
Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'absence d'enquête effective sur les abus sexuels qu'aurait subi un enfant de trois ans et à la fixation de son lieu de résidence : M.S. c. Ukraine |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 11/07/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2091/13 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Ukraine [Mots-clés] Violence sexuelle [Mots-clés] Maltraitance [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Garde de l'enfant [Mots-clés] Discernement [Mots-clés] Audition [Mots-clés] Absence d'enquête [Mots-clés] Justice familiale [Mots-clés] Liens familiaux [Mots-clés] Grands-parents |
Résumé : |
L’affaire concerne l’absence d’enquête sur des abus sexuels dont aurait été victime la fille du requérant, alors qu’elle était âgée de 3 ans, de la part de l’oncle de sa mère et la détermination de son lieu de résidence qui était fixé par le juge au domicile de celle-ci.
En septembre 2011, à la suite de la séparation d’avec le requérant, la mère est partie avec l’enfant s’installer auprès de son oncle. Trois mois plus tard, le requérant a retrouvé sa fille dans une structure d’accueil pour enfant et l’a emmené passer un examen médical lequel a révélé diverses lésions. L’enfant aurait déclaré que ces lésions lui ont été infligées par sa mère mais la police a refusé d’ouvrir une enquête pénale que ça soit pour enlèvement ou maltraitance. Par la suite, la mère du requérant a demandé à plusieurs reprises aux autorités d’engager une procédure pénale contre sa belle-fille car elle craignait que l’enfant a été victime d’abus sexuels. Lors d’un entretien, la fillette a indiqué avoir été plusieurs fois témoin d’actes sexuels entre sa mère et l’oncle de celle-ci et a décrit également des actes sexuels qu’on lui aurait fait faire. A trois reprises, en 2012, la police a refusé d’ouvrir une enquête pénale, mais ces refus ont été annulés par la suite par le parquet. Entre temps, en juin 2012, le juge ayant prononcé le divorce a fixé la résidence de l’enfant auprès de sa mère. Cette décision a été confirmée en appel devant la cour d’appel régionale et la juridiction supérieure spécialisée en matière civile et pénale. Une enquête complète pour abus sexuels n’a été ouverte qu’en mai 2013. En 2014, l’enquêteur a considéré qu’il n’y avait pas assez d’éléments pour inculper l’oncle de la mère pour abus sexuel. Il a considéré que les déclarations de l’enfant ne pouvaient pas prouver de manière convaincante les événements présumés puisque ces déclarations ont été fait environ six mois après les faits. En outre, il a retenu que l’enfant n'avait eu que trois ans au moment des événements en question ce qui mettait en doute la véracité de ses déclarations. En janvier 2016, après de nombreux retards, l’enquête était toujours en cours. Invoquant en substance l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale), le requérant se plaignait du caractère selon lui ineffectif de l’enquête relative aux abus sexuels qu’aurait subis sa fille. Par ailleurs, il se plaignait que les juridictions nationales n’ont pas dûment examiné l’ensemble des circonstances pertinentes lorsqu’elles avaient décidé du lieu de résidence de sa fille lors de la procédure civile. La CEDH conclut à l’unanimité à double violation de l’article 8 de la Convention, en raison de l’absence d’enquête effective ainsi que concernant la détermination du lieu de résidence de l’enfant. D’une part, compte tenu des lacunes importantes, de la manière dont les autorités ont enquêté dans cette affaire et de la durée totale de la procédure, la Cour estime que les autorités n’ont pas respecté leur obligation positive de mener une enquête judiciaire efficace et d’assurer une protection adéquate de la vie privée de l’enfant du requérant. La Cour souligne que l’enfant avait fait des déclarations aux autorités dès avril 2012, soit environ six mois après les faits présumés, et que les experts ont conclu que ces déclarations pouvaient être véridiques tout en reconnaissant que compte tenu du jeune âge de la fillette elle ne comprenait pas le sens des actions en cause. La Cour estime qu’il n’y a aucune justification pour un tel retard dans l’obtention de cette preuve. Or, selon l’article 35§1 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels précise que dans ce type d’affaires, les entretiens avec l’enfant doivent avoir lieu sans retard injustifié. La Cour n’est pas convaincue que l’enquêteur ait fourni des raisons suffisantes pour rejeter les déclarations de l’enfant. Par ailleurs, l’enquêteur a considéré que les déclarations de l’enfant manquaient d’informations quant à l’intention criminelle de l’auteur et à l’existence d’une intention sexuelle dans les actes allégués. La Cour considère qu’il appartenait plutôt aux autorités d’interroger l’enfant de telle sorte que ces questions soient dûment relevées et clarifiées. D’autre part, la Cour souligne que les juridictions nationales qui se sont prononcés sur la résidence de la fille du requérant n’ont examiné que d’une manière très limitée la question de savoir si l’enfant n’encourait pas de risque de violence physique en cas de résidence auprès de sa mère alors que cette question méritait plus grande attention des juges. De plus, les juges n’ont pas examiné et tenu compte des liens étroits entre l’enfant et ses grands-parents paternels pour savoir si la séparation d’avec eux n’était pas préjudiciable à l’enfant. La CEDH conclut que l’analyse menée par les juridictions nationales avant de décider que l’enfant devait vivre avec sa mère n’était pas suffisamment approfondie. Par conséquent, la Cour estime que malgré une large marge d’appréciation laissée aux autorités nationales dans le domaine de la détermination du lieu de résidence de l’enfant, les raisons invoquées par les juges ukrainiens ne peuvent être considérées comme pertinentes et suffisantes. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng/?i=001-175140 |