Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative à la prolongation d'une assignation à résidence au-delà de 12 mois dans le cadre de l'état d'urgence du président d’une association dissoute en raison des liens avec des réseaux terroristes |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Conseil d'État, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/04/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 409725 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] État d'urgence [Mots-clés] Assignation à résidence |
Résumé : |
L’affaire concerne l’assignation à résidence au-delà d’un an dans le cadre de l’état d’urgence du président d’une association dissoute en raison des liens avec des réseaux terroristes.
L’intéressé fait par ailleurs l’objet d’une interdiction de sortie du territoire et ses ressources économiques ont fait l’objet d’une mesure de gel. Pour prolonger l’assignation à résidence de l’intéressé au-delà d’un an, le ministre de l’intérieur a saisi le juge des référés du Conseil d’Etat d’une demande fondée sur les dispositions introduites dans la loi du 3 avril 1955 par la loi du 19 décembre 2016. Après la décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2017, il s’est désisté de cette demande et le juge des référés du Conseil d’Etat lui a donné acte de ce désistement par une ordonnance du 17 mars 2017. Le 20 mars, le ministre a pris un nouveau arrêté d’assignation à résidence. Le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la requête en référé liberté contre cet arrêté. L’intéressé a fait appel de cette ordonnance. Le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle qu’il revient au juge administratif de s’assurer qu’une décision par laquelle le ministre de l’intérieur prolonge, au-delà de douze mois, une assignation à résidence respecte les réserves formulées par le Conseil constitutionnel dans la décision du 16 mars 2017. Il lui appartient en conséquence de vérifier que le comportement de la personne concernée constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre et la sécurité publics. Il lui incombe aussi de s’assurer que l’administration fait état d’éléments nouveaux ou complémentaires, qui résultent de faits qui sont survenus ou qui ont été révélés postérieurement à la décision initiale d’assignation à résidence ou aux précédents renouvellements, au cours des douze mois précédents. De tels faits peuvent résulter d’agissements de la personne concernée, de procédures judiciaires et même, si elles sont fondées sur des éléments nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui ont justifié la première mesure d’assignation, de décisions administratives. Le juge administratif contrôle enfin que l’administration a pris en compte la durée totale de l’assignation et l’ensemble des contraintes qui s’y attachent. Il considère que plusieurs notes blanches des services de renseignement, soumises au contradictoire, attestent de l’ancienneté et de la persistance des liens entre le requérant et de nombreux militants de la mouvance islamiste radicale. Il note que sous la présidence du requérant, l’association a permis, comme le relève l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat du 23 décembre 2016, le développement d’un important réseau relationnel en lien avec l’islam radical, a favorisé la radicalisation de détenus et a développé des liens avec des réseaux terroristes. Le requérant a en outre fait état à plusieurs reprises de sa volonté de quitter la France pour rejoindre un pays compatible avec sa pratique religieuse. Le juge estime qu’au regard de l’ensemble des éléments versés au dossier et soumis au débat contradictoire ainsi que des échanges tant au cours de l’instruction écrite que de l’audience, il apparaît que le comportement de l’intéressé qui n’a manifesté aucune volonté de rompre ses liens avec l’islamisme radical, constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre et la sécurité publics. Par ailleurs, depuis sa première assignation à résidence, l’intéressé a fait l’objet de plusieurs mesures administratives (gel de fonds, interdiction de sortie du territoire). L’association qu’il présidait a été dissoute et ses avoirs ont également fait l’objet d’une mesure de gel. Le juge considère que ces décisions, même si elles ont été prises par l’administration, sont fondées sur des éléments en partie nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui avaient justifié son assignation à résidence. Enfin, il résulte d’une note blanche et il n’est au demeurant pas contesté par l’intéressé qu’en dépit de la dissolution de l’association, celui-ci a continué de fréquenter d’anciens membres ou salariés de l’association et en particulier d’apporter assistance à une ancienne responsable de l’association, également assignée à résidence et qui a fait l’objet, ainsi que son mari, à la suite de leur interpellation en décembre 2016, d’une condamnation pénale pour délit d’apologie du terrorisme. Le juge indique que l’assistance a notamment consisté dans le prêt, pendant plusieurs semaines, de la voiture du requérant à l’ancienne responsable de l’association pour permettre à celle-ci de rendre visite à son mari incarcéré. Des éléments nouveaux ou complémentaires survenus ou révélés au cours des douze derniers mois de nature à justifier la prolongation de l’assignation à résidence du requérant sont ainsi réunis. Le juge considère que les obligations résultant de l’assignation à résidence n’imposent pas de contraintes excessives par rapport à l’intérêt qu’elles représentent. Des sauf-conduits ont été accordés à plusieurs reprises au requérant, en particulier pour accompagner sa compagne lors de rendez-vous médicaux pour le suivi de sa grossesse. Dans ces conditions et en dépit de la durée de l’assignation à résidence, il apparaît que l’administration prend en compte l’ensemble des contraintes qui s’attachent à celle-ci sans imposer à l’intéressé des obligations excessives. En conséquence, l’arrêté prolongeant l’assignation à résidence de l’intéressé ne fait pas apparaître d’illégalité manifeste. |
En ligne : | http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/CE-ordonnance-du-25-avril-2017-M.-D |