Document public
Titre : | Décision 2017-221 du 21 juillet 2017 relative aux difficultés rencontrées par des travailleuses du sexe d’origine chinoise ne parlant ni ne comprenant le français, pour communiquer à la fois avec les policiers intervenus à leur domicile pour des violences avec un client puis avec les enquêteurs qui les ont placées en garde à vue, difficultés non surmontées par les moyens à la disposition des forces de l’ordre qui portent atteinte, de ce fait, à leur droit à une procédure équitable, de même que l’arrivée tardive de l’interprète durant la garde à vue. |
est cité par : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Déontologie de la sécurité, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 21/07/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2017-221 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Position non suivie d’effet [Documents internes] Proposition de réforme [Documents internes] Réforme de nature réglementaire [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Droit à un interprète [Mots-clés] Garde à vue [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Victime [Mots-clés] Durée de la procédure |
Mots-clés: | Prostitution |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation par Madame X et Madame Y, qui dénoncent avoir été interpellées et menottées le 15 mars 2015 puis placées en garde à vue, alors qu'elles étaient les victimes d'une agression commise par deux hommes, dans le cadre de leur activité de travailleuses du sexe. Elles dénoncent aussi l'absence de notification du placement en garde à vue et de leurs droits, et de n'avoir pu bénéficier de l'assistance d'un interprète que tardivement.
A l’issue de ses investigations, le Défenseur des droits ne peut établir la réalité de leur menottage ni ne relève le non-respect de la notification de leurs droits en garde à vue. Il constate cependant que si le droit des réclamantes à bénéficier de l'assistance d'un interprète en langue chinoise durant leur placement en garde vue a été satisfait selon les prescriptions du code de procédure pénale, ce droit - composante du droit à un procès équitable - implique nécessairement de pouvoir bénéficier d'une assistance linguistique au plus tôt de la procédure pénale. Dès lors que les agents des forces de l'ordre constate en effet l'impossibilité de communiquer, cette circonstance emporte nécessairement des conséquences dans leur analyse des faits et sur la procédure à suivre selon le statut de victime ou de suspect des intéressés qui sera discerné. Le Défenseur des droits relève ici que le droit à pouvoir bénéficier d’une assistance linguistique appropriée durant la procédure pénale, garanti par le droit européen et le droit communautaire et qui se résume essentiellement au droit à un interprète-traducteur, est consacré par l'article préliminaire du code de procédure pénale depuis 2013. Devenu principe directeur de la procédure pénale, il doit donc s'entendre comme devant être garanti à chacun des stades de la procédure pénale. Le Défenseur insiste donc sur l’importance d’établir une communication le plus rapidement possible avec tout usager, particulièrement lorsqu’il s’agit de travailleurs-ses du sexe dont il convient de mesurer la vulnérabilité et d’appréhender leur comportement dans un contexte prostitutionnel violent et illicite, lesquels exigent en effet que, victimes ou suspects-es, les travailleurs-ses du sexe puissent être encouragé-es à s’exprimer afin de lever toute confusion dans ce type de situation. Dans ces conditions, il relève un manque de discernement de la part des officiers de police judiciaire ayant décidé de placer les réclamantes en garde à vue pour ne pas avoir recherché à requérir un interprète dès le moment où ils discernent que les réclamantes sont « inaudibles dans les formes du droit », avant de décider une telle mesure coercitive et, de ce fait, pour ne pas avoir traité les réclamantes de manière plus équitable dans la confusion de la situation. Un manquement identique peut également être retenu à l’encontre des officiers de police judiciaire du service territorial judiciaire de nuit contactés par les policiers interpellateurs pour ne pas avoir requis d’interprète dès ce moment de la procédure. Ce faisant, le Défenseur relève le manque de moyens humains (disponibilité d’un interprète la nuit), matériels (outils technologiques) et procéduraux (délai courant entre l'interpellation et la garde à vue, possibilité d’une présence différée de l’interprète durant la garde à vue) à la disposition des enquêteurs. Il attire alors l'attention du ministre de l'Intérieur sur les risques de nullité d’un placement en garde à vue, décidé en l’absence de toute tentative de communication préalable avec les personnes suspectes et en l’absence de toute information préalable de l’autorité judiciaire sur les difficultés rencontrées par les forces de l’ordre, au regard des dispositions de l’article 62-2 du code de procédure pénale. Il attire également l’attention du ministre sur les risques procéduraux liés au non-respect des droits de la défense durant la garde à vue, en l’absence de moyens adéquats donnés aux forces de police pour s’assurer de la présence d’un interprète dans un délai raisonnable pour assister les intéressés, ou de tout autre vecteur de communication. Il rappelle l'obligation qui pèse sur l’État de garantir le droit pour les suspects à pouvoir communiquer et comprendre la procédure pénale, et recommande au ministre de l'Intérieur d'engager une réflexion sur le recours, en l'absence d'interprète, à divers outils technologiques, informatiques ou encore téléphoniques d’interprétariat permettant à la fois au suspect étranger de pouvoir communiquer dans les meilleurs délais et aux forces de l'ordre d'améliorer leur analyse des faits qu'ils constatent. Il recommande également de renforcer les actions de sensibilisation auprès des cadets, des élèves gardiens de la paix, des élèves officiers et des fonctionnaires de police, organisées par la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) sur la situation spécifique des travailleurs-ses du sexe et l’évolution des multiples formes de prostitution. |
Recommandation de réforme : | Le Défenseur des droits recommande d’intégrer dans le code de la sécurité intérieure l'obligation déontologique qui impose aux forces de l'ordre de garantir le droit à une assistance linguistique satisfaisante pour les personnes placées sous leur protection, afin de s'assurer qu’elles soient en mesure de pouvoir valablement s'exprimer, de se faire comprendre et de comprendre la procédure pénale. |
Collège Défenseur des droits : | Déontologie de la sécurité |
Nombre de mesures : | 6 |
Suivi de la décision : | Par courrier du 26 février 2018, le ministère de l'Intérieur indique que les présentes recommandations du Défenseur des droits sont soit déjà satisfaites, soit ne sont pas souhaitables. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
Suivi des réformes : | Recommandation non suivie. |
Documents numériques (1)
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