Document public
Titre : | Décision 2017-086 du 21 mars 2017 relative aux circonstances dans lesquelles plusieurs fonctionnaires de police se sont grimés en personnes de couleur noire lors d’une soirée |
Auteurs : | Défenseur des Droits, Auteur ; Déontologie de la sécurité, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 21/03/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2017-086 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Fonctionnaire [Mots-clés] Technologies du numérique [Mots-clés] Lanceur d'alerte [Mots-clés] Race, Ethnie [Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par les associations du collectif Stop le contrôle au faciès d’une réclamation relative aux circonstances dans lesquelles plusieurs fonctionnaires de police d’un commissariat se sont grimés en personnes de couleur noire au cours d’une soirée pendant laquelle ils se sont pris en photographie. Les mêmes faits lui ont été signalés par le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).
Deux enquêtes ont été ouvertes sur ces faits auprès de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) : une enquête judiciaire, ouverte pour incitation à la haine raciale, et une enquête administrative. L’enquête judiciaire a fait l’objet d’un classement pour infraction non constituée. L’enquête administrative a donné lieu à un rappel d’instructions sur les préconisations du guide des pratiques des réseaux sociaux auprès des gardiens de la paix A. et de Mme X., en raison des manquements relevés à leur encontre. Le Défenseur des droits a pris connaissance des éléments de l’enquête administrative. Il est établi que le 2 juin 2014, en dehors de leur temps de service, cinq fonctionnaires de police (Gardien de la paix A., brigadière-cheffe B. et gardiens de la paix C., D. et E.) ont organisé au domicile de l’un d’eux une soirée déguisée portant sur le thème de l’Afrique. Durant cette soirée, chacun a pris avec son téléphone portable des photographies des festivités, dont quelques-unes ont par la suite été diffusées par la gardienne de la paix A. sur son compte Facebook, permettant ainsi à ses contacts d’en prendre connaissance. Parmi ces contacts, Mme X., qui a exercé par le passé en tant qu’assistante administrative au sein du commissariat où sont affectés les cinq convives, a été choquée par le contenu des photographies. Tout en les dénonçant, Mme X. les a publiées à son tour sur son compte Facebook puis a envoyé un message à une amie, Mme Y., l’informant d’une « soirée négro » organisée par d’anciens collègues et lui demandant de diffuser les photographies sur les réseaux sociaux. Mme X. a ensuite porté les photographies à la connaissance de la hiérarchie des cinq policiers afin de donner l’alerte sur leur comportement. M. Z., animateur radio, qui était aux côtés de Mme Y. au moment de la réception de ces photographies, en a également pris connaissance et, à son tour, en a diffusé quelques-unes sur ses comptes Facebook et Twitter, accompagnées de commentaires dénonçant l’organisation par des policiers d’une « soirée négro ». Ces commentaires et photographies ont été repris par un site d’information en ligne qui a publié un article sur le sujet. Les photographies présentées dans l’article mettent en scène les cinq policiers, grimés en noirs, portant des perruques (de type « afro » ou de tresses) ainsi que des costumes colorés. Sur l’une des photographies, l’un des policiers adopte la posture d’un singe. Bien que devant l’IGPN les cinq participants aient contesté avoir tenu des festivités racistes, le Défenseur des droits relève que l’ensemble des modalités de la soirée du 2 juin 2014, et notamment la grimerie et l’association à l’image du singe, revêtait un caractère raciste. Le Défenseur des droits relève également que des contacts de la gardienne de la paix A., parmi lesquels Mme X., par ailleurs d’origine antillaise, avaient connaissance de la qualité de fonctionnaire de police des cinq participants de cette soirée. Dès lors, le Défenseur des droits constate que la publication par le gardienne de la paix A. avec l’accord implicite de ses collègues de photographies à caractère raciste, caractérise un manquement au devoir d’exemplarité auquel est tenu tout fonctionnaire de police conformément à l’article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure dans et en dehors du temps de service, y compris sur les réseaux électroniques sociaux ; Le Défenseur des droits relève également le nombre incontrôlable de destinataires réels de cette publication et constate qu’elle caractérise également un manque flagrant de discernement de la part des policiers. En conséquence, le Défenseur des droits recommande l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des cinq policiers pour les manquements déontologiques constatés. Il recommande par ailleurs que les termes de l’article R. 434-11 du CSI relatif à l’absence de discrimination envers la population, leur soient également rappelés. Le Défenseur des droits recommande que soit également rappelés aux intéressés les termes de l’article R. 624-4 du code pénal relatif à l’infraction d’injure non publique envers un groupe de personnes en raison de leur origine ainsi que ceux de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 concernant le harcèlement discriminatoire. Au regard du nombre de manquements relevés à son encontre en comparaison au seul manquement constaté contre l’auteure de la publication initiale, et de l’absence de rappel à l’ordre des autres participants, le Défenseur des droits regrette que Mme X. ait manifestement été considérée comme plus fautive que ses collègues. Le Défenseur des droits ne peut cautionner l’idée selon laquelle il serait moins grave d’entretenir des représentations racistes sur une population donnée, que d’alerter la société sur de tels faits. Au titre de sa nouvelle mission d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte, le Défenseur des droits tient à rappeler qu’aucun fonctionnaire ne peut désormais être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect de la procédure prévue par la loi. Dans l’attente de la parution prochaine du décret en Conseil d’État prévu par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, le Défenseur des droits recommande que soit diffusée au sein des commissariats une note rappelant le « droit d’alerte éthique » ouvert à tout fonctionnaire, ainsi que le régime de protection correspondant. |
Nombre de mesures : | 5 |
Documents numériques (1)
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