécurité créé le 27 avril 2017 à l’encontre des personnels d’entreprises de transports, sont contestables devant les juridictions administratives. |
NOR : | DFDM1700313S |
Collège Défenseur des droits : | Déontologie de la sécurité |
Nombre de mesures : | 5 |
Suivi de la décision : | Courrier du ministère de l'Intérieur reçu le 23/08/2018 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etat d'urgence - Terrorisme - Radicalisation |
Documents numériques (1)
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