Document public
Titre : | Arrêt relatif à la discrimination en matière d'attribution de bonus annuel discrétionnaire |
Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 15/06/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 15/09354 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Evaluation |
Résumé : |
La requérante est engagée en janvier 2010 en qualité d’opérateur de marché dans une banque par un contrat à durée indéterminée prévoyant un bonus annuel soumis à des conditions liées aux performances de la société, de l’équipe, et de la salariée, ainsi qu’au respect de certaines règles. Elle perçoit un bonus de 15.000 euros pour l’année 2010, de 145.000 euros pour 2011 mais aucun bonus au titre des années suivantes.
En 2012, elle est placée en arrêt maladie pour une durée de deux mois à la suite d’un grave accident de la route. Début 2013, elle a annoncé sa grossesse à son employeur mais en raison de complications, elle est placée en arrêt de travail et doit mettre fin à sa grossesse. En avril 2013, elle saisit le conseil de prud’hommes d’une demande visant la condamnation de l’employeur à lui verser les bonus pour les années 2012 à 2014 ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination liée à son état de santé et son état de grossesse et harcèlement moral. A sa reprise de travail en juin 2013, son licenciement pour motif économique est envisagé. En septembre 2013, elle annonce une nouvelle grossesse à son employeur et est absente pour congé maternité puis parental de janvier à septembre 2014. Affectée à un nouveau poste à son retour, elle dénonce le fait de ne pas avoir retrouvé son emploi précédent, de ne pas avoir eu d’objectifs clairs et réalisables et de ne pas avoir fait l’objet d’évaluations. S'estimant victime de discrimination, elle saisit le Défenseur des droits. L’employeur justifie l’absence des bonus au titre des années 2012, 2013 et 2014 par le fait que la suppression du poste de la salariée était envisagée et fait valoir qu’en septembre 2014, un Plan de sauvegarde d’emploi (PSE) était homologué par la DIRECCTE prévoyant la suppression de son poste en janvier 2015. Enfin, la banque indique que la mission tout à fait conforme aux niveaux d’ancienneté et compétence était proposée à la salariée dans l’attente de la clarification de la structure de l’équipe en vue de la mise en œuvre du PSE. En mai 2015, le conseil de prud’hommes condamne l’employeur, qui ne justifie pas l’absence de bonus, à verser à la salariée la somme de 80.000 € à titre de rappel de bonus, un montant égal à la moyenne des bonus perçus pour 2010 et 2011. Par ailleurs, le conseil de prud'hommes juge que le fait d’avoir intégralement supprimé le bonus pour ces années aux collaborateurs dont la suppression de poste était envisagée, comme c’était le cas de la requérante, ne constitue pas un fondement objectif au regard des critères énoncés dans le contrat de travail et qu’il convient à ce seul titre d’accorder à la salariée la somme de 1.000 € de dommages et intérêts pour discrimination, étant observé que les prétendues autres discriminations au regard salaire fixe et des fonctions exercées, ne sont pas démontrées. Enfin, il ne reconnaît pas l’existence de harcèlement moral. Le 5 juin 2015, date à laquelle a été adressée à l’employeur la liste des candidats aux élections professionnelles prévues le 25 juin 2015 sur laquelle figurait la salariée, cette dernière est convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 26 juin 2015, soit le lendemain de son élection comme déléguée du personnel titulaire. Sur requête de la salariée et par ordonnance du 6 juillet 2015, le Conseil de prud'hommes ordonne à la banque de solliciter l'avis du comité d'entreprise et l'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail, lequel l'a refusé par décision du 4 septembre 2015. Par arrêt de la cour d'appel en date du 2 juin 2016, l'ordonnance du Conseil de prud'hommes est infirmée, la cour disant n'y avoir lieu à référé. La requérante est licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée avec avis de réception du 9 juin 2016. Le Défenseur des droits décide de présenter des observations devant la cour d’appel saisi par la requérante. La cour d’appel considère que l’absence du bonus discrétionnaire pour les années 2012 à 2014, n’était pas liée aux critères visés par le contrat de travail, et n’est donc pas justifiée. Il s’agit d’une différence de traitement au détriment de la salariée par rapport aux autres directeurs pour des motifs sans rapport avec le critère de performance visé au contrat de travail. Elle confirme le jugement de première instance concernant le rappel de bonus mais infirme le jugement quant au montant alloué (80.000 € pour les années 2012 à 2014) qui est porté à 240.000 € (3x 80.000 €). La salariée obtient également le rappel de bonus de 80.000 € au titre de l’année 2015, l’employeur ne justifiant pas avoir procédé aux entretiens de fixation des objectifs après le congé de maternité en temps utile pour que son action de 2015 soit évaluable au regard de cette rémunération variable. Ensuite, la cour estime que la salariée n’établit pas la matérialité d’éléments de faits précis, concordants et répétés laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral et confirme donc le jugement sur ce point. En revanche, la cour d’appel considère que la salariée établit les faits concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination. De son côté, l’employeur ne démontre pas que les décisions qu’il a pris à l’égard de la salariée en matière de rémunération et d’évaluation professionnelle étaient exemptes de toute discrimination. L’employeur doit verser à la salariée la somme de 50.000 € à ce titre. Enfin, la cour rejette la demande de nullité du licenciement, en retenant qu’il n’était pas établi que l’employeur avait connaissance de la candidature de la salariée aux élections syndicales au moment de son licenciement. Toutefois, elle estime que l’employeur ne justifie pas l’insuffisance professionnelle de la salariée et condamne la banque à payer à la salariée la somme de 144.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
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