
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que la dénonciation de faits de harcèlement moral par un salarié ne peut donner lieu à des poursuites pour diffamation |
Auteurs : | Cour de cassation, 1ere ch. civ., Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/09/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 15-21823 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Diffamation [Mots-clés] Responsabilité pénale |
Résumé : |
Une salariée avait dénoncé auprès de son employeur de faits de harcèlement moral dont elle s’estimait victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques.
Considérant que les propos relatés étaient diffamatoires, l’employeur ainsi que les deux personnes mises en cause, ont assigné la salariée devant le juge sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, pour obtenir réparation de leurs préjudices. Le juge du fond a accueilli favorablement leur demande en estimant que les propos étaient diffamatoires et la salariée était condamnée à verser à chacun la somme de 300 euros de dommages et intérêts. Le juge a considéré que si les articles L.1152-1 et suivants du code du travail ont instauré un statut protecteur au bénéfice du salarié qui est victime de harcèlement moral, ces dispositions n'édictent pas une immunité pénale au bénéfice de celui qui rapporte de tels faits au moyen d'un écrit, de sorte que son rédacteur est redevable, devant le juge de la diffamation, de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l'honneur ou à la considération des personnes qu'elles visent. La Cour de cassation censure ce raisonnement. Elle énonce qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1152-2, L. 4131-1 , alinéa 1, du code du travail et 122-4 du code pénal que les salariés sont autorisés par la loi à dénoncer, auprès de leur employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont ils estiment être victimes. Elle ajoute que selon une jurisprudence constante, les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec l'intention de nuire et que si la partie poursuivi pour diffamation a la faculté d'offrir la preuve de la vérité des faits diffamatoires, conformément à l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, cette offre de preuve est strictement encadrée par l'article 55 de la même loi. En outre, si cette partie a encore la possibilité de démontrer l'existence de circonstances particulières de nature à la faire bénéficier de la bonne foi, il lui appartient d'en rapporter la preuve, laquelle suppose de justifier de la légitimité du but poursuivi, de l'absence d'animosité personnelle, de la prudence dans l'expression et de la fiabilité de l'enquête. En revanche, la croyance en l'exactitude des imputations diffamatoires ne suffit pas à reconnaître à leur auteur le bénéfice de la bonne foi. La Cour de cassation estime que ces exigences probatoires sont de nature à faire obstacle à l'effectivité du droit, que la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a reconnu au salarié, de dénoncer, auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont il estime être victime. Elle considère que dès lors, la relation de de tels agissements, auprès des personnes précitées, ne peut être poursuivie pour diffamation. Toutefois, lorsqu'il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué et renvoi l’affaire devant une autre Cour d’appel. |
En ligne : | https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000033176744 |