Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'obligation faite aux détenus de placer des sommes sur un livret avec un taux d'intérêt inférieur aux autres instruments bancaires : Siemaszko c. Pologne |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/09/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 60975/08 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Pologne [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Administration pénitentiaire |
Mots-clés: | pecule |
Résumé : |
L'affaire concerne l'obligation imposée en Pologne aux personnes incarcérées de placer des sommes prélevées sur leurs ressources de détenu sur un livret avec un taux d'intérêts de 0,1% en vue de constituer une réserve disponible à leur libération définitive.
Devant la CEDH, le requérant se plaignait du faible taux d'intérêt appliqué à son livret et de la mauvaise gestion de ses biens par l'administration pénitentiaire. La Cour note que pendant une période qui s’est étendue sur plusieurs années, le requérant, détenu se trouvant sous le contrôle de l’État, a été obligé de placer les sommes constituant son pécule de libération sur un livret dont le taux d’intérêt était inférieur aux taux d’autres instruments bancaires disponibles sur le marché et qu’il a été ainsi empêché par les autorités de souscrire à un livret susceptible de lui offrir un taux d’intérêt plus élevé. Elle prend note de l’argument du Gouvernement polonais selon lequel la mesure litigieuse était indispensable pour garantir la conservation des sommes constituant le pécule de libération du requérant, en particulier pour empêcher ce dernier de les débourser avant la fin de leur incarcération. Elle constate néanmoins que, en application du cadre réglementaire qui était en vigueur jusqu’au 31 décembre 2011, l’intéressé a été entièrement privé du choix d’instruments bancaires sur lesquels il aurait pu placer les sommes constituant son pécule de libération. Bien que la perte financière occasionnée au requérant par la mesure litigieuse paraisse insignifiante, la Cour rappelle que l’incidence d’une perte pécuniaire ne doit pas se mesurer de façon abstraite et qu’un préjudice matériel même modeste peut être important eu égard à la situation particulière de l’individu concerné et à la conjoncture économique du pays ou de la région où il vit. En l’espèce, la Cour relève que la mesure incriminée a touché le requérant alors qu’il se trouvait déjà dans une situation de précarité économique, compte tenu de sa longue peine et de l’absence d’offres d’emploi en milieu carcéral. Bien que le préjudice occasionné au requérant par la mesure litigieuse ait été modeste, la Cour estime que l’intéressé se trouvait dans une situation économique telle que ladite mesure a pu avoir des répercussions sur sa vie personnelle. La Cour souligne que, même si l’existence de solutions de rechange ne rend pas en soi injustifiée la législation litigieuse, elle représente un facteur, parmi d’autres, aidant à déterminer si les moyens employés peuvent passer pour raisonnables et aptes à la réalisation du but légitime poursuivi, eu égard au « juste équilibre » à préserver. En l’espèce, les autorités polonaises ayant elles-mêmes supprimé la mesure litigieuse, la CEDH n’est pas convaincu que celle-ci était indispensable pour atteindre le but susvisé. Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère qu’un « juste équilibre », au sens de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention, entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde du droit des requérants au respect de leurs biens, a été rompu en l’espèce. Partant, elle rejette l’exception du Gouvernement tirée de l’absence de préjudice important des requérants et conclut à la violation de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-166749 |