Document public
Titre : | Arrêt relatif au décès d'un homme, atteint de troubles psychiatriques, à la suite de l'interpellation par les fonctionnaires de police : Boukrourou et autres c. France |
Voir aussi : | |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 16/11/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 30059/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Entrave [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Défenseur des droits [Mots-clés] Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Handicap moteur [Mots-clés] Manque de dignité [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Défaut d'attention à l'état de santé [Géographie] France |
Résumé : |
L’affaire concerne le décès d’un homme, atteint de troubles psychiatriques, à la suite de l’intervention de policiers qui ont été appelés au sujet d’un désaccord entre l’intéressé et son pharmacien quant à l’échange des médicaments.
Lors de son interpellation l’intéressé avait notamment reçu deux coups de poing dans les abdominaux de la part d’un policier lequel faisant usage de la technique dite des « coups de diversion ». L’intéressé était par ailleurs maintenu au sol du fourgon par trois policiers, l’un l’ayant maintenu par les épaules et les deux autres s’étaient mis debout au niveau de ses fesses et ses mollets. L’expertise médicale a conclu que l’intéressé était décédé subitement des troubles du rythme cardiaque, sans contexte d’asphyxie mécanique. Les experts ont souligné le rôle du stress aigu, ayant duré environ une heure et demi, dans la survenance du décès. Les policiers ont été mis en examen du chef d’homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Les juges d’instruction ont toutefois rendu une ordonnance de non-lieu à statuer, celle-ci a été confirmée en appel. Les juges ont considéré notamment que la victime a été maintenue sur le plancher du fourgon dans des conditions « certes inhabituelles, voire critiquables », mais que celles-ci préservaient les capacités respiratoires et la ventilation d’une personne qui « opposait toujours une forte résistance aux policiers ». Le juge a conclu qu’« aucune maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ni aucun faute caractérisée ne peut être imputée aux policiers dans le décès de la victime. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Le Défenseur des droits avait rendu un rapport dans cette affaire. Il a considéré que les gestes de maintien et de compression pratiqués dans le fourgon étaient dangereux et disproportionnés et qu’ils étaient constitutifs d’une grave atteinte à la dignité humaine et d’un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Défenseur a noté des contradictions entre les déclarations des policiers sur l’existence de violences physiques autres que les deux coups de poing de diversion et a indiqué qu’aucun témoin n’avait assisté à l’intégralité de la scène. Il a recommandé le renforcement de la formation initiale et continue des fonctionnaires de police quant à la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux. Enfin, le Défenseur a recommandé que les quatre policiers mis en cause fassent l’objet d’une procédure disciplinaire pour « avoir fait un usage disproportionné de la force ou n’avoir pas tenté de mettre fin à cet usage ». Devant la CEDH, les requérants, membres de la famille du défunt, se plaignent de l’atteinte portée à la vie de leur proche lors de l’intervention des forces de police devant la pharmacie. Ils font valoir que leur proche a été victime de traitements inhumains et dégradants de la part des policiers. La CEDH juge en particulier que les fonctionnaires de police n'ont pas eu recours à une force en soi fatale pour la victime. Par ailleurs, même s'il existe un certain lien de causalité entre la force utilisée par les policiers et la mort de l'intéressé, cette conséquence n'était pas prévisible en l'espèce : les policiers ignoraient la pathologie cardiaque dont souffrait la victime et ne pouvaient pas envisager l'existence du danger encouru en raison de l'accumulation de deux facteurs - le stress et la pathologie cardiaque - susceptibles de présenter un risque pour la victime. Enfin, la demande rapide d'assistance des policiers et l'intervention rapide des services de secours sur les lieux permettent d'exclure tout manquement des autorités quant à leur obligation de protéger la vie de l'individu. En conséquence, elle dit, à l'unanimité, qu'il n'y a pas eu de violation de l'article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l'homme. En revanche, la Cour considère que les traitements infligés à la victime - des gestes violents, répétés et inefficaces, pratiqués sur une personne vulnérable - sont constitutifs d'une atteinte à la dignité humaine et atteignent un seuil de gravité les rendant incompatibles avec l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-178690 |