Document public
Titre : | Décision 2017-046 du 23 février 2017 relative à la pratique des fouilles intégrales systématiques à la sortie du parloir à la maison d'arrêt de Fresnes |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Déontologie de la sécurité, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 23/02/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2017-046 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Fouille à nu [Mots-clés] Fouille corporelle [Mots-clés] Parloir [Mots-clés] Surveillant pénitentiaire [Mots-clés] Observatoire international des prisons (OIP) [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par quatre personnes détenues et par l'Observatoire international des prisons, de la mise en œuvre de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 relative aux fouilles intégrales, à la maison d'arrêt pour hommes de·Fresnes, entre 2011 et novembre 2014.
Il ressort des éléments réunis au cours des investigations que des pratiques de fouilles intégrales systématiques à la sortie des parloirs famille ont été mises en place à la maison d'arrêt de Fresnes de 2011 à 2014 par le biais de l'exécution d'une note de service rédigée par M. A, directeur de la maison d'arrêt de Fresnes. · Ainsi, les réclamants ont tous subi des fouilles intégrales systématiques qu'ils dénoncent comme abusives au regard de l'article 3 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, ce caractère systématique étant, selon eux, excessif au regard de l'atteinte à l'intégrité physique, psychique et à la dignité des personnes détenues. Suite à la saisine du juge administratif par l'Observatoire international des prisons, le tribunal administratif a rendu trois ordonnances, les 17 juillet 2012, 29 mars 2013 et 4 mai 2013 annulant les notes de service réglementant les fouilles en prison, prises par M. A à la maison d'arrêt de Fresnes, et ne respectant pas les instructions délivrées par le juge. Pourtant, c'est seulement à la suite de la diffusion par la direction de l'administration pénitentiaire, de la note du 11 juin 2013, mettant fin aux fouilles intégrales systématiques dans les établissements dont les notes ont été contestées en justice, que le directeur de la maison d'arrêt de Fresnes a diffusé, le 1er juillet 2013, deux notes de service n°1079 puis n°1080 restreignant le caractère systématique des fouilles intégrales au retour de parloir à certaines catégories de personnes détenues et inscrites sur une liste, elle-même ponctuellement révisée ou à celles faisant l'objet d'une décision individuelle circonstanciée. Les données nécessaires au traitement des courriers reçus par le Défenseur des droits sont enregistrées dans un fichier informatisé réservé à son usage exclusif pour l'accomplissement de ses missions. Vous pouvez exercer votre droit d'accès aux données vous concernant et les faire rectifier en vous adressant au service de l'Administration générale. Le Défenseur des droits considère que M. A a manque a son devoir d'application des décisions de justice en ne respectant pas les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Melun, suspendant l'application des textes internes à l'établissement relatifs au régime des fouilles intégrales. · . M. A a cependant fait évoluer le régime des fouilles intégrales en sortie de parloir dès que sa hiérarchie le lui a imposé. · Dès lors, le Défenseur des droits constate à l'encontre de M. A, un manquement aux dispositions des articles 1 et 3 du décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service publiç pénitentiaire qui imposent au service public pénitentiaire de s'acquitter de ses missions dans le respect des conventions·et rappellent que les valeurs de l'administration pénitentiaire et de ses membres résident dans la juste et loyale exécution des décisions de justice et du mandat judiciaire confié et dans le respect des personnes et de la règle de droit. Le Défenseur des droits recommande l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre du directeur de la maison d'arrêt de Fresnes de l'époque, M. A, en raison de l'irrespect des articles 1 et 2 du décret no 2010-1711 du 30 décembre 2010, pour avoir fait obstacle au caractère exécutoire des ordonnances de référé du tribunal administratif et en persistant à instituer un régime de fouilles intégrales systématique en sortie de parloir, en dépit des ordonnances rendues par le juge administratif de Melun. Le Défenseur des droits constate également, à l'encontre de M. A, un manquement à l'article 4.2. de la circulaire du 14 avril 2011 relative aux moyens de contrôle des personnes détenues pour défaut de motivation d'une décision de fouille intégrale, dans le cadre de la saisine de M. B. Cet article dispose que la décision de fouiller une personne détenue ou plusieurs personnes détenues peut être prise oralement ou par écrit par l'autorité compétente, dès lors que cette décision respecte les principes de nécessité et de proportionnalité. Lorsque la décision de fouille est prise par écrit, le chef d'établissement ou son délégataire doit veiller à la motiver en droit (article 57 de la loi·du 24 novembre 2009 et articles R. 57-7- 79 et suivants du code de procédure pénale) et en fait (circonstances précises, ·personne(s) détenue(s) concernée(s), justification et modalités de mise en œuvre de la mesure). L'article précise que lorsque la décision de fouille est prise oralement, il conviendra, après sa mise en œuvre, d'en assurer sa traçabilité. · · Par conséquent, le Défenseur des droits recommande un rappel de l'article 4.2. de la circulaire du 14 avril 2011 relative aux moyens de contrôle des personnes détenues,. à l'encontre de M. A, pour défaut de motivation d'une décision de fouille intégrale, dans le cadre de la saisine de M. B. Toutefois, concernant la réclamation de M. C relative aux trois fouilles intégrales qui lui ont été imposées à l'issue de trois parloirs consécutifs, le 5 novembre 2011, au regard de la circulaire du 14 avril 2011 relative aux moyens de contrôle des personnes détenues, applicable au moment·des faits, il restait loisible aux directeurs d'établissement de mettre en place des fouilles intégrales systématiques pour l'ensemble de la population carcérale à l'issue des parloirs (circ., 3.1.1). Dès lors, au vu de ce texte, et de l'absence de décision rendue par le tribunal administratif au moment de ces fouilles, le Défenseur des droits a procédé au classement de cette saisine, pour absence de manquement à la déontologie. · De plus, M. D a saisi le Défenseur des droits au sujet de la pratique de fouilles intégrales systématiques à son encontre, après chaque parloir, à la maison d'arrêt de Fresnes, entre janvier 2013 et avril 2013. Concernant les gestes attentatoires à la dignité qui auraient été pratiqués le 13 mars 2013, ceux-ci n'ont pu être établis. Concernant la condamnation à une sanction de placement en cellule disciplinaire, celle-ci pouvait être prononcée, puisque M. D avait commis une faute de deuxième degré consistant à refuser de se soumettre à une mesure de sécurité (C. pr. pén., art. R. 57-7-2). Dès lors, le Défenseur des droits a procédé au classement de cette saisine, pour absence de manquement aux règles de la déontologie. Enfin, M. E, incarcéré à la maison d'arrêt pour hommes de Fresnes, a saisi le Défenseur des droits d'une part du bien-fondé et du déroulement d'une fouille intégrale en retour de promenade, le 13 octobre 2013, d'autre part de l'inaction de la direction de l'établissement face aux provocations récurrentes du premier surveillant F à l'encontre des détenus basques. Ce dernier avait également décidé de procéder à la fouille litigieuse. Cependant, suite aux investigations, en l'absence d'éléments de preuve corroborant les déclarations de M. E concernant les tensions récurrentes entre les détenus basques et ce premier surveillant, le Défenseur des droits n'envisage pas de retenir un manquement à la déontologie à l'encontre du directeur de l'établissement. |
Collège Défenseur des droits : | Déontologie de la sécurité |
Nombre de mesures : | 2 |
Suivi de la décision : |
Dans le respect de l’article 25 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, a répondu à la décision du Défenseur des droits, par courrier du 3 mai 2017. Rappelant son attachement au respect des droits fondamentaux des personnes détenues, le ministre de la Justice a rappelé que la loi du 3 juin 2016, accompagnée de la note du 14 octobre 2016, pose désormais un cadre clair et unifié. Afin de tenir compte tant de la jurisprudence du Conseil d'État et de celle de la Cour européenne des droits de l'Homme, que du contexte de sécurité pénitentiaire, considérablement dégradée par l'apparition de menaces nouvelles et le poids d'une surpopulation toujours plus importante, cette loi a clarifié le recours aux mesures de fouilles. Au regard de cette évolution, le ministre de la Justice a considéré que l'ancien directeur de maison d’arrêt de X, à la suite de décisions du tribunal administratif comme de missions d'inspection, a abrogé l'autorisation générale de fouilles à corps que son prédécesseur avait édictée, et a respecté ses obligations en cherchant à introduire des critères de nécessité (profil pénal et profil de détention) ainsi que de proportionnalité dans le but de s'adapter aux critères posés par la jurisprudence. Le ministre de la Justice a considéré que l’ancien chef de l’établissement avait donc tenté de concilier le cadre juridique alors en vigueur et les critères posés par le juge administratif. Le ministre de la Justice a cependant regretté que l'administration pénitentiaire n'ait pas suffisamment tenu compte de l’évolution de la jurisprudence en n'actualisant pas ses textes de référence. Dans cette optique, et dès son arrivée, le ministre de la Justice a rappelé qu’il avait engagé un travail qui a abouti à la refonte du droit applicable, en particulier avec la modification de l'article 57 lui-même. Au regard des manquements individuels relevés à l’encontre de l’ancien chef d’établissement pénitentiaire dans la décision du Défenseur des droits, le ministre de la Justice a cependant adressé à ce dernier un courrier indiquant les griefs retenus à son encontre et ses obligations. Un rappel lui a notamment été fait concernant son devoir de respect du cadre juridique. De ce fait, il n’a pas paru opportun au ministre de la Justice, d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre de l’ancien chef de l’établissement pénitentiaire. En parallèle, le ministre de la Justice a demandé à l'administration pénitentiaire de veiller à l'harmonisation des pratiques entre les directions interrégionales et les établissements, dans le sens d'une stricte application d'un cadre juridique désormais dénué d'ambiguïté. |
Documents numériques (1)
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