Document public
Titre : | Décision 2017-058 du 23 février 2017 relative au déroulement d'une tentative d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, et notamment aux moyens de contrainte et aux gestes employés par les policiers lors de cette tentative. |
est cité par : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Déontologie de la sécurité, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 23/02/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2017-058 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Position non suivie d’effet [Géographie] Arménie [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Mesure d'éloignement [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Transport aérien [Mots-clés] Menottage |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d'une réclamation relative au déroulement d'une tentative d'éloignement d'un ressortissant d'ARMENIE en situation irrégulière sur le territoire français, le 18 octobre 2014, à l'aéroport. Plus précisément, le Défenseur a été saisi des moyens de contrainte utilisés par les policiers.
Le Défenseur des droits : - constate que le réclamant a été équipé du dispositif de protection individuelle (DPI) par les fonctionnaires de police avant leur tentative de l'embarquer à bord de l'aéronef; - considère que cette décision d'équiper le réclamant du DPI n'apparaissait pas comme injustifiée eu égard aux circonstances de l'espèce et aux critères très généraux contenus dans l'instruction DGPN du 17 juin 2003 relative à l'éloignement par voie aérienne des étrangers en situation irrégulière ; - considère qu'il est paradoxal de préciser en annexe de l'instruction de 2003 qu'un éloignement ne peut être effectué à « n'importe quel prix », tout en autorisant le recours au DPI, qui annihile toute liberté de mouvement de la personne, et crée un impact psychologique fort sur celle-ci, alors même qu'il est toujours possible de poursuivre pénalement un étranger s'opposant à son éloignement pour obstruction à une mesure d'embarquement s'il persiste dans ce refus, en l'informant préalablement de cette éventualité ; -considère que le DPI, qui n'est au demeurant encadré par aucun texte de loi, porte atteinte à la dignité humaine, au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ; - recommande dès lors la suppression de ce moyen d'immobilisation ; - constate que les policiers ont transporté horizontalement le réclamant jusqu'à l'aéronef, conformément aux règles enseignées, et ne constate dès lors aucun manquement à la déontologie de la sécurité sur ce point ; - n'est pas en mesurè d'établir, comme l'allègue le réclamant, que les policiers l'ont laissé chuter au sol à plusieurs reprises lors de son transport horizontal, ni la réalité des gestes des policiers décrits par ' le réclamant consistant à lui apposer une main sur sa bouche et à enserrer son cou ; - constate que la technique dite du « contrôle pavillonnaire » a été pratiquée par les policiers sur le réclamant, afin de procéder à sa maîtrise, conformément à ce qui leur est enseigné dans le cadre de leur formation, et ne con tate dès lors aucun manquement individuel à la déontologie de la sécurité sur ce point ; - recommande que ce geste de contrainte, qui n'est encadré par aucun texte de loi, et qui porte atteinte à la dignité humaine, au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ne soit plus enseigné aux agents escorteurs ; - plus globalement, constate que l'autorisation, par l'instruction de 2003, de recourir à des moyens de contrainte à l'encontre d'un « étranger récalcitrant » et pour la mise à exécution d'une décision administrative ou judiciaire n'est pas conforme aux articles 803 du code de procédure pénale et R. 434-17, al. 4, du code de la sécurité intérieure, qui n'autorisent leur utilisation qu'à l'égard d'une personne considérée comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même, ou susceptible de tenter de s'enfuir ; ; - recommande en conséquence, comme il a eu l'occasion de le faire dans une précédente affaire\ la révision de l'instruction de 2003 en vue de sa mise en conformité avec ces principes; - recommande également qu'une réflexion soit menée du point de vue éthique, sur les modalités de mise en œuvre d'un éloignement forcé au regard du comportement de la personne; - recommande enfin, dans l'hypothèse où des moyens de contrainte autre que des menottes sont utilisés, que la révision de l'instruction de 2003 se fasse par un texte législatif. |
Collège Défenseur des droits : | Déontologie de la sécurité |
Nombre de mesures : | 6 |
Suivi de la décision : |
Par courrier reçu le 9 octobre 2017, le ministre de l'intérieur répond : - concernant la recommandation de suppression du dispositif de protection individuelle (DPI), le ministre de l’Intérieur a précisé que ce dispositif, qui vise à empêcher un reconduit récalcitrant d’être dangereux pour lui-même ou pour autrui, constitue une entrave au sens de l’article 803 du code de procédure pénale. Il a indiqué que ce dispositif avait remplacé l’usage des menottes, susceptibles de faciliter l’automutilation de personnes qui cherchent souvent par tous moyens à faire obstacle à une mesure d’éloignement. - concernant la recommandation visant à ce que la technique dite du « contrôle pavillonnaire » ne soit plus enseignée aux agents escorteurs, le ministre de l’Intérieur a précisé que cette technique permet de maîtriser un individu récalcitrant, notamment le temps de l’immobiliser par des moyens de contention adaptés. Il a indiqué que cette technique, utilisée dans d’autres milieux professionnels, évite le recours à des armes de force intermédiaire (bâton télescopique de défense, pistolet à impulsions électriques, etc.), et est particulièrement adaptée pour les escorteurs qui ne sont pas armés et qui en conséquence ne peuvent compter que sur leurs capacités psychologiques et physiques pour mener à bien leur mission. Le ministre a ajouté que, dans cette affaire, le recours aux méthodes non coercitives avait échoué en raison du comportement particulièrement récalcitrant du réclamant et que, dès lors, l’ensemble des mesures techniques visant à limiter l’usage de la force physique, grâce à l’emploi de moyens de coercition non contondants et respectueux de la dignité humaine, a dû être mis en œuvre par les escorteurs. Le ministre a précisé que ces techniques constituent une réponse adaptée à la violence affichée par certaines personnes reconduites à la frontière, et a souligné qu’elles étaient mises en œuvre dans les strictes limites de nécessité et de proportionnalité, conformément aux instructions de la direction générale de la police nationale en date du 4 novembre 2015. - concernant la recommandation visant à ce qu’une réflexion soit menée du point de vue éthique, sur les modalités de mise en œuvre d’un éloignement forcé au regard du comportement de la personne, le ministre de l’Intérieur a rappelé que les forces de sécurité intérieure de l’État exercent leurs missions, notamment l’exécution des décisions de l’autorité judiciaire ou administrative, dans le cadre du droit positif. - concernant la recommandation de révision de l’instruction DGPN du 17 juin 2003 relative à l’éloignement par voie aérienne des étrangers en situation irrégulière, comme il a eu l’occasion de le faire dans une précédente affaire , le ministre de l’Intérieur n’a pas apporté d’autre réponse depuis celle qu’il avait donnée à la précédente décision du Défenseur des droits (il avait alors indiqué que l’instruction était en cours de révision). |
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Documents numériques (1)
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