Document public
Titre : | Arrêt relatif à la condamnation pénale des organisateurs d'une manifestation en raison des propos et slogans scandés lors de la manifestation : Yildiz et autres c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 18/07/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 8157/10 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Liberté d'association et de réunion [Mots-clés] Manifestation [Mots-clés] Sanction [Mots-clés] Responsabilité pénale [Mots-clés] Propos déplacés |
Résumé : |
L’affaire concerne la condamnation pénale des requérants, en leur qualité d’organisateurs d’une manifestation, à laquelle ont participé près de 3 000 personnes, en raison des slogans scandés par les manifestants et des discours prononcés au cours de cet évènement.
La Cour conclut à la violation de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour la Cour, la responsabilité pénale des organisateurs de manifestations ne saurait être engagée dès lors que ces derniers ne participent pas directement aux actes incriminés, qu’ils ne les encouragent pas ou qu’ils ne font pas preuve de complaisance en faveur des comportements illégaux. Il relève de la responsabilité des organisateurs d’apprécier si les agissements des manifestants constituent des dérapages condamnables. Toutefois, les organisateurs ne sauraient être tenus pour responsables des agissements d’autrui s’ils n’y ont pris part ni explicitement par une participation active et directe, ni implicitement, en s’abstenant, par exemple, d’intervenir par des avertissements ou des injonctions d’arrêter de scander des slogans illégaux. Les organisateurs d’une manifestation illégale peuvent donc s’exonérer de leur responsabilité pénale par leurs comportements pacificateurs. De plus, la Cour observe en l’espèce que les requérants ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis, et placés sous surveillance pendant cinq ans. La Cour rappelle, à cet égard, que la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit d’apprécier la proportionnalité d’une ingérence. La Cour estime que les peines infligées, à savoir la condamnation à une peine d’emprisonnement même commuée en une mesure alternative, sont excessives et de nature à avoir un « effet dissuasif », décourageant toute personne à exercer son droit de manifester garanti par l’article 11 de la Convention. En particulier, en l’espèce, eu égard à la décision de surseoir « au prononcé du jugement » pendant cinq ans - période pendant laquelle les requérants seraient soumis à une surveillance et s’abstiendraient de commettre d’autres infractions de même type-, la Cour considère que cette mesure floue a placé les requérants sous la menace de l’application de dispositions pénales pendant une longue période de temps. Il n’en reste pas moins que les requérants avaient dû subir directement les effets de ces dispositions dans l’utilisation de leur liberté de manifestation. Du moins, l’effet d’une autocensure sur l’exercice des droits constitutionnels n’ait nullement hypothétique, et cette disposition reste comme une mesure dissuasive sur leurs activités. Partant, la Cour conclut que l’ingérence dans la liberté de manifestation des requérants ne peut passer pour « nécessaire dans une société démocratique », au sens de l’article 11 de la Convention. En effet, elle estime qu’un juste équilibre n’a pas été ménagé entre, d’une part, l’intérêt général commandant la défense de la sécurité publique et, d’autre part, la liberté des requérants de manifester. La condamnation pénale des requérants et la situation qui en découle ne peut donc raisonnablement être considérée comme ayant répondu à un « besoin social impérieux ». |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Droits - Libertés |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-175467 |