Document public
Titre : | Arrêt relatif au refus justifié d'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) opposé à un ressortissant tunisien au motif qu'il ne justifie pas de 10 ans de séjour en France sous couvert d'un visa l'autorisant à travailler |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour d'appel d'Orléans, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/06/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16/02439 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) [Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Nationalité [Géographie] Outre-mer [Géographie] Tunisie |
Résumé : |
Le requérant, ressortissant tunisien, est bénéficiaire d’une pension de vieillesse depuis avril 2008. En mars 2015, la caisse d’assurance retraite (CARSAT) a refusé de lui verser l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) au motif qu’il n’est pas titulaire depuis au moins 10 ans d’un titre de séjour l’autorisant à travailler.
Saisi par l’intéressé, le Défenseur des droits a estimé que cette condition dite de « stage préalable » parait contraire au principe de non-discrimination à raison de la nationalité tel qu’il résulte du droit européen. Le Défenseur a décidé de présenter des observations devant le juge saisi du litige. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a confirmé le refus en estimant que l’intéressé, titulaire d’un titre de séjour en qualité de retraité lequel lui permet d’entrer librement sur le territoire et d’y séjourner d’une manière temporaire n’excédant pas une année de séjour, ne justifie pas d’un titre de séjour d’au moins dix ans, ni d’un titre l’autorisant à travailler. Par ailleurs, soulignant que le motif opposé par la CARSAT et contesté par le requérant est lié à l’exigence d’un titre de séjour et non à une condition de résidence, le tribunal a écarté les observations du Défenseur des droits qui concluait au versement de l’allocation sollicitée au profit de l’intéressé s’il parvient à démontrer qu’il réside de manière stable et régulière en France. La cour d’appel confirme le jugement. Elle considère que l’intéressé a travaillé cinq ans en France de 1970 à 1975 et perçois à ce titre une très faible pension de retraite. Le titre de séjour « retraité » dont il est titulaire mentionne expressément qu’il est domicilié à Tunis et n’est pas autorisé à travailler sur le sol français. Cette carte de séjour particulière ne permet pas à son titulaire de solliciter des aides sociales pour lesquelles la loi française exige une domiciliation en France. La cour souligne que ni le requérant ni le Défenseur des droits ne contestent le fait que l’intéressé ne dispose pas d’un titre de séjour conforme aux dispositions de l’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale (CSS). Ils soutiennent uniquement que la caisse d’assurance retraite aurait dû constater le caractère discriminatoire de cet article et l’écarter. Toutefois, la cour considère que la CARSAT, personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public et gérant des fonds publics pour payer les prestations du régime général de retraite, est soumise aux dispositions du code de sécurité sociale. La CARSAT ne pouvait, contrairement à ce qui est soutenu, elle-même les écarter. Ensuite, le cour d’appel considère que le Conseil constitutionnel avait retenu au sujet du versement du RSA que les exigences de titre de séjour particulier étaient conformes à la Constitution et ne violeraient pas le principe d’égalité, le critère de présence sur le territoire national n’étant manifestement pas inapproprié au but poursuivi lors du versement du RSA, soumis aux même conditions que l’ASPA. La cour considère que la possession d’une carte de séjour répondant aux conditions de l’article L. 816-1 du CSS ne permet pas seulement de vérifier une présence stable de l’étranger sur le territoire français et l’existence de besoins réels résultant de cette résidence, mais également la contribution passée du demandeur à l’économie nationale en raison de son séjour en France pendant un temps déterminé avec une possibilité de travailler pendant ce séjour et son insertion en France correspondant à un désir d’y résider véritablement. La cour considère que l’ASPA, qui est comme le RSA, une allocation non contributive qui a un caractère subsidiaire a pour objet principal de permettre l’insertion et le maintien de conditions de vie décentes au regard du coût de la vie en métropole et dans les départements d’Outre-mer. De plus, le juge d’appel souligne que, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité de l’article L. 816-1 précité, la Cour de cassation a refusé en décembre 2012 de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel. La Cour de cassation a retenu que les dispositions du CSS ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à l’objectif poursuivi par la loi de garantir un minimum de ressources, sans contrepartie de cotisations, aux personnes âgées qui justifient d’une résidence stable et régulière sur le territoire national et que la différence de traitement imposée par la loi répond à des objectifs raisonnables et à un but légitime. En outre, la cour d’appel considère que le traitement différent appliqué aux étrangers non ressortissants européens par l’exigence de la détention d’un titre de séjour démontrant un séjour ininterrompu en France pendant 10 ans avec autorisation de travailler avant le versement de l’ASPA n’apparaît pas discriminatoire puisque correspondant à un traitement approprié et proportionné à une situation particulière. Elle rappelle que la Cour de cassation avait considéré que les conditions posées par les articles L. 815-1 et L. 816-1 du CSS ne méconnaissaient ni les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme ni celles de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Enfin, la cour d’appel écarte l’argument selon lequel les dispositions législatives litigieuses sont incompatibles avec l’accord euro-méditerranéen de 1995, signé entre la communauté européenne et la Tunisie, puisque ce dernier s’applique uniquement aux ressortissant tunisiens qui travaillent de manière active dans un pays de l’UE. La cour conclut que la première condition d’un titre de séjour conforme aux dispositions de l’article L. 816-1 précité n’étant pas remplie en l’espèce, il n’y a pas lieu de rechercher si le requérant démontre ou non résider sur le territoire français de plus de six mois au cours de chaque année civile. |
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