Document public
Titre : | Requêtes relatives au décès d'un enfant âgé de huit ans à la suite de sévices infligés par ses parents : Association Innocence en Danger et Association Enfance et Partage c. France |
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est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 26/03/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 15343/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Passivité des services publics [Mots-clés] Organisation des services publics [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Torture [Mots-clés] Maltraitance [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Plainte [Mots-clés] Décision de classement sans suite [Mots-clés] Fonctionnement du système judiciaire [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Association [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Responsabilité civile |
Résumé : |
Les associations requérantes, Innocence en Danger (requête n° 15343/15) et Enfance et Partage (requête n° 16806/15), sont des associations spécialisées dans la protection de l’enfance. Les deux requêtes sont liées au décès de Marina, le 6 août 2009, à l’âge de huit ans, à la suite de sévices infligés par ses parents depuis l’âge de deux ans et demi. Un an avant le décès de l’enfant, le procureur de la République avait classé sans suite le signalement de la directrice de l’école sur l’absentéisme de l’enfant et la suspicion de mauvais traitements. En effet, l’enquête diligentée le 19 juin 2008 n’a pas permis de révéler des faits de maltraitances. Lors d’une audition filmée, l’enfant qui affirmait de ne pas être victime de maltraitances, avait justifié l’origine de chacune de ses blessures relevées par un médecin légiste lors d’un examen médicolégal. Ce dernier n’excluait pas, malgré les explications concordantes données par l’enfant et son père, des faits de violence ou de mauvais traitement.
En juin 2012, les parents ont été condamnés à 30 ans de réclusion criminelle, dont 20 de sûreté, pour des actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort de Marina. En 2013, le Défenseur des droits a confié une mission d'expertise à Alain Grevot, conseiller à l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, sur cette affaire. Le rapport de fin de mission rendu le 30 juin 2014 visait, d’une part, à cerner les raisons pour lesquelles la situation de Marina a pu échapper à la vigilance du dispositif de protection de l’enfant dans son ensemble et n’a pu faire l’objet des mesures qui auraient pourtant légitimement dû assurer sa sécurité, à tirer des enseignements généraux de nature à nourrir des propositions d’évolution de telle ou telle procédure et, d’autre part, tirer des enseignements généraux de nature à nourri des propositions d’évolutions des procédures ainsi que d’émettre des recommandations relatives à l’évolution des pratiques, des méthodes de travail ou des postures professionnelles, voire de modifications de certains textes dans le but de contribuer à une meilleure fiabilité du dispositif de protection de l’enfance. En juin 2013, le tribunal d’instance a débouté les deux associations de protection de l’enfance qui avaient recherché la responsabilité de l’État pour faute lourde du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice. Le tribunal a estimé que les associations n’apportaient pas la preuve de faute lourde ou de multiples fautes légères confinant à la faute lourde qu’auraient commises le parquet et les gendarmes. Selon le tribunal, aucune négligence ne pouvait être relevée, la réponse pénale au signalement ayant été immédiate et adaptée. Il a considéré en outre que l’avis circonstancié du médecin légiste ne nécessitait aucun complément d’enquête auprès de l’expert. En octobre 2014, la Cour de cassation a rejeté les pourvois de deux associations. Les requêtes devant la CEDH ont été introduites par les associations respectivement les 26 mars et 7 avril 2015. Elles ont été communiquées le 27 septembre 2017. Griefs : 1. Invoquant l’article 2 de la Convention sous son volet matériel, les deux associations requérantes se plaignent du classement sans suite de la procédure le 6 octobre 2008, à la suite d’une enquête de police qu’elles jugent inefficace. L’association Enfance et Partage invoque en outre l’article 6 de la Convention à ce sujet. 2. L’association Innocence en Danger dénonce la nécessité de caractériser une faute lourde, au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, afin de pouvoir engager la responsabilité de l’État du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice. Elle estime que cette exigence, disproportionnée au regard de l’impératif absolu de protection des mineurs, est contraire au droit à un recours effectif tel que garanti par l’article 13 de la Convention. 3. Invoquant l’article 3 de la Convention sous son volet matériel, l’association Innocence en Danger estime que le système a failli à protéger Marina des abus extrêmement graves qu’elle a subis et qui ont abouti à son décès. Elle estime que les autorités, qui savaient ou auraient dû connaître la situation de grande détresse dans laquelle se trouvait l’enfant, avaient l’obligation de la protéger. Questions aux parties : 1. Les associations requérantes disposent-elles d’une qualité pour agir au nom de Marina et introduire les présentes requêtes devant la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention (au regard des critères retenus dans Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], n° 47848/08, § 112, CEDH 2014, et rappelés notamment dans Comité Helsinki bulgare c. Bulgarie (déc.), n° 35653/12 et 66172/12, § 51, 28 juin 2016) ? 2. Le droit de Marina à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention, a-t-il été violé en l’espèce ? Plus précisément, en réponse au signalement du 19 juin 2008, le classement sans suites par le parquet, le 6 octobre 2008, associé aux insuffisances alléguées de l’enquête de police, a-t-il emporté violation des obligations positives qui incombent à l’État défendeur en vertu de l’article 2 de la Convention ? 3. L’État défendeur a-t-il respecté son obligation positive en vertu de l’article 3 de la Convention de protéger Marina contre les agissements de ses parents ? Plus précisément, en réponse au signalement du 19 juin 2008, le classement sans suites par le parquet, le 6 octobre 2008, associé aux insuffisances alléguées de l’enquête de police, a-t-il emporté violation des obligations positives qui incombent à l’État défendeur en vertu de l’article 3 de la Convention ? 4. Eu égard au seuil, allégué comme étant trop élevé, pour mettre en cause la responsabilité civile de l’État au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, l’association Innocence en Danger avait-elle à sa disposition, comme l’exige l’article 13 de la Convention, un recours interne effectif pour formuler ses griefs de méconnaissance de l’article 2 ? |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Enfants en difficulté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-178044 |
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