Document public
Titre : | Arrêt relatif au licenciement d’une salariée ayant refusé d’ôter son foulard islamique lors des rencontres avec les clients de la société : Bougnaoui c. Micropole Univers |
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est cité par : |
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Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 14/03/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-188/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Signe religieux [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Géographie] France |
Résumé : |
En France, une femme musulmane, employée comme ingénieur d’études par une société privée de conseil informatique, portait pendant son travail, à certains moments de son choix, un foulard islamique qui lui couvrait la tête tout en lui laissant le visage dégagé. Une partie de ses tâches consistait à rencontrer des clients de la société dans leurs locaux. L’un des clients de la société s’étant plaint de ce que le foulard de la salariée avait « gêné » ses collaborateurs et ayant demandé à ce qu’il n’y ait « pas de voile la prochaine fois », il a été demandé à la salariée de confirmer qu’elle respecterait cette demande lors de la prochaine visite. La salariée s’y étant opposée, elle a été licenciée en juin 2009. L’employeur a conclu que son refus d’ôter le foulard rendait impossible la poursuite de son activité au service de l’entreprise.
Saisie de l’affaire, la Cour de cassation demandait à la CJUE si la volonté d’un employeur de tenir compte du souhait d’un client de ne plus voir ses services fournis par une travailleuse qui porte un foulard islamique peut être considérée comme une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » et échappe ainsi au principe de non-discrimination fondée sur la religion ou les convictions, prévu dans la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. La CJUE constate tout d’abord que la décision de renvoi ne permet pas de savoir si la question de la Cour de cassation repose sur le constat d’une différence de traitement directement ou indirectement fondée sur la religion ou les convictions. Il appartient dès lors à la Cour de cassation de vérifier si le licenciement de la salariée a été fondé sur le non-respect d’une règle interne prohibant le port visible de signes de convictions politiques, philosophiques ou religieuses. En effet, dans un arrêt rendu le même jour (affaire C-157/15), la CJUE a jugé qu’une règle interne d’une entreprise qui interdise le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux ne constitue pas une discrimination dès lors qu’elle traite de manière identique tous les travailleurs de l’entreprise, en leur imposant de manière générale et indifférenciée, une neutralité vestimentaire. Si en l’espèce le licenciement est fondé sur le non-respect d’une règle interne, il revient à la Cour de cassation de vérifier si la différence de traitement, découlant d’une règle interne d’apparence neutre risquant d’aboutir, en fait, à un désavantage particulier pour certaines personnes, est objectivement justifiée par la poursuite d’une politique de neutralité et si elle est appropriée et nécessaire. En revanche, dans le cas où le licenciement de la salariée ne serait pas fondé sur l’existence d’une telle règle interne, il y aurait lieu de déterminer si la volonté d’un employeur de tenir compte du souhait d’un client de ne plus voir ses services fournis par une travailleuse qui porte un foulard islamique serait justifiée au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive, selon laquelle les États membres peuvent prévoir qu‘une différence de traitement prohibée par la directive ne constitue pas une discrimination lorsqu’en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif est légitime et que l’exigence est proportionnée. À cet égard, la Cour rappelle que ce n’est que dans des conditions très limitées qu’une caractéristique liée, notamment, à la religion peut constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante. En effet, cette notion renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice d‘une activité professionnelle et ne couvre pas des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client. La Cour répond donc que la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de la directive. |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=188853&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=125215 |