Document public
Titre : | Requête relative au problème structurel affectant la gestion des étrangers à Mayotte, notamment les mineurs : Moustahi c. France |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 20/01/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 9347/14 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Outre-mer [Géographie] Mayotte [Géographie] France [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Regroupement familial [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Erreur [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant |
Résumé : |
Les trois requérants, ressortissants comoriens, sont un père et ses deux enfants, nés respectivement en 2008 et 2010 à Mayotte d’une mère également comorienne.
Le père, entré sur le territoire de Mayotte en 1994, y réside de façon régulière depuis, sous couvert d’une carte de séjour temporaire renouvelée à plusieurs reprises. En 2011, la mère des enfants, en situation irrégulière à Mayotte, a fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière et a été renvoyée aux Comores avec les enfants. A leur arrivée, elle les a confiés à leur grand-mère maternelle et est retournée à Mayotte. En novembre 2013, les mineurs, alors âgés de 3 et 5 ans, ont voyagé sans accompagnement d’un membre de leur famille à bord d’une embarcation de fortune en vue de rejoindre leur père à Mayotte. Dix-sept personnes en tout étaient présentes sur cette embarcation. Après avoir été interpellées en mer par les autorités françaises, elles ont fait l’objet d’un contrôle d’identité réalisé sur une plage mahoraise, puis d’un contrôle sanitaire à l’hôpital et enfin d’une procédure administrative de reconduite à la frontière dans la même journée, pendant laquelle elles ont été placées en rétention durant une heure quarante-cinq environ dans les locaux d’une gendarmerie. Les enfants requérants ont été administrativement attachés à l’une des personnes présentes sur l’embarcation qui avait déclaré aux autorités accompagner les enfants. Leurs noms ont été inscrits sur l’arrêté de reconduite à la frontière pris à l’encontre de cette personne. Leur placement en rétention a été en revanche opéré de facto puisque leurs noms ne furent inscrits sur l’arrêté de placement en rétention d’aucun tiers. Le père, prévenu entre-temps de la présence de ses enfants à la gendarmerie, s’y est rendu muni de son titre de séjour et des actes de naissances des enfants établis à Mayotte, mais n’a pas pu entrer en contact avec eux. Malgré la saisine par le père du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte afin d’obtenir la suspension des décisions portant reconduite à la frontière de ses enfants, ces derniers ont été renvoyés, le jour même, aux Comores à bord d’un navire avec tous les passagers de l’embarcation arrivée en provenance de Mayotte, soit une centaine de personnes dont la moitié étaient mineurs. Devant le juge, le père faisait valoir notamment le caractère arbitraire du rattachement des enfants à la personne qui se trouvait à bord de l’embarcation, l’inadéquation des locaux de rétention à la présence d’enfants, l’illégalité d’un placement en rétention de mineurs isolés et l’absence de base légale du placement en rétention des enfants. Le juge des référés a statué quatre jours plus tard, soit deux jours après l’écoulement du délai légal de 48 heures. La requête du père a été rejeté tant en première instance qu’en appel. Le Défenseur des droits ainsi que deux associations sont intervenues au soutien des requérants. Le juge des référés du Conseil d’Etat a notamment considéré qu’il appartenait à un ressortissant étranger établi à Mayotte qui souhaite que ses enfants le rejoignent au titre du regroupement familial de se conformer aux exigences de la réglementation applicable à la mise en œuvre de ce droit. Il a retenu qu’une demande de regroupement familial présentée par le requérant auprès des autorités consulaires françaises aux Comores en vue de la venue à Mayotte de ses deux enfants mineurs serait examinée avec l’attention requise dans les meilleurs délais. Il a conclu que dans ces conditions, la situation ne faisait pas apparaître d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale de nature à justifier que le juge des référés fasse usage des pouvoirs. Les deux enfants ont obtenu les visas long séjour en août 2014 et vivent avec leur père depuis septembre 2014. Introduite devant la CEDH le 20 janvier 2014, la requête a été communiquée par la Cour le 30 octobre 2017. Griefs : Les requérants invoquent plusieurs articles de la Convention pour des griefs qu’ils estiment liés à un problème structurel affectant la gestion des étrangers à Mayotte. Invoquant l’article 3 de la Convention, ils allèguent que les conditions d’interpellation des enfants, en bas âge et non accompagnés, leur placement en rétention en compagnie d’adultes, ainsi que leur rattachement arbitraire à l’un d’eux, suivi de leur renvoi expéditif vers les Comores sans aucun examen attentif et individualisé de leur situation, constituent des traitements contraires à cette disposition. De plus, le premier requérant allègue que le refus des autorités de le laisser entrer en contact avec ses enfants a constitué un traitement contraire à cette disposition. Invoquant les articles 5 § 1 f) et 5 § 4 de la Convention, les deux requérants mineurs allèguent que leur placement en rétention constitue une atteinte à ces dispositions dans la double mesure où il ne reposait sur aucune décision formalisée et où il était irrégulier et injustifié au regard de leur bas âge, de l’inadéquation des locaux de rétention et de l’absence d’accompagnateur. Invoquant l’article 8 de la Convention, les requérants allèguent que le refus des autorités françaises de laisser le père entrer en contact avec ses enfants, ainsi que le placement en rétention de ces derniers, constitue une violation de leur droit au respect de la vie familiale. Invoquant l’article 13 combiné avec les articles 3 et 8 de la Convention et avec l’article 4 du Protocole n° 4, ils allèguent qu’ils n’ont pu disposer d’aucun recours effectif afin de contester le renvoi des enfants. Invoquant l’article 4 du Protocole n° 4, ils allèguent que le renvoi des enfants vers les Comores, réalisé sans aucun examen individualisé de leur situation et en compagnie de l’ensemble des autres migrants interceptés en mer ce jour-là, constitue une expulsion collective contraire à cette disposition. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-178980 |
Cite : |