Document public
Titre : | Arrêt relatif au licenciement d'un directeur des ressources humaines pour avoir tenu des propos dénigrants à l'égard d'une salariée et qui ont été portés à la connaissance de l’employeur par le Défenseur des droits |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 29/03/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16/07032 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Défenseur des droits [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé |
Résumé : |
Le requérant, directeur des ressources humaines (DRH) au sein d’une société, a été licencié pour faute grave en décembre 2013. Il avait été mis en cause par une salariée qui s’estimait victime des faits de harcèlement moral lié à son état de santé.
En avril 2013, la salariée avait saisi le Défenseur des droits qui a diligenté une enquête et a sollicité de la société la communication des pièces et ses explications sur les faits de discrimination allégués. Dans la lettre de licenciement du DRH, la société soutient, qu’à l’occasion de la saisine du Défenseur des droits, elle a découvert les propos dénigrants et méprisants tenus en avril 2012, dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle, par le DRH à l’égard de la salariée. L’intéressé justifiait ces propos par le contexte de relations cordiales, de camaraderie et de complicité avec la salariée. Il expliquait qu’il s’était autorisé, dans le cadre des échanges avec la salariée, à faire preuve d’humeur de second degré et d'une grande liberté de ton, notamment par le biais de la messagerie instantanée de la société. Au cours de l’entretien préalable au licenciement, le DRH a fait valoir que ses propos avaient été sortis de leur contexte et instrumentalisés à dessein dans le cadre de la procédure engagée par la salariée. Or, l’employeur a estimé qu’en menant en ce termes les pourparlers de rupture conventionnelle avec la salariée, le DRH a manqué à son obligation de retenue et de prudence dans l’exécution de ses missions et que les méthodes qu’il avaient employées n’était pas acceptables de la part d’un directeur des ressources humaines. La société a souligné que les mots que l’intéressé ait choisis donnaient lieu à des interprétations lourdes de conséquences dans le cadre des procédures engagées par la salariée à son encontre. L’employeur a donc conclu que l’intéressé a gravement manqué à ses obligations contractuelles les plus élémentaires de telle sort que son maintien dans l’entreprise s’avérait impossible et a licencié le DRH pour faute grave. Le conseil de prud’hommes saisi par le DRH a confirmé le licenciement pour faute grave. L’intéressé soutenait notamment le délai anormalement long de mise en œuvre de la procédure de licenciement et de mise à pied à titre conservatoire. Il faisait valoir qu’il a été chargé de préparer la réponse à la lettre du Défenseur des droits et que l’employeur l’a laissé continuer à assumer ses missions habituelles et que l’existence de faute grave ne pouvait être retenue. La Cour d’appel ne reconnaît pas la faute grave mais juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. Elle rappelle que la faute grave se définit comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et que la mise en œuvre de la rupture du contrat doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire. Or, en l’espèce, c’est par un premier courrier du 22 avril 2013, que la société a été invitée par le Défenseur des droits à s’expliquer sur les faits de harcèlement moral dénoncés par la salariée. La cour considère que même si la société explique n’avoir eu connaissance de ce courrier, reçu directement par le DRH mis en cause, que le 15 mai 2013, la réponse faite à cette date : « Pas de temps à perdre avec le défenseur des droits. Au pire, ça coûte 3.000 euro et c'est à la base surtout pour la défense vis-à-vis des administrations publiques », traduit à tout le moins une certaine désinvolture à l'égard de faits graves susceptibles d'engager sa responsabilité tant sur un plan pénal que sur un plan civil. De plus, la société ne prouve pas que le second courrier du Défenseur des droits, daté du 2 octobre 2013 et destiné au PDG de la société n’ait été porté à sa connaissance que quinze jours plus tard comme elle le soutient. La cour considère que même à supposer exacte cette affirmation, la société, contrairement à ce qu’elle soutient, a disposé à cette date de précisions suffisantes quant à la réalité et la nature des faits imputés au mise en cause. La cour note que ce courrier du Défenseur des droits a été accompagné d’une notre récapitulative de plusieurs pages, dans laquelle figurait très exactement l’intitulé incriminé des quatre messages adressés par le DRH à la salariée en avril 2012. La cour note que dans cette note le Défenseur estimait que le DRH « avait usé de manœuvres particulièrement humiliantes et dégradantes portant atteinte aux droits et à la dignité de la salariée pour la convoquer à l’entretien (en vue d’une rupture conventionnelle) ». La cour retient donc que dès le 2 octobre, voire le 17 octobre 2013, la société était en possession d’informations suffisantes, lui permettant d’apprécier la nature et la gravité des agissements imputables sans conteste au DRH. Elle considère que rien ne permet de justifier que la société, après avoir signé le courrier en réponse au Défenseur des droits le 8 novembre, ait attendu près de trois semaines pour engager la procédure de licenciement. En conséquence, n’ayant pas agi dans un délai restreint, la société n’est pas fondée à se prévaloir de l’existence d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Quant au caractère réel et sérieux des faits invoqués, la cour considère que le DRH ne pouvait plus ignorer les risques encourus à user par écrit de termes inappropriés dans le contexte qui ne s'inscrivait pas dans un processus de relations professionnelles quotidiennes mais dans celui de la rupture du contrat de travail d'un cadre de haut niveau de l'entreprise. La cour ajoute que de tels propos, dans ce contexte, n'étaient pas acceptables et ont d'ailleurs permis, parmi d'autres motifs, à la salariée d'engager une instance prud'homale à l'encontre de son employeur et de saisir le Défenseur des droits qui a retenu que la terminologie employée avait nécessairement créé un environnement humiliant portant atteinte à la dignité de la salariée. La cour estime que ces agissements ne sauraient pas plus s'excuser par « des pratiques habituelles » de l'entreprise. L’intéressé ne peut se prévaloir des propos échangés avec le PDG, où ce dernier use d’un langage familier tout aussi irrespectueux des salariés concernés, pour justifier la même dérive dans des courriels destinés à des salariés de l'entreprise. La cour juge que les termes utilisés par le DRH au regard de ses fonctions dans l'entreprise constituent une violation des obligations lui incombant, tant au regard de l'obligation de prudence, de diligence et de retenue dans ses propos, précisément prévue au contrat que du devoir général de correction pesant sur tout salarié et caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement. |
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