
Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative à la prolongation d'une assignation à résidence au-delà de 12 mois dans le cadre de l'état d'urgence d'un étranger ayant des liens avec militants de l'islamisme radical |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Conseil d'Etat, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/04/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 409677 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Radicalisation [Mots-clés] Assignation à résidence [Mots-clés] État d'urgence |
Résumé : |
L’affaire concerne l’assignation à résidence au-delà d’un an dans le cadre de l’état d’urgence d’un ressortissant belgo-tunisien, placé sous contrôle judiciaire et entretenant des liens avec de nombreux militants de l’islamisme radical.
En 2009, il a été interpellé en France et mis en examen du chef d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme et placé en détention provisoire du 20 juillet 2010 au 21 décembre 2011. Cette procédure s’est close par une ordonnance de non-lieu du 14 septembre 2012. En novembre 2015, il a été assigné à résidence dans le cadre de l’état d’urgence. Cette mesure a été renouvelée en février 2016. Puis après avoir purgé une peine de 3 mois d’emprisonnement pour avoir méconnu à deux reprises les obligations qui résultent de son assignation, il a fait l’objet à nouveau d’une assignation à résidence en mai 2016, renouvelée depuis à plusieurs reprises. Pour prolonger l’assignation à résidence de l’intéressé au-delà d’un an, le ministre de l’intérieur a saisi le juge des référés du Conseil d’Etat d’une demande fondée sur les dispositions introduites dans la loi du 3 avril 1955 par la loi du 19 décembre 2016. Après la décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2017, il s’est désisté de cette demande et le juge des référés du Conseil d’Etat lui a donné acte de ce désistement par une ordonnance du 17 mars 2017. Le 20 mars, le ministre a pris un nouveau arrêté d’assignation à résidence. Le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la requête en référé liberté contre cet arrêté. L’intéressé a fait appel de cette ordonnance. Le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle qu’il revient au juge administratif de s’assurer qu’une décision par laquelle le ministre de l’intérieur prolonge, au-delà de douze mois, une assignation à résidence respecte les réserves formulées par le Conseil constitutionnel dans la décision du 16 mars 2017. Il lui appartient en conséquence de vérifier que le comportement de la personne concernée constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre et la sécurité publics. Il lui incombe aussi de s’assurer que l’administration fait état d’éléments nouveaux ou complémentaires, qui résultent de faits qui sont survenus ou qui ont été révélés postérieurement à la décision initiale d’assignation à résidence ou aux précédents renouvellements, au cours des douze mois précédents. De tels faits peuvent résulter d’agissements de la personne concernée, de procédures judiciaires et même, si elles sont fondées sur des éléments nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui ont justifié la première mesure d’assignation, de décisions administratives. Le juge administratif contrôle enfin que l’administration a pris en compte la durée totale de l’assignation et l’ensemble des contraintes qui s’y attachent. Il considère que plusieurs notes blanches des services de renseignement, apportent des éléments précis et circonstanciés attestant des liens de l’intéressé avec de nombreux militants de l’islamisme radical ainsi que des personnes aujourd’hui incarcérées pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Le juge estime qu’au regard de l’ensemble des éléments versés au dossier et soumis au débat contradictoire ainsi que des échanges tant au cours de l’instruction écrite que de l’audience, il apparaît que le comportement de l’intéressé qui n’a manifesté aucune volonté de rompre ses liens avec l’islamisme radical, constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre et la sécurité publics. Par ailleurs, depuis sa première assignation à résidence, il a été condamné pour avoir méconnu à deux reprises les obligations qui résultaient des mesures d’assignation et il continue de fréquenter des personnes liées à l’islamisme radical. En outre, l’intéressé a fait l’objet d’un arrêté ministériel prononçant le gel, pour une durée de 6 mois, de ses fonds instruments financiers et ressources économiques, en vue de prévenir l’incitation, la facilitation et la participation de l’intéressé à la commission d’actes de terrorisme. Cette dernière mesure, même si elle a été prise par l’administration, est fondée sur des éléments en partie nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui avaient justifié son assignation à résidence. Sont ainsi réunis des éléments nouveaux ou complémentaires survenus ou révélés au cours des douze derniers mois de nature à justifier la prolongation de l’assignation à résidence de l’intéressé. Enfin, l’assignation à résidence de l’individu est faite à son lieu de résidence habituelle. Les obligations de demeurer à son domicile de 20 heures à 6 heures et de se présenter au commissariat de la ville à 9 heures, 14 heures et 18 heures, qui se confondent avec celles qui résultent de son contrôle judiciaire, n’imposent pas de contraintes excessives au regard de l’intérêt qu’elles présentent. Il en va de même de l’interdiction de rencontrer un homme incarcéré pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.. Des sauf-conduits ont été accordés à plusieurs reprises au requérant pour assister à des audiences ou suivre des formations. Les allégations de l’intéressé sur l’impossibilité où il se trouverait d’exercer une activité professionnelle correspondant à ses aptitudes ne sont pas étayées de précisions suffisantes pour faire apparaître comme disproportionnées les contraintes qui lui sont imposées. Dans ces conditions et en dépit de la durée de l’assignation à résidence dont il est l’objet, il apparaît que l’administration prend en compte l’ensemble des contraintes qui s’attachent à celle-ci, sans imposer à l’intéressé d’obligations excessives. En conséquence, l’arrêté prolongeant l’assignation à résidence de l’intéressé ne fait pas apparaître d’illégalité manifeste. |
En ligne : | http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/CE-25-avril-2017-M.-A-B |