Document public
Titre : | Décision relative au délit d'injure publique visant les Roms : Le Pen c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 23/03/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 45416/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Répression [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Roms [Géographie] France |
Résumé : |
L'affaire concerne la condamnation d'un homme politique pour délit d'injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une ethnie.
En 2012, son discours où il parlait au sujet des Roms principalement d'Europe de l'Est, "qui n’ont jamais su ni voulu s’intégrer aux sociétés européennes qu’ils côtoient, pour certaines, depuis cinq siècles et qui disent : « Nous, nous sommes comme les oiseaux, nous volons naturellement. »", a été mis sur le site internet du mouvement politique dont il est le fondateur et le président d'honneur. Une association a considéré que cette formule joue sur l’homonymie en vertu de laquelle le verbe « voler » s’applique aux oiseaux et aux voleurs, et a fait citer le requérant pour le délit d’injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une ethnie. D’autres associations se sont constituées parties civiles en cours d’instance. En 2013, le tribunal correctionnel a déclaré le requérant coupable de ce délit et l'a condamné à une amende délictuelle de 5.000 euros. Il a été également condamné à verser à l'association plaignante la somme de 3.000 EUR à titre de dommages-intérêts et celle de 3. 000 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale et à chacune des autres associations la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts et de 500 euros en application de l’article 475-1 précité. Enfin, le tribunal a ordonné la publication d’un communiqué relatant sa décision, dans un organe de presse aux choix des parties civiles et dans la limite de 4.000 euros. La Cour d'appel a confirmé la condamnation et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant. Invoquant l’article 10 de la Convention, le requérant se plaint de ce que sa condamnation par les juridictions françaises pour injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une ethnie est contraire à sa liberté d’expression. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention, il considère qu’il n’a pas eu droit à un procès équitable en raison du fait qu’il n’a pas été mis en mesure de démontrer la réalité des faits qu’il avançait, ce qui aurait été possible, selon lui, s’il avait été poursuivi pour diffamation. Il se plaint également d’un manque d’impartialité des juridictions internes, en particulier de la cour d’appel, en raison du fait qu’elle a visionné durant son délibéré l’enregistrement du discours litigieux. Il critique par ailleurs l’arrêt de la Cour de cassation, estimant qu’il n’est pas assez motivé. Il se plaint enfin d’une atteinte à son droit à la présomption d’innocence, considérant que les juridictions internes lui ont prêté de mauvaises intentions. La CEDH rejette les griefs du requérant comme étant manifestement mal fondés. Elle considère en particulier, que l’appréciation des faits en l’espèce par les juridictions nationales n’a été ni arbitraire ni manifestement déraisonnable et n’a pas traduit d’intention hostile de leur part. Le tribunal correctionnel et la Cour d’appel n’ont pas dénié au requérant, comme il l’affirme, le droit à « quelques notes d’humour » sous prétexte qu’il est un homme politique et que le ton de son discours était sérieux. Elles ont au contraire examiné les circonstances de l’affaire dans leur ensemble, notamment sous l’angle du droit à l’humour, et la condamnation a été prononcée sur la base d’un ensemble d’éléments. La CEDH ne relève ainsi aucune atteinte à la présomption d’innocence, le requérant se contentant en réalité de critiquer par ce biais sa condamnation par les juridictions internes. Ensuite, la CEDH considère que les juridictions nationales ont condamné le requérant à l’issue d’une analyse méthodique et approfondie des propos incriminés, en relevant que ceux-ci étaient loin de se limiter à un simple trait d’humour détaché de tout contexte politique et d’intention stigmatisante à l’égard de la communauté rom, mais qu’ils étaient susceptibles de susciter un sentiment de rejet et d’hostilité envers cette communauté. La CEDH en conclut que la condamnation du requérant est fondée sur des motifs pertinents et suffisants. Et qu'en ce qui concerne la peine infligée au requérant, la Cour note que la sanction maximale encourue était une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 22.500 euros. Or, le requérant a été condamné au seul paiement d’une amende d’un montant de 5.000 euros. En conséquence, la CEDH juge que l'ingérence dans l’exercice du droit du requérant à la liberté d’expression était « nécessaire dans une société démocratique ». |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-172508 |