Document public
Titre : | Arrêt relatif au confinement d'un prévenu pendant son procès dans un box vitré : Belousov c. Russie |
Voir aussi : |
|
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 04/10/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2653/13 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Russie [Mots-clés] Conditions matérielles indignes [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Transfert de détenu [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Avocat [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Liberté d'association et de réunion [Mots-clés] Santé - soins |
Résumé : |
L’affaire concerne un opposant politique, placé en détention après avoir participé à un mouvement de protestation en 2012. Pendant les deux premiers mois d’audience lors du procès, le requérant et neuf autres accusés ont été confinés dans un box vitré où ils étaient très à l’étroit. Par la suite, les audiences ont eu lieu dans un autre prétoire contenant deux box vitrés, ce qui permit au requérant et aux autres accusés d’avoir plus d’espace.
Dans sa requête auprès de la Cour européenne, le requérant se plaignait notamment que le fait d’avoir été ainsi enfermé s’analysait en un traitement dégradant et avait empêché sa participation effective au procès. Par ailleurs, il alléguait la violation de son droit à la liberté de réunion pacifique. La CEDH considère que bien que des box vitrés n’aient pas la même apparence de dureté que des cages de métal et que le fait de placer un accusé derrière une paroi vitrée ou dans un box vitré ne soit pas en soi un élément suffisamment humiliant pour atteindre le seuil minimum de gravité (ce qui est le cas avec les cages de métal), ce niveau peut toutefois être atteint si les circonstances du confinement, considérées globalement, sont de nature à soumettre l’accusé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Pendant les deux premiers mois d’audience, le requérant a été placé avec neuf autres accusés dans un box vitré de 5,4 m², cadre qui ne laissait pratiquement aucun espace entre eux. Il a alors dû endurer les audiences dans ces conditions pendant plusieurs heures, à raison de trois jours par semaine. L’affaire était médiatisée et le procès était suivi de près par les médias nationaux et internationaux, de sorte que le requérant se trouvait constamment exposé à l’opinion publique dans cet espace exigu. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que les conditions subies pendant les deux premiers mois s’analysent en un traitement dégradant contraire à l’article 3. Concernant en revanche les audiences tenues dans le second prétoire, la Cour observe que la présence de deux box a permis au requérant de disposer d’au moins 1,2 m2 d’espace personnel, ce qui lui a évité les inconvénients et l’humiliation d’une promiscuité extrême. Les obstacles que les installations auraient mis à la participation du requérant au procès et à sa communication avec son avocat peuvent être tenus pour des éléments qui ont contribué à l’anxiété et à la détresse du requérant ; cependant, considérés seuls ils ne suffisent pas pour atteindre le seuil de l’article 3. Ayant conclu à la violation de l’article 3 en ce qui concerne le premier prétoire où le requérant s’est trouvé confiné dans un box vitré surpeuplé, la Cour estime qu’il est difficile de concilier le traitement dégradant infligé au requérant pendant la procédure judiciaire et la notion de procès équitable. Il s’ensuit que, pendant les deux premiers mois du procès, les audiences dans la cause du requérant ont été menées en violation de l’article 6 de la Convention. Dans le second prétoire, le problème de surpeuplement avait été résolu mais les obstacles allégués à la participation du requérant à la procédure et à son assistance juridique demeuraient. Le droit, pour l’accusé, de communiquer avec son avocat hors de portée d’ouïe d’un tiers figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique. La Cour garde à l’esprit les questions de sécurité que peut poser une audience devant une juridiction pénale. Compte tenu cependant de l’importance accordée aux droits de la défense, des mesures restreignant la participation d’un accusé à une procédure ou limitant ses interactions avec son avocat ne doivent être imposées que pour autant qu’elles sont nécessaires et elles doivent être proportionnées aux risques propres à l’affaire en question. Le requérant était séparé du reste du prétoire par une paroi vitrée, barrière physique qui dans une certaine mesure a restreint sa participation directe à l’audience. Cette installation l’empêchait d’avoir des échanges confidentiels avec son avocat, avec lequel il ne pouvait parler qu’au travers d’un microphone situé près des policiers. L’utilisation du dispositif de sécurité n’était justifiée ni par des risques particuliers ni par des problèmes d’ordre dans le prétoire ; il s’agissait de la pratique habituelle. La juridiction n’avait aucun pouvoir discrétionnaire pour ordonner que le requérant fût placé hors du box et ne semble pas avoir reconnu l’impact des installations dans le prétoire sur les droits de la défense de l’intéressé. Elle n’a pas non plus pris de mesures aux fins de compenser ces restrictions. Ces conditions ont prévalu pendant toute la durée de l’audience de première instance et n’ont pu avoir que des effets négatifs sur l’équité de l’ensemble de la procédure. Le droit du requérant d’être effectivement associé à la procédure et de bénéficier d’une assistance juridique pratique et effective a été restreint, et ces restrictions n’étaient ni nécessaires ni proportionnées. Enfin, la Cour conclut également à la violation de l'article 3 en ce qui concerne les conditions de transport du requérant vers et depuis le tribunal, et de l'article 11 (liberté de réunion pacifique). En revanche, elle juge qu'il n'y a pas eu violation de l'article 3 en ce qui concerne les conditions de détention provisoire et l’absence alléguée de soins médicaux appropriés dispensés au requérant. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Privation de liberté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-166937 |