Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère discriminatoire de la limitation des trimestres réputées cotisées pour les objecteurs de conscience dans le cadre du départ anticipé à la retraite |
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Auteurs : | Cour d'appel de Lyon, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 16/05/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16/02192 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Carrière longue [Mots-clés] Opinions politiques [Mots-clés] Ouverture de droits [Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Retraite anticipée [Mots-clés] Validation de période |
Résumé : |
La caisse d’assurance retraite avait refusé à un objecteur de conscience de valider trois trimestres « réputés cotisés » égal à la totalité de la période du service civil dans le cadre de la demande de départ anticipé à la retraite pour carrière longue. En effet, contrairement aux personnes ayant effectué un service national militaire d’une durée de 12 mois, période intégralement prise en compte comme étant réputée cotisée, les objecteurs de conscience qui effectuent le service national civil de 24 mois, ne voient cette période prise en compte à ce titre que pour moitié.
Le Défenseur des droits a estimé notamment que cette différence de traitement relevait d’une discrimination fondée sur les convictions contraire à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme combiné avec l’article 1er de son Premier protocole additionnel. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a suivi les observations du Défenseur des droits. Le tribunal a écarté l’application des dispositions de l'article D. 351-1-2 du code de la sécurité sociale et a fait droit à la demande de validation de trois trimestres supplémentaires comme trimestres réputés cotisés à prendre en compte dans le cadre de la demande de départ anticipé en retraite pour longue carrière. La cour d’appel confirme le jugement de première instance. Elle considère que dès lors que le droit à l’objection de conscience est reconnu par la loi, il ne peut faire l'objet d'une sanction sous la forme d'une discrimination indirecte, par rapport à l'assuré ayant effectué un service militaire d'un an, se manifestant par des conditions plus strictes d'exercice de ses droits sociaux. La durée de deux ans du service civil de l'objecteur de conscience a pour fondement la nécessité de s'assurer de la sincérité de ses convictions et non la sanction de leur refus de se soumettre à un service dans une formation militaire armée. Ainsi, le fait que les appelés effectuent un service militaire au titre de l'intérêt général de la nation tandis que les objecteurs de conscience font le choix individuel de suivre un service civil ne peut fonder une différence de traitement par l'attribution de droits réduits à ces derniers souhaitant bénéficier du dispositif de départ en retraite anticipé pour carrière longue. De même, la situation de l'objecteur de conscience ne peut être comparée à l'assuré ayant prolongé d'une année son service militaire et supportant aussi une limitation de la période d'assimilation à quatre trimestres, dès lors qu'il choisit de prolonger son engagement tandis que l'objecteur de conscience opte, par conviction, pour un service civil dont la durée de deux années lui est imposé ab initio par la loi. La cour ajoute que la réglementation contestée, constituée par l'article D 351-2-1 du code de la sécurité sociale, régit l'étendue de l'avantage pour l'accès à la retraite anticipée des assurés ayant réalisé une carrière longue et notamment l'assimilation de la période du service national à une période cotisée dans la limite de quatre trimestres. Son objectif est donc de régir les conditions de départ à la retraite à un âge inférieur à l'âge légal et non de régir les droits sociaux des assurés ayant assuré un service national militaire ou civil. Il n'existe donc aucun rapport entre la différence de traitement résultant de la valorisation du service militaire et du service civil de l'objecteur de conscience et l'objectif de la réglementation relative aux conditions d'accès des assurés à une retraite anticipée pour cause de carrière longue. Enfin, elle considère qu’il résulte du statut de l'objecteur de conscience qu'il doit effectuer un service civil d'une durée deux fois supérieure au service militaire et que par voie de conséquence, il est privé de rémunération, et des droits à pension correspondants, pendant une année de plus que l'assuré ayant effectué un service militaire. L'existence d'une forme de pénalité supplémentaire au titre d'un départ en retraite anticipé, résultant d'une prise en compte limitée à quatre trimestres du service civil de deux années, constitue aussi une différence de traitement ayant un caractère manifestement disproportionné. Il s'en déduit que les dispositions de l'article D.351-1-2 du code de la sécurité sociale, ayant pour effet indirect une limitation à quatre trimestres de la durée d'assurance réputée cotisée, sont incompatibles avec les dispositions des articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 1er du Protocole additionnel à cette Convention. |
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