
Document public
Titre : | Requêtes relatives aux mauvais traitements qu’auraient subis deux hommes en état d’ébriété lors de leur interpellation par les fonctionnaires de police : Marzo et Franceschi c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/11/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 60324/15; 60335/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Violence [Mots-clés] Fouille [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) [Mots-clés] Interpellation [Géographie] France |
Résumé : |
Après avoir été interpellés en état d’ébriété le 1er janvier 2007 à 6h du matin pour des faits de dégradation de biens privés, les deux requérants ont été transférés au commissariat puis à l’hôpital où ils ont été examinés peu avant 7h par un médecin qui a refusé leur admission à l’hôpital. Les dossiers médicaux, enregistrés à l’hôpital ce jour-là, n’ont pas été retrouvés par le personnel hospitalier. Les intéressés ont été ensuite ramenés au commissariat où ils ont été placés en chambre de sûreté vers 7h45 et jusque vers midi, puis en garde à vue à 14 heures. Ils ont fait l’objet d’une fouille à un moment indéterminé (avant ou après avoir été amenés à l’hôpital). Le médecin qui les a réexaminés à 17h et 18h50 a constaté diverses blessures et hématomes. A la suite des constats de ces lésions les requérants se sont vu attribuer des interruptions temporaires de travail de 6 jours. Le 3 janvier, un médecin extérieur a constaté également diverses lésions.
Le 11 janvier 2007, les requérants ont déposé plainte auprès du procureur de la République pour violences par personnes dépositaires de l’autorité publiques, coups et blessures et traitements cruels inhumains et dégradants. Ils ont été entendus le même jour. L’inspection générale des services a conclu, après l’audition des requérants et des personnes mises en cause qu’aucun élément dans l’enquête ne permettait d’ajouter foi à leurs dires. Les policiers de ce service ont indiqué que les requérants minimisaient complètement leur ivresse et les dégradations qu’ils avaient commises, qu’ils n’avaient en fait que peu de souvenir de la soirée du réveillon, qu’ils exagéraient leurs propos en n’hésitant pas à revenir sur les faits qu’ils avaient reconnus et qu’ils mentaient sur plusieurs points. L’affaire a été classée sans suite le 25 mai 2007. En mars 2008, les intéressés ont été auditionnés par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Ils ont déposé une plainte avec constitution de partie civile du chef de violences volontaires ayant entraîné une « incapacité totale de travail » inférieure ou égale à huit jours, commises en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions. Ils ont soutenu avoir fait l’objet de violences de la part de policiers lors de leur interpellation, lors des transports entre le commissariat et l’hôpital, de leur fouille, de leur placement en chambre de sûreté, et enfin lors de la notification de la garde à vue. Ainsi, pendant l’attente du fourgon de police et durant les transports, les requérants ont allégué avoir été saisis au cou par les policiers au point que l’un d’eux aurait perdu connaissance, avoir été couchés de force au sol et piétinés, en particulier sur les chevilles. Le premier requérant a précisé avoir reçu des coups au visage à ce moment-là et avoir vu son frère vomir alors que les policiers lui maintenaient la tête contre le sol. Le deuxième requérant a ajouté que, de retour au commissariat, il avait été plaqué au mur et étranglé au moment de la notification de sa garde à vue, au point de perdre à nouveau connaissance. Deux confrontations ont eu lieu entre les requérants et les policiers mis en cause. Ces derniers contestaient les violences reprochées et affirmaient que les intéressés ont été particulièrement « excités et dangereux ». En juin 2011, le juge d’instruction a rendu l’ordonnance de non-lieu en absence de charges suffisantes contre les policiers d’avoir commis des faits dénoncés par les requérants. La chambre d’instruction de la Cour d’appel a confirmé le non-lieu et le pourvoi en cassation a été rejeté. La CEDH a communiqué les requêtes le 1er septembre 2016. GRIEFS : Invoquant l’article 3 de la Convention, les requérants se plaignent d’avoir subi des traitements contraires à cette disposition de la part de fonctionnaires de police lors de leur arrestation et de la garde à vue qui a suivi. Ils font valoir que les autorités internes ne fournissent aucune explication satisfaisante et convaincante de l’origine des blessures. Sous l’angle procédural de cette disposition, les requérants font valoir que les juridictions internes n’ont tiré aucune conséquence du caractère plausible des allégations des parties civiles et qu’aucune recherche approfondie n’a été menée aux fins d’exclure toute incertitude quant aux circonstances dans lesquelles ils ont été blessés, alors qu’ils se trouvaient entre les mains des autorités policières. QUESTIONS AUX PARTIES : 1. Les requérants ont-ils été, lors de leur arrestation et jusqu’à la fin de leur garde à vue, victimes de traitements contraires à l’article 3 de la Convention ? 2. Eu égard à la protection procédurale contre les traitements inhumains ou dégradants (voir le paragraphe 131 de l’arrêt Labita c. Italie [GC], n° 26772/95), l’enquête menée en l’espèce par les autorités internes a-t-elle satisfait aux exigences de l’article 3 de la Convention ? Les parties sont invitées à fournir les copies, notamment, des documents suivants : - pour le Gouvernement, la « fiche A » de chacun des requérants, les témoignages du médecin et de l’infirmière qui les ont accueillis à l’hôpital, le rapport de l’Inspection générale des services (IGS) après le dépôt de la plainte simple, les certificats médicaux dressés avant et pendant la période de garde à vue, les procès-verbaux de notification de début et de fin de garde à vue, les résultats des tests d’alcoolémie pratiqués sur les requérants, les procès-verbaux d’audition des requérants devant la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) du 4 mars 2008 et le rapport éventuel de celle-ci, et, enfin, l’ordonnance de non-lieu du 15 mai 2012 ; - pour les requérants, les certificats médicaux du 3 janvier 2007. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-166880 |