Document public
Titre : | Arrêt relatif à la transcription en France des actes de naissances des triplés nés au Ghana établissant une filiation maternelle à l'égard d'une mère d'intention |
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Auteurs : | Cour d'appel de Rennes, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 06/03/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16/00393 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Gestation pour autrui (GPA) [Mots-clés] Maternité [Mots-clés] Paternité [Mots-clés] Parent [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Géographie] Ghana |
Résumé : |
Un couple hétérosexuel français a eu recours à une mère porteuse au Ghana qui a donné naissance à des triplets en 2014. Les actes de naissance des enfants désignent le couple comme étant le père et la mère. Suspectant le recours à la gestation pour autrui, le procureur de la République s’est opposé à la transcription des actes de naissances ghanéens en France. Il faisait valoir que les actes de naissances ne sont pas conformes à la réalité au sens de l’article 47 du code civil puisque la mère désignée n’a pas accouché. Le mot « réalité » doit être considéré comme une réalité factuelle.
Le tribunal de grande instance a toutefois fait droit à la demande du couple et a ordonné la transcription en considérant que les actes de naissances, régulièrement établis et correspondant à la réalité en ce qu’ils portent mention des seuls liens de filiation paternel et maternel reconnus aux enfants, étaient probants au sens de l’article 47 du code civil. La Cour d’appel confirme le jugement. Elle considère que la réalité au sens de l’article 47 du code civil doit s’entendre comme la réalité matérielle de l’évènement déclaré quant à l’existence, au jour, au lieu de naissance du nouveau-né et aux autres énonciations relatives à son sexe, à ses noms et prénoms, par opposition à une situation fictive, irréelle ou imaginaire. Elle ajoute que dans l’intérêt supérieur de l’enfant qui a droit à une identité qui inclut la filiation, la réalité au sens de l’article 47 s’entend aussi comme celle qui existe juridiquement au jour où l’acte de naissance étranger est dressé. En conséquence, selon la Cour, la force probante des actes de naissance litigieux doit être examinée uniquement au regard des dispositions édictées en vue de leur transcription par l’article 47 et non par application de la loi désignée par la règle de conflit pour l’établissement de la filiation de l’enfant. Ainsi, selon la Cour, il faut prendre en compte la réalité qu’établit le droit étranger qui déclare la mère d’intention comme mère légale de l’enfant conformément aux règles de droit applicables au Ghana, qui est conforme aux liens affectifs, éducatifs et familiaux qui unissent les enfants et leurs parents d’intention. Par ailleurs, la réalité et la sincérité de la volonté du couple parental d’attribuer à ces enfants, une filiation d’intention, objectivées par la demande de transcription, et non contredites par des données extérieurs ou des éléments tirés des actes eux-mêmes. La Cour estime que la marge d’appréciation dont disposent les États au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, est atténuée en matière de filiation et de parenté d’intention. Elle juge que la transcription est conforme à l’intérêt supérieur des enfants des trois enfants qui est de bénéficier de la protection et de l'éducation du couple parental, de la stabilité des liens familiaux et affectifs, de la continuité de la communauté de vie effective et affective qu'ils partagent avec leurs parents, d'avoir un rattachement juridique tant à l'égard de leur père que de leur mère, leur permettant leur intégration complète dans leur famille et l'inscription sur le livret de famille de leurs parents. De plus, l’intérêt supérieur de l’enfant implique la reconnaissance de la situation constituée à l'étranger en conformité avec la loi étrangère afin de leur garantir sur le territoire national, le droit au respect de leur identité dont la filiation et la nationalité française, constituent un aspect essentiel. Les actes litigieux sont réguliers en la forme et le ministère public n’invoque aucun élément pertinent de nature à remettre en cause la force probante de ces actes au regard de l’article 47 du code civil. La Cour conclut qu’en recherchant la solution la plus adaptée à l'intérêt supérieur de l'enfant, comme sujet de droit, le juge contribue à la cohésion sociale, en mettant fin à l'incertitude et à l'insécurité juridique pesant sur le statut des enfants vivants avec un ou des parents français, nés à l'étranger dans un pays où la pratique de la gestation pour autrui est conforme à la loi, en faisant prévaloir le principe d'égalité de tous les enfants quelle que soit leur naissance, conformément à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit toute forme de discrimination, mais sans que toutefois, soit remis en cause le principe d'ordre public de prohibition de la gestation pour autrui en France et qui est réprimée par le code pénal. |
Documents numériques (1)
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