
Document public
Titre : | Décision 2017-057 du 24 mars 2017 relative aux circonstances dans lesquelles des fonctionnaires de police ont procédé à l’interpellation d’une personne pour ivresse publique et manifeste, et des conditions de son placement en cellule de dégrisement après avoir été appréhendée par plusieurs agents de la régie mixte des transports de X, qui souhaitaient la verbaliser pour défaut de titre de transport. |
est cité par : |
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Auteurs : | Défenseur des Droits, Auteur ; Déontologie de la sécurité, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 24/03/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2017-057 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet [Documents internes] Proposition de réforme [Documents internes] Réforme de nature législative [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Ivresse publique et manifeste [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Défaut d'attention à l'état de santé [Mots-clés] Garde à vue [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Loyauté et rigueur [Mots-clés] Non-respect de la procédure |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi des circonstances dans lesquelles des fonctionnaires de police ont procédé à l’interpellation d’une personne pour ivresse publique et manifeste (IPM), et des conditions de son placement en cellule de dégrisement, le 21 août 2013, après avoir été appréhendée par plusieurs agents de la régie mixte des transports de X qui souhaitaient la verbaliser pour défaut de titre de transport.
Tout d’abord, le Défenseur des droits n’étant pas compétent pour remettre en cause la décision juridictionnelle ayant reconnu la réclamante coupable d’avoir commis l’infraction d’ivresse publique et manifeste, il ne peut se prononcer sur l’opportunité de son interpellation par les policiers sur ce fondement. Par ailleurs, l’enquête du Défenseur des droits n’a pas permis d’établir la réalité des faits dénoncés par la réclamante quant à l’usage disproportionné de la force dont aurait fait preuve les fonctionnaires de police au cours de son interpellation. En revanche, le Défenseur des droits constate que la réclamante n’a pas fait l’objet d’un examen médical préalablement à sa rétention dans le cadre de l’IPM, pas plus qu’au cours de l’intégralité de sa privation de liberté (3 heures et 45 minutes, dont 1h30 en cellule de dégrisement). Il considère qu’il aurait été opportun que la réclamante soit conduite en milieu hospitalier dès le début de sa privation de liberté –avant même sa conduite au commissariat de police– en vue de sa présentation préalable à un médecin et de la délivrance, le cas échéant, d’un certificat de non-admission. Il constate toutefois qu’aucun texte de loi ne prévoit à ce jour l’obligation de présentation à un médecin dans le cadre de l’IPM. Dès lors, il ne recommande aucune mesure individuelle à l’encontre de l’officier de police judiciaire, qui a au demeurant mis en œuvre toutes les diligences possibles pour que la réclamante fasse l’objet d’un examen médical dans les plus brefs délais après son arrivée au commissariat de police, et qui a été confronté à des difficultés insurmontables. Toutefois, le Défenseur des droits constate un manque de rigueur de la part de la gardienne de la paix Mme Y., qui a porté une mention erronée sur la main courante qu’elle a rédigée, relative à la prise en charge médicale de la réclamante. Il recommande dès lors qu’il lui soit rappelée l’obligation qui pèse sur les fonctionnaires de police en vertu du code de déontologie de la police et de la gendarmerie nationales. Par ailleurs, il recommande que tout placement en cellule de dégrisement soit précédé d’un examen médical obligatoire et effectif, et que cette obligation soit inscrite dans la loi –en ce qu’il s’agit d’une garantie importante pour la personne interpellée ainsi que pour les fonctionnaires qui en ont la garde– et que le certificat de non hospitalisation établi à l’issue de cet examen médical fasse mention des éléments objectifs constatés mais également des examens médicaux de contrôle pratiqués |
Recommandation de réforme : |
Au-delà de la situation de la réclamante, le Défenseur des droits constate qu’il est régulièrement saisi de griefs concernant diverses carences relatives au traitement de l’IPM. Il considère que la prise en charge des personnes placées en dégrisement n’offre à ce jour que très peu de garantie d’objectivité et n’apparaît pas suffisamment encadrée par la loi. Il s’inquiète dans ces circonstances du défaut de suivi du Rapport d’évaluation de la procédure d’ivresse publique et manifeste rendu en février 2008, établi conjointement par l’Inspection générale de l’administration (IGA), l’Inspection des affaires sociales (IGAS), l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) et l’Inspection de la gendarmerie nationale (IGN). Le Défenseur des droits recommande donc à la ministre des Affaires sociales et de la santé, au ministre de l’Intérieur et au Garde des sceaux, ministre de la Justice, d’élaborer un cadre législatif précis permettant aux personnes retenues au titre de l’IPM de bénéficier de véritables garanties procédurales. |
NOR : | DFDM1700057S |
ELI : | https://juridique.defenseurdesdroits.fr/eli/decision/2017/03/24/00057/aa/texte |
Nombre de mesures : | 3 |
Suivi de la décision : |
Par courrier reçu le 4 décembre 2017, le ministre de l'Intérieur répond que : - concernant la recommandation visant à rappeler à la gardienne de la paix Mme Y. l’obligation de rigueur qui pèse sur les fonctionnaires de police en vertu du code de déontologie de la police et de la gendarmerie nationales, le ministre de l’Intérieur a partagé l’analyse du Défenseur des droits et l’a informé que cette fonctionnaire de police avait fait l’objet d’un rappel à la règle de la part de sa hiérarchie, l’invitant à faire preuve de davantage de rigueur. - concernant la recommandation visant à ce que tout placement en cellule de dégrisement soit précédé d’un examen médical obligatoire et effectif, et que cette obligation soit inscrite dans la loi, et que le certificat de non hospitalisation établi à l’issue de cet examen médical fasse mention des éléments objectifs constatés mais également des examens médicaux pratiqués, le ministre de l’Intérieur a précisé que, si aucune disposition législative n’impose qu’un examen médical précède un placement en cellule de dégrisement, l’obligation d’un examen médical découle toutefois des dispositions du troisième alinéa de l’article R. 434-17 du code de la sécurité intérieure (« le policier ou le gendarme ayant la garde d’une personne appréhendée est attentif à son état physique et psychologique et prend toutes les mesures possibles pour préserver la vie, la santé et la dignité de cette personne »). Le ministre a indiqué que cette obligation, de bon sens, est en outre prévue dans diverses instructions du ministère de l’Intérieur et du ministère de la santé. Ainsi, une note de la direction centrale de la sécurité publique en date du 14 décembre 2006 relative au traitement des procédures d’IPM précise que « l’ivresse constatée, la personne doit être examinée par un médecin », puis que « la personne ivre est alors placée en cellule de sûreté jusqu’à son complet dégrisement ». Il a toutefois souligné que les examens médicaux sont réalisés, dans les faits, en fonction des disponibilités du corps médical. Enfin, le ministre de l’Intérieur a ajouté que, ni le juge constitutionnel (Cons. Const. n°2012-253 QPC, 8 juin 2012) ni le juge européen (CEDH, Wiltold c/Pologne, n°2662/95, 4 avril 2000) ne font de l’examen médical préalable une garantie légale des exigences constitutionnelles et conventionnelles. |
Suivi des réformes : |
Concernant la recommandation à la ministre des Affaires sociales et de la santé, au ministre de l’Intérieur et au Garde des sceaux, ministre de la Justice, d’élaborer un cadre législatif précis permettant aux personnes retenues au titre de l’IPM de bénéficier de véritables garanties procédurales, le ministre de l’Intérieur a indiqué que les policiers exercent leurs missions dans le cadre du droit positif, qui comporte des dispositions sur le sujet (code de la santé publique), complétées par des instructions ministérielles. Il a par ailleurs noté que, dans sa décision du 8 juin 2012 précitée, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions de l’article L. 3341-1 du code de la santé publique conformes à la Constitution et qu’il a rappelé à cette occasion que « la faute commise par les agents de la police ou de la gendarmerie nationales dans l’exercice de leurs attributions engage la responsabilité de la puissance publique devant la juridiction compétence », ce qui constitue une garantie supplémentaire. Les autres ministres - justice et Affaires sociale et de la santé- n’ont jamais répondu. |
Documents numériques (1)
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