Document public
Titre : | Arrêt relatif à la condamnation justifiée de l’Etat en raison de contrôles d’identité fondés sur des motifs discriminatoires |
Titre précédent : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Cour de cassation, 1ere ch. civ., Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 09/11/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 15-25876 |
Note générale : | C’est le 9 novembre 2016 que la Cour de cassation a rendu ses 13 arrêts. Suivant les observations du Défenseur des droits, la Cour de cassation estime que les personnes s’estimant victimes de contrôles d’identité discriminatoires peuvent mettre en cause la responsabilité de l’État, en exerçant un recours sur le fondement de l’article 141-1 du code de l’organisation judiciaire (COJ). Sur le mode de preuve, reconnaissant implicitement l’absence d’obligation légale de traçabilité des contrôles d’identité et la nécessité de mettre à disposition du justiciable un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, permettant de dénoncer le caractère discriminatoire d’un contrôle et d’obtenir réparation du préjudice, la Cour de cassation confirme qu’un aménagement des règles de la charge de la preuve doit être appliqué, principe qui prévaut en matière de discrimination. Selon la Cour, un contrôle d’identité est discriminatoire lorsqu’il est réalisé selon des critères tirés de caractéristiques physiques associées à une origine, réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable. Ces arrêts constituent une avancée significative pour la protection effective des citoyens contre les discriminations. Onze des pourvois formés contre les arrêts de la cour d’appel ont été rejetés. Dans deux affaires où la Cour d’appel de Paris avait condamné l’État pour contrôles d’identité discriminatoires, la Haute Cour a cassé les arrêts : dans l’un, pour non-respect d’une règle de procédure civile indépendante de la question des contrôles d’identité ; dans l’autre, car la cour d’appel n’a pas recherché si la différence de traitement n’était pas justifiée par des éléments objectifs apportés par l’administration. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Profilage ethnique [Mots-clés] Contrôle d'identité |
Résumé : |
En décembre 2011, le requérant, jeune français d’origine africaine et nord-africaine, ainsi que deux autres personnes âgés de 18 et 21 ans, ont fait l’objet d’un contrôle d’identité par les forces de l’ordre alors qu’ils se trouvaient aux abords d’un centre commercial à la Défense en exécution des réquisitions du procureur de la République. Ces réquisitions prises sur le fondement de l’article 78-2, alinéa 6, du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable, tendaient à faire procéder, dans des lieux déterminés de du quartier de La Défense, le 10 décembre 2011, de 13 heures à 24 heures, à des contrôles d’identité aux fins de rechercher des auteurs de violences volontaires, vols de véhicules ou dans les véhicules, infractions à la législation sur les stupéfiants, sur les armes et sur les étrangers.
Les policiers avaient procédé à la fouille des trois personnes avant de le sommer de présenter une pièce d’identité. Le contrôle s'est terminé sans incident. Aucune suite judiciaire ou administrative n’a été donnée à ce contrôle. Estimant avoir été victime de discrimination, le requérant et les deux autres jeunes hommes, ont saisi le tribunal de grande instance visant à mettre en cause la responsabilité de l’État pour les contrôles d’identité discriminatoires et à obtenir la réparation du préjudice. Toutefois, en absence de preuve d’un comportement discriminatoire de la part des fonctionnaires de police constitutif d’une faute lourde, le tribunal l'a débouté. La Cour d’appel avait pris en compte les observations présentées par le Défenseur des droits. Elle a estimé que les faits dénoncés présentaient un caractère discriminatoire qui engageait la responsabilité de l’État peu importe que le contrôle se soit déroulé sans que n'aient été tenus de propos humiliants ou insultants. Dans les trois affaires, l’État était condamné à verser à chacun des intéressés une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral. La Cour de cassation approuve la Cour d’appel et rejette le pourvoi formé par l’État. Elle considère que la faute lourde résultant d’une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, au sens de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, doit être regardée comme constituée lorsqu’il est établi qu’un contrôle d’identité présente un caractère discriminatoire ; que tel est le cas, notamment, d’un contrôle d’identité réalisé selon des critères tirés de caractéristiques physiques associées à une origine, réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable. La Cour de cassation considère qu’il appartient à celui qui s’en prétend victime d’apporter des éléments de fait de nature à traduire une différence de traitement laissant présumer l’existence d’une discrimination, et, le cas échéant, à l’administration de démontrer, soit l’absence de différence de traitement, soit que celle-ci est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En l’espèce, la Cour d’appel avait constaté que les études et informations statistiques produites attestent de la fréquence de contrôles d’identité effectués, selon des motifs discriminatoires, sur une même catégorie de population appartenant aux « minorités visibles », c’est-à-dire déterminée par des caractéristiques physiques résultant de son origine ethnique, réelle ou supposée. Par ailleurs, se fondant sur un témoignage, la Cour d’appel avait retenu que les opérations de contrôle ont visé, durant une heure trente, de façon systématique et exclusive, un type de population en raison de sa couleur de peau ou de son origine. Selon la Cour de cassation, le juge d’appel en a souverainement déduit que le requérant apportait des éléments de nature à traduire une différence de traitement laissant présumer l’existence d’une discrimination. Enfin, la Cour de cassation juge que la Cour d’appel qui n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a souverainement estimé que l’Agent judiciaire de l’Etat ne démontrait pas en quoi ce contrôle d’identité était justifié par des circonstances objectives, étrangères à toute discrimination. Le juge d’appel en a donc exactement déduit que la responsabilité de l’Etat se trouvait engagée sur le fondement de l’article L. 141-1 précité. |
Note de contenu : | Les 12 autres arrêts de la Cour de cassation : 15-24212; 15-24214; 15-24213; 15-24211; 15-24209; 15-24208; 15-25873; 15-25877; 15-24210; 15-24207; 15-25875; 15-25872; |
Documents numériques (1)
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