Document public
Titre : | Règlement amiable RA-2017-141 du 5 octobre 2017 relatif à un refus de regroupement familial pour insuffisance de ressources. |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Droits fondamentaux des étrangers, Auteur |
Type de document : | Règlements amiables |
Année de publication : | 05/10/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | RA-2017-141 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Règlement amiable [Documents internes] Règlement amiable réussi [Documents internes] Pas de suite attendue [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Regroupement familial [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Préfecture [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Condition de ressources [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Visa [Géographie] Tunisie |
Texte : |
Le Défenseur des droits a été saisi des difficultés que rencontrait un ressortissant dans la procédure de regroupement familial engagée au bénéfice de ses deux derniers enfants mineurs. Le réclamant et son épouse sont titulaires de cartes de résident expirant respectivement en 2024 et en 2023.
De leur union sont nés sept enfants dont les cinq premiers âgés de six à quatorze ans sont de nationalité française en application de l’article 19-3 du Code civil : « Est Français l’enfant né en France lorsque l’un des parents au moins y est lui-même né». Les deux derniers enfants sont quant à eux nés en Tunisie et ont, de ce fait, la nationalité tunisienne. La situation et les conditions de vie s’étant détériorées dans le sud tunisien, le réclamant a rapatrié ses enfants en France en 2016. Le réclamant a sollicité des visas de court séjour au bénéfice de ses deux derniers enfants qui lui ont été refusés le 7 avril 2016 par le Consulat général de France à Tunis au motif que « la volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa n’a pu être établie ». Le réclamant a alors multiplié les recours gracieux contre ces décisions de refus et a entrepris en août 2016 une procédure de regroupement familial pour ses deux enfants résidant en Tunisie. La préfecture a rejeté cette demande au motif qu’il ne justifiait pas des conditions de ressources personnelles suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, conformément à l’article 11 de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Le Défenseur des droits a demandé à la préfecture un réexamen de la demande de regroupement familial. A cet égard, le Défenseur des droits a pointé que le réclamant a entrepris une démarche de reconversion professionnelle et que sa formation va ainsi lui permettre de trouver facilement un emploi et de subvenir aux besoins de sa famille. Il a également relevé que son épouse s’est vue proposer plusieurs emplois qu’elle a dû décliner en raison des allers-retours vers la Tunisie auxquels elle procède afin de s’occuper de ses deux derniers enfants, restés auprès de leur grand-mère, malade et âgée de 81 ans. Le Défenseur des droit a rappelé que, quand bien même les ressources du couple sont inférieures au seuil exigé pour une famille avec sept enfants, le logement de 119 m2 de la famille est quant à lui d’une surface appropriée afin d’héberger l’ensemble de la fratrie. Par ailleurs, le Défenseur des droits a précisé que si le préfet peut refuser le regroupement familial si les conditions de ressources ou de logement ne sont pas réunies, il n’y est pas tenu. En effet, il a un pouvoir d’appréciation sur le respect de la condition de ressources et il commet une erreur de droit s’il s’estime lié par cette condition, et qu’il refuse le regroupement familial au seul motif que les ressources n’atteignent pas le niveau requis sans examiner l’ensemble des circonstances relatives à la situation personnelle du demandeur ( CAA Lyon, 18 octobre 2012, n°12LY00722 ; CAA Versailles, 4 octobre 2012, n°11VE03458, CAA Douai, 26 juin 2014, n°14DA00070 ; CAA Bordeaux 22 juin 2015 n°15BX00496 ; CAA Marseille, 12 mai 2016, n°15MA02240). C’est ainsi que la Cour de justice de l’union européenne a considéré dans des circonstances comparables qu’un rejet automatique fondé sur un niveau de ressources insuffisant était illégal (CJUE, 2ème chambre, 4 mars 2010, aff. C-578/08, Chakroun). Dès lors, le Défenseur des droits a rappelé au préfet qu’il doit procéder à un examen individuel de la situation du demandeur notamment au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et des articles 3.1 et 9.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Dans ce sens, le préfet ne peut pas se limiter à affirmer que la décision de rejet ne porte pas atteinte à l’article 8 de la CEDH sans examiner les circonstances particulières de la demande présentée (CAA Lyon, 9 avril 2013, n° 12LY02271 ; CAA Versailles, 7 novembre 2013, n°12VE04240). C’est ainsi que dans plusieurs situations comparables, les juridictions administratives ont relevé que si les ressources sont insuffisantes, un refus de regroupement familial peut néanmoins être considéré comme illégal s’il viole l’article 8 de la CEDH (CAA Versailles, 11 février 2016 n°15VE02227 ; CAA Bordeaux, 10 avril 2012, n°11BX03090). En outre, le Défenseur des droits a rappelé que l’intérêt de l’enfant tel que consacré à l’article 3-1 de la CIDE était de vivre auprès de la personne titulaire de l’autorité parentale (CAA Lyon, 17 décembre 2010, n°LY00814). Or, le Défenseur des droits a indiqué que dans la situation en l’espèce les deux enfants sont séparés de leurs parents depuis maintenant une année, ce qui est incontestablement contraire à leur intérêt supérieur. Le Défenseur des droits a considéré que cette décision de refus est également contraire au droit des cinq autres enfants de mener une vie familiale normale. A ce titre, il a cité une décision par laquelle la CEDH a jugé qu’il y avait violation du droit à la vie familiale par le gouvernement néerlandais qui s’opposait au regroupement familial d’une enfant de 9 ans, laissée au pays d’origine par ses parents à l’âge de 3 ans alors qu’ils résidaient dans un autre pays où ils ont eu deux autres enfants. (CEDH, 21 décembre 2001, aff. 31465/96, Sen c/Pays-Bas). Le préfet a réexaminé de la situation de la famille et décidé de donner une suite favorable à la demande de regroupement familial formulée par le réclamant pour ses deux enfants. |
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