Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'utilisation comme moyen de preuve d’un sachet de drogue recueilli à la suite de l’administration de force d’un vomitif : Jalloh c. Allemagne |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 11/07/2006 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 54810/00 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Sierra Leone [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Preuve |
Résumé : |
L’affaire concerne le traitement inhumain et dégradant subi par un ressortissant sierra-léonais né en 1965 et domicilié à Cologne, en raison de l’administration de force d’un vomitif afin de recueillir des éléments de preuve.
En 1993, des policiers avaient vu le requérant retirer de sa bouche deux petits sachets plastiques et les remettre à quelqu’un contre de l’argent. Ils ont arrêté le requérant, le soupçonnant de trafic de drogue, mais ce dernier a avalé alors un autre sachet qu’il avait dans la bouche. Étant donné qu’aucune drogue n’avait été trouvée sur le requérant, le procureur a ordonné l’administration d’un vomitif, en vertu de l’article 81a du code de procédure pénale. Cette disposition a été interprétée par de nombreuses juridictions allemandes et par une partie de la doctrine comme constituant une base juridique suffisante en vue d’obtenir des preuves, sans le consentement de la personne accusée, par des méthodes portant atteinte à son intégrité physique. Le requérant a été conduit dans un hôpital où il a refusé de prendre les médicaments nécessaires pour provoquer des vomissements. Il a été alors immobilisé par quatre policiers tandis qu’un médecin lui a administré de force des émétiques par sonde nasogastrique et par injection. Le requérant a régurgité un sachet contenant 0,2182 grammes de cocaïne. A l’issue de la procédure pénale, il a été condamné à six mois de prison avec sursis avec mise à l’épreuve. Il invoquait les articles 3, 8 et 6 de la Convention. Dans un premier temps, la Cour estime que les autorités allemandes ont porté gravement atteinte à l’intégrité physique et mentale du requérant, contre son gré. Elles l’ont forcé à vomir, non pas pour des raisons thérapeutiques mais pour recueillir des éléments de preuve qu’elles auraient également pu obtenir par des méthodes moins intrusives. La façon dont la mesure litigieuse a été exécutée était de nature à inspirer au requérant des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à l’humilier et à l’avilir. En outre, elle a comporté des risques pour sa santé, en particulier en raison du manquement à procéder préalablement à une anamnèse adéquate. Bien que ce ne fût pas délibéré, la façon dont l’intervention a été pratiquée a également occasionné au requérant des douleurs physiques et des souffrances mentales. La Cour estime, donc, que l’intéressé a été soumis à un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3. Dans un deuxième temps, la Cour conclut également que le fait d’avoir permis l’utilisation au procès du requérant des éléments obtenus à la suite de l’administration de force du vomitif a porté atteinte au droit de l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre incrimination et a donc entaché d’iniquité la procédure dans son ensemble. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-76308 |