Document public
Titre : | Arrêt relatif à l’absence de discrimination en raison du sexe et de la grossesse qui justifierait une prise d’acte de la rupture du contrat de travail |
Voir aussi : |
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Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 19/12/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 17/00631 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Congé de maternité [Mots-clés] Contrat de travail [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Démission [Mots-clés] Défenseur des droits [Mots-clés] Droit à un procès équitable |
Résumé : |
Embauchée fin 2006 par une société spécialisée dans le secteur financier, la requérante prend acte de la rupture de son contrat de travail en octobre 2010 au motif qu’elle a subi de la part de son employeur des agissements discriminatoires en raison de son sexe et de son congé de maternité ainsi que le harcèlement moral. Elle a été absente en raison du congé maternité entre novembre 2009 et juin 2010.
La salariée a saisi le juge en vue de voir requalifier l’acte de rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A l’appui de ses demandes, elle invoque notamment la diminution du montant de ses bonus pour les années 2008 à 2010 ainsi que la diminution de son portefeuille de clients. En janvier 2012, le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de ses demandes en retenant que la société apportait la preuve qu’elle avait respecté le principe de l’égalité hommes-femmes et que l’intéressée ne démontrait pas qu’elle aurait été discriminée en raison de son sexe et de son congé maternité. La rupture du contrat de travail s’analyse donc en une démission. Le Défenseur des droits a présenté ses observations devant la cour d’appel. En septembre 2014, la cour d’appel a confirmé le jugement prud’homal. Elle a rejeté l’exception d’irrecevabilité opposée par la société à l’intervention du Défenseur des droits. Sur le fond, la cour a jugé notamment qu’aucun élément objectif et déterminant ne venait contredire le caractère discrétionnaire de l’attribution des bonus litigieux. Elle a considéré que la prise en compte de critères tels que l’investissement dans l’entreprise, eu égard à son ancienneté et au projet de l’intéressée de s’investir dans une préparation de concours, outre des résultats ne correspondant pas aux attente de son employeur, n’apparaissait pas discriminatoire. Par ailleurs, le fait que la salariée s’est vu imposer une période de « ré-acclimatation », après sept mois d’absence dû à son congé maternité, ne permet pas en soi de supposer une quelconque discrimination à son égard. Enfin, la cour a retenu que la société justifiait par des éléments objectifs le retrait significatif d’une partie de la clientèle de la salariée et ce fait ne pouvait donc laisser supposer une discrimination. Elle a conclu que les manquements allégués ne caractérisaient ni les violences morales répétées invoquées ni des fautes d’une gravité suffisante pour justifier la prise d’acte qui produirait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par l’arrêt du 28 septembre 2009, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel. Elle a jugé que dans la mesure où la cour d'appel avait constaté que la salariée s'était vu, à son retour de congé de maternité, retirer une part significative de sa clientèle, élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de sa grossesse, elle ne pouvait rejeter les demandes de la salariée, fondées sur cette discrimination. Statuant après renvoi, la cour d’appel, autrement composée, confirme à nouveau le jugement prud’homal en ce qu’il n’a pas retenu l’existence d’une discrimination. Tout d’abord, la cour rejette la demande de la société qui souhaitait le retrait de la décision n° 2017-288 du Défenseur des droits des débats. La cour considère qu’au vue de l’ensemble des éléments versés au débat, elle est en capacité d’apprécier la valeur probante des pièces produites qui ont été soumises au débat contradictoire, y compris les dernières observations du Défenseur des droit, et ce quelle que soient la forme que prennent ces observations et quelle que soit la formulation péremptoire de la décision n° 2017-288 qui indique expressément dans deux " Considérant " que " Madame X. a fait l'objet d'une discrimination en raison de son sexe, sa grossesse et sa situation de famille justifiant sa décision de prendre acte de la rupture de son contrat de travail " et que " cette prise d'acte doit avoir les effets d'un licenciement nul en raison de la discrimination subie ". La cour constate le dépôt des observations écrits du Défenseur des droits et rejette l’exception soulevée par la société. Ensuite, en ce qui concerne l’absence d’octroi de bonus pour les exercices 2008 à 2010, la cour souligne qu’il était prévu contractuellement, à l’occasion de la prise de fonctions de la salariée, qu’elle recevra une prime exceptionnelle en décembre 2007 et une garantie de rémunération variable en février 2008. Or, ces éléments contractuels ne peuvent servir de référence pour l’attribution d’un bonus pour les années suivantes. La cour considère toutefois que la société ne conteste pas que des bonus discrétionnaires étaient assez régulièrement versés aux salariés et qu’elle doit dès lors être en mesure de justifier la différence de bonus par des motifs objectifs et pertinents, le caractère discrétionnaire ne lui permettant pas de s'exonérer de toute justification quant au versement d'une prime discrétionnaire. La cour analyse les tableaux comparatifs des neufs salariés de l’équipe produit par l’employeur qui sont selon elle éloquents et note que la salariée a réalisé un chiffre d’affaire très inférieur à tous ses collègues au titre de l’année 2008 et qu’elle a néanmoins perçu un bonus comparable à une autre salariée qui avait un résultat bien supérieur à elle mais aussi nettement en dessous des autres collègues. En conséquence, la cour estime que les allégations de la requérante relatives à une discrimination à cet égard n’apparaissent pas sérieuses. Il en est de même de l’attribution des bonus pour l’année 2009 qui s’est réalisée sur des considérations objectives. La cour estime que le fait que l’intéressée n’ait perçu de bonus pour cet exercice n'a rien d'anormal et il ne ressort des éléments versés au débat aucun manquement, ou même indice, de nature à confirmer les allégations de discrimination qui serait fondée sur le sexe, l'état de grossesse, ou le départ en congé maternité de la salariée. Outre les reproches formulés par la salariée au sujet de versement de bonus pour lesquels aucun manquement de l’employeur n’est démontré, l’intéressée invoque un retrait de clientèle, des mesures vexatoires, des manœuvres déloyales et un dénigrement. La cour estime que les fonctions spécifiques de la salariée sur les marchés impliquaient une certaine progressivité dans la reprise en main de la clientèle sans que cela puisse être considéré en l’espèce comme discriminatoire. Or, la survenance de la rupture de la relation de travail après un temps très limité de présence effective après son congé maternité ne constitue pas un temps suffisant permettre de considérer que l'employeur n'a pas restitué à l'intéressée un portefeuille équivalent à celui qui lui était attribué avant son congé maternité. La cour constate que l’intéressée a retrouvé son emploi et les tâches qui lui étaient dévolues et que le fait qu'elle n'ait pas retrouvé exactement les clients qu'elle avait en charge avant son départ en congé sept mois plus tôt n'a rien d'anormal. Elle conclut qu’une période de transition était indispensable et, loin d’être discriminatoire, permettait à la salariée une réadaptation rapide mais progressive. Enfin, la cour considère qu’aucun élément ne vient démontrer la réalité d’un accueil hostile qui aurait été réservé à l’intéressée à son retour de congé maternité. Selon la cour, les faits invoqués par la salariée ne constituent pas des mesures vexatoires. En conclusion, après analyse de l'ensemble des pièces produites et explications fournies, la cour considère qu'aucun fait ne permet de présumer l'existence d'une discrimination. Les éléments produits, qu'ils soient pris séparément ou dans leur ensemble, ne peuvent être analysés comme constitutifs d'une discrimination ou d'une inégalité de traitement. De plus, les éléments de preuve fournis par l'employeur démontrent que son comportement était étranger à toute discrimination. La prise d’acte doit donc s’analyser en une démission. Par ailleurs, la cour retient qu’en réalité l’intéressée a quitté son emploi pour des raisons personnelles, étrangères aux manquements qu’elle impute à tort à son employeur. En conséquence, elle condamne la salariée à payer à la société la somme de plus de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l’inexécution du préavis. |
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