
Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère disproportionné de la force utilisée pour immobiliser un détenu, décédé à la suite de la manœuvre de compression dite « clé de bras » : Tekin et Arlsan c. Belgique |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/09/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 37795/13 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Transfert de détenu [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Surveillant pénitentiaire [Mots-clés] Entrave [Géographie] Belgique |
Résumé : |
L’affaire concerne le décès du fils des requérants dans une prison belge en 2009.
Entre 2007 et 2009, leur fils a été interné à trois reprises dans l’aile psychiatrique de la prison. Il a été placé en cellule de réflexion, après qu’il aurait provoqué l’un des agents pénitentiaires, chargés de lui notifier les mesures de sécurité particulières le concernant. Pour le faire sortir de sa cellule, l’un des agents a procédé à une manœuvre de compression dite « clé de bras » alors que les deux autres agents l’ont aidé à maintenir l’individu pendant qu’une dizaine d’agents arrivaient en renfort. Une fois arrivés dans la cellule de réflexion, les agents ont constaté que le visage de l’intéressé était cyanosé. Le personnel médical est intervenu mais sans succès. Les trois agents ont été acquittés par le tribunal correctionnel du chef de coups et blessures volontaires ayant causé la mort sans intention de la donner. Actuellement, la procédure est pendante devant la cour d’appel. Invoquant en particulier l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’homme, les parents de la victime se plaignaient du décès de leur fils, estimant que la force utilisée n’avait été ni absolument nécessaire, ni proportionnée. La CEDH conclut à l'unanimité à la violation de l’article 2. Outre la pertinence d’une quelconque intervention des agents pour maîtriser le fils des requérants et le placer dans une cellule de réflexion, la Cour s’interroge sur le choix de la manœuvre utilisée pour ce faire. Sans même que le risque létal d’une clé d’étranglement ait été enseigné au cours de la formation suivie l’agent pénitentiaire, il ne fait aucun doute qu’une telle mesure pouvait mener à l’asphyxie de la personne et était, partant, potentiellement meurtrière. De surcroît, la Cour note que, nonobstant le fait que, immobilisé au sol, entravé aux mains et aux pieds, le fils des requérants ne présentait plus de danger pour autrui, les agents pénitentiaires, pourtant nombreux sur les lieux, n’aient pratiqué aucun examen, même superficiel, afin de s’assurer de son état de santé. Dans ces circonstances, la Cour n’est pas convaincue que la force utilisée pour immobiliser l’individu afin de le placer en cellule de réflexion était « absolument nécessaire » pour se défendre d’une potentielle agression de la part de ce dernier. La Cour est d’avis que l’absence de règles claires peut également expliquer pourquoi l’agent a pris des initiatives qui ont mis la vie de l’intéressé en danger, ce qui n’eût peut-être pas été le cas s’il avait bénéficié d’une formation adéquate sur la façon de réagir dans une situation comme celle qui s’est présentée à lui. Enfin, s’agissant de l’intervention des équipes médicales, la Cour constate qu’il ne ressort pas du dossier que le décès aurait encore pu être évité si des soins lui avaient été prodigués plus rapidement. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que, dans les circonstances de la présente affaire, le recours à la force n’était pas « absolument nécessaire ». Il ne découle pas de ce constat de la responsabilité de l’État défendeur sous l’angle de la Convention que la Cour entend exprimer une opinion sur l’acquittement des trois agents pénitentiaires, prononcé par la juridiction interne sur base de motifs concernant la responsabilité pénale individuelle de ces personnes. La CEDH considère qu’aucune question distincte ne se pose concernant la violation alléguée de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-176768 |