Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative au refus de suspendre l’arrêté municipal interdisant à la plage le port de vêtements non respectueux des bonnes mœurs et de la laïcité |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Tribunal administratif de Nice, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/08/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 1603470 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Biens et services [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Laïcité [Mots-clés] Signe religieux [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Procédure de référé [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Collectivité territoriale [Mots-clés] Domaine public [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Maintien de l'ordre public |
Résumé : |
Les requérants demandent au juge des référés, saisi d’un référé-liberté le 12 août 2016, de suspendre l’exécution d’un arrêté municipal en date du 26 juillet 2016 qui interdit, d’une part, l’accès aux plages et à la baignade à Cannes à toute personne n’ayant pas une tenue correcte respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime et, d’autre part, le port de vêtements pendant la baignade ayant une connotation contraire à ces principes. Cette interdiction qui concerne le « burkini » (costume de bain pour femme musulmane couvrant le corps à l’exception de mains, des pieds et du visage) vaut jusqu’au 31 août 2016. L’arrêté prévoit que toute infraction fera l’objet d’un procès-verbal par un agent dûment assermenté, transmis au Procureur de la République et qu’elle sera punie de l’amende de 38 euros prévue pour les contraventions de la 1ère classe.
Les requérants estiment que cet arrêté porte une atteinte grave à la liberté d’expression et à la liberté de culte et qu’il y a urgence à le suspendre puisqu’il n’a vocation à s’appliquer que jusqu’à la fin du mois d’août. Ils font valoir que le port de signes religieux, notamment ostentatoires, sur les plages municipales, n’est pas constitutif d’un quelconque trouble à l’ordre public et n’est interdit par aucune loi. Ils invoquent la délibération de la Halde et considèrent que cette interdiction constitue une discrimination illégale au sens de l’article 225-1 du code pénal. Le juge des référés rejette la requête en considérant que les requérants ne justifient pas d’urgence particulière, ni ne démontrent une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Tout d’abord, le juge des référés considère qu’à la date de son ordonnance, l’arrêté est déjà exécuté à 50% et que cette circonstance, dont se prévalent les requérants, ne peut dans ces conditions, au regard des délais de saisine, par elle-même justifier d’une urgence particulière impliquant l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les 48 heures. Ensuite, il renvoie à la décision du Conseil constitutionnel rendue en 2004 et autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le juge des référés rappelle que le Conseil constitutionnel avait jugé que le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en public, a la même portée que celui garanti par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et que la personne concernée se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé et de la morale publics, ainsi qu’à la protection des droits et libertés d’autrui. Le Conseil a considéré que la CEDH a appliqué constamment l’article 9 et qu’elle a pris acte de la valeur du principe de laïcité reconnu par plusieurs traditions constitutionnelles nationales afin de concilier la liberté de culte avec le principe de laïcité. Le Conseil constitutionnel avait conclu que dans ces conditions, sont respectées les dispositions de l’article 1er de la Constitution aux termes desquelles « la France est une République laïque », qui interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. Par ailleurs, le juge des référés écarte l’argument des requérants selon lequel l’arrêté litigieux porte atteinte aux libertés individuelles en ce qu’il interdit le port de signe religieux ostentatoire dans un espace public en violation de la loi. Il considère que dans le contexte de l’état d’urgence et des récents attentats islamistes survenus notamment à Nice, il y a un mois, l’affichage de signes religieux ostentatoires, que les requérants, manifestement de confession musulmane, revendiquent dans leurs écritures, en l’espèce sous la forme de tenues de plages affichant leur religion, sont de nature à créer ou exacerber des tensions parmi les nombreux usagers du domaine maritime, de toutes confessions, qui fréquentent les plages de Cannes au mois d’août et un risque de troubles à l’ordre public. Il ajoute que le port d’une tenue vestimentaire distinctive, autre que celle d’une tenue habituelle de bain, peut en effet être interprétée comme n’étant pas, dans ce contexte, qu’un simple signe de religiosité. Il précise que si la possibilité d’exprimer dans des formes appropriées ses convictions religieuses constitue une liberté fondamentale, cet affichage ostentatoire ne présente pas, dans les présentes circonstances de lieu et de temps, ce caractère approprié. Le juge estime que la mesure contestée qui s’emploie à concilier le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre, de la santé et sécurité publics, n’est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi et relève bien des pouvoirs du maire prévus par le code général des collectivités territoriales. L’interdiction litigieuse n’est pas non plus constitutive d’une discrimination illégale dès lors qu’elle s’applique à toute personne, quelle qu’en soit la religion, exprimant, de façon visible, sa religiosité ou méconnaissant les prescriptions d’hygiène et de sécurité. Il note par ailleurs que les requérants, ne contestent pas les motifs d’hygiène, de sécurité ni ceux tirés des bonnes mœurs sur lesquels se fonde également l’arrêté du maire de Cannes et notamment l’inadéquation vestimentaire d’usagers du service public balnéaire entravés dans leur tenue de baignade qui compliquerait l’intervention des secouristes en cas de noyade. Le juge des référés conclut que l’arrêté attaqué n’est pas entaché d’illégalité manifeste ni d’erreur de droit, et ne porte dès lors pas d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de culte. Il souligne que les plages ne constituent pas un lieu d’exercice adéquat de ces libertés. |
Documents numériques (1)
JP_TA_Nice_20160813_1603470.pdf Adobe Acrobat PDF |